Critique : Après vous…

Par Stéphane Argentin
17 septembre 2004
MAJ : 22 octobre 2018
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Avec pareil synopsis, Après vous… pourrait rapidement être étiqueté « comédie romantique à tendance sociale ». Ce serait cependant oublier un peu vite le gérant de cette brasserie : Pierre Salvadori, réalisateur mais aussi scénariste d’Après vous… Un habitué de la comédie dite « intelligente », de préférence entre potes qui se serrent les coudes et se soutiennent les uns les autres (Les Apprentis, Les Marchands de sable). Le temps de ces quelques films, Pierre Salvadori est bien devenu un chef, de ceux qui savent doser avec un savoir certain les ingrédients dont ils ont le secret : comédie, romance, et bien sûr une once de social. On n’est pas dans un film français pour rien.

Pas d’étude, de théorisation ni même de remède donc, Salvadori n’est ni analyste, ni statisticien et encore moins psychanalyste. Il se contente de saupoudrer un peu de ci et d’ajouter un zeste de ça dans une recette maîtrisée depuis longtemps. Et l’on commence avec l’ingrédient indispensable : des œufs, soit dans le cas présent des personnages. En mettant en présence deux caractères à priori antinomiques (tout du moins au départ), le suicidaire qui a perdu goût à la vie et l’actif heureux dans la sienne, de vie, quoiqu’un tantinet coincé, Pierre Salvadori va opérer un principe vieux comme le monde, celui des vases communicants. Ce qui s’apparentait au début à un geste secourable et fort louable, occasionnant blagues vives (« Il est comment le poulet ? ») et situations cocasses (la grand-mère), se transforme peu à peu en une absorption d’énergie.

Sans s’en rendre compte, plus Antoine cherche à venir en aide, non sans mal, à Louis, plus il pénètre son univers, accélérant sa perte de repères devant une Blanche stigmatisée pourtant comme la source de tous les ennuis. Une métamorphose inéluctable, non dénuée d’humour (une fois encore, on n’est pas venu ici pour se prendre la tête), et qui s’opère peu à peu, lentement mais sûrement. C’est d’ailleurs probablement là le seul et unique reproche que l’on pourra faire au film : pour éviter de basculer trop vite de l’un à l’autre, l’histoire prend son temps, un peu trop même, entraînant quelques longueurs, surtout dans la seconde moitié, lorsque cette fameuse inversion des rôles tourne au désavantage d’Antoine. Faible reproche en regard de la qualité du tout, et avant tout des œufs choisis pour la préparation. Daniel Auteuil, égal à lui-même (impeccable), très dépressif-inexpressif sorti tout droit du Placard dans la seconde partie ; Sandrine Kiberlain idem, à la fois forte et fragile ; mais la véritable surprise, pour ne pas dire le véritable choc du film, c’est assurément José Garcia. Habituellement hystérique, déjanté, survolté, le petit José fait tellement peine à voir (tout du moins au début du film) qu’il en ferait presque passer Droopy pour un joyeux drille, un boute-en-train. Et ça marche ! À 100% même ! La preuve évidente de son talent qui ne fait que s’affirmer de film en film.

Et si, en matière de productions nationales justement, le bilan 2003 ne pourra pas vraiment être considéré comme très reluisant aussi bien qualitativement que quantitativement (un box-office nettement en recul, en faveur des films étrangers), le nouveau Pierre Salvadori permettait de relever un peu la tête, nous servant sur un plateau une bien belle histoire, tout à la fois drôle, touchante et perpétuellement d’actualité (le mal d’amour, la dépression), agrémentée d’une non moins belle brochette d’acteurs. Alors, si la recette ne vous a pas tenté au cinéma, nous vous en prions : Après vous…

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