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Survivre : critique de l’apocalypse à la française

Par Geoffrey Crété
19 juin 2024
MAJ : 19 juin 2024
4 commentaires

Un film catastrophe où les pôles magnétiques de la Terre s’inversent pour semer le chaos ? Avec Emilie Dequenne qui tente de survivre avec sa famille ? C’est le pari incongru, mais intrigant de Survivre, réalisé par Frédéric Jardin et écrit par Matthieu Le Naour et Alexandre Coquelle (crédités sous le pseudo « Matt Alexander »), et qui sort discrètement au cinéma ce 19 juin. Et c’est clairement un cas très intéressant pour tout amateur de film catastrophe.

critique film survivre catastrophe 2024

APOCALYPSE N’EST PAS FRANÇAIS

Survivre n’est pas le premier film catastrophe français, mais c’est tout comme. Il y a bien eu La Nuit a dévoré le monde avec ses morts-vivants, Les Derniers Jours du monde avec Mathieu Amalric à poil, Dans la brume avec Romain Duris dans le brouillard, Acide avec Guillaume Canet qui prend l’eau, l’animation de La Prophétie des grenouilles, la gêne Notre-Dame brûle, ou encore la série L’Effondrement sur un autre format. Mais rares sont ceux à avoir essayé de réellement marcher sur les plates bandes du cinéma hollywoodien.

C’est le cas de Survivre, né de la rencontre entre les producteurs Marc-Étienne Schwartz et Marco Stanimirovic, les scénaristes Matthieu Le Naour et Alexandre Coquelle (crédités sous le pseudo « Matt Alexander », et dont le CV compte aussi bien Blueberry que Le Boulet et BDE), et le réalisateur Frédéric Jardin (Nuit blanche). Du moins en théorie, puisque même si ce survival option film catastrophe a les yeux plus gros que le ventre, c’est aussi son attrait.

Parce que dans Survivre, Mère Nature en a marre et décide soudainement d’inverser les pôles magnétiques de la Terre. Si votre cerveau n’arrive même pas à imaginer les conséquences d’une idée si hilarante, dîtes-vous que c’est simplement le chaos : les océans se vident et recouvrent les terres. Avec ce pitch à cheval entre la science déglinguée de Fusion (le noyau terrestre ralentit, allons vite le réactiver avec des charges nucléaires !) et le message écolo de Phénomènes (Mère Nature veut punir l’humanité avec une toxine relâchée par les plantes, attention au vent !), il y avait de quoi avoir envie, et peur.

Envie, parce que c’est tout de même un postulat irrésistible. Peur, parce que c’est un film aux moyens limités, tourné en seulement 20 jours avec un budget d’environ 5 millions d’euros, apparemment. Au final, plus de peur que de mal, parce que Survivre a plus d’un tour dans son sac.

survivre film 2024
Mayday after tomorrow

SOUS L’OCÉAN

Survivre se découpe en trois parties bien distinctes, et chacune a ses faiblesses. La première ne peut éviter les écueils de la présentation des membres de la famille Ricoré (la scène dans la douche, l’anniversaire), et du huis clos fauché qui se cache autant que possible derrière des effets de suggestion (bien pratique d’être en pleine mer, en pleine nuit).

La deuxième use de grosses ficelles pour expliciter la situation, quitte à frôler la comédie involontaire (le scientifique à la radio, qui parle à la place des scénaristes et lance un compte à rebours). Et la troisième compile quelques gros défauts habituels des films catastrophe, sans avoir les moyens de toutes ses ambitions. A priori, rien de très spécial à signaler donc.

Les personnages marchent vers leur survie dans Survivre
La colline a des yeux

Mais c’est à partir de la deuxième que le film commence à gagner des points, lorsque le réalisateur ancre son récit avec une image forte et évocatrice : un simple bateau échoué au bord d’une falaise, en plein milieu d’un désert. Tandis que le monde est plongé dans un immense désordre dont on a aperçu une étincelle sur un écran d’ordinateur, on fixe le gigantesque vide soudainement révélé, et où une famille se retrouve.

Après le chaos, le silence. Les impressionnants décors du Maroc deviennent ceux d’un autre monde, d’une autre planète même quand on imagine que ce sont des fonds marins brusquement mis à jour – oui, la suspension d’incrédulité.

survivre film 2024
C’est pas l’homme qui perd la mer, c’est la mer qui perd l’homme

UNE PINCÉE D’HORREURS

Et si le film utilise encore un des jokers les plus classiques du genre pour embrayer sur une troisième partie, c’est pour mieux bifurquer par la suite. Après un accès de sauvagerie inattendu, Survivre sort ainsi des rails pour changer de menace et aller plus franchement dans la série B.

L’idée est plus amusante que l’exécution, puisque le film touche alors les ultimes limites de son écriture (quelques facilités et incohérences formidables) et ses moyens (mieux vaut tendre l’oreille qu’ouvrir les yeux, et le réalisateur Frédéric Jardin en a visiblement conscience). Mais ce tournant joliment grandiloquent apporte un petit carburant réjouissant pour la dernière ligne droite.

survivre film 2024
En train de cherche un jeu de mot avec containers

C’est peut-être là l’ambition la plus intéressante et casse-gueule de Survivre : chercher un espace entre le sobre survival, et la série B old school ; entre le pur film catastrophe où on crame des millions pour les money shots, et la version plus ou moins économique (type The Divide, Hidden, ou les 2/3 de 10 Cloverfield Lane).

En jouant avec le huis clos mais dans un décor immense, en installant un programme très sérieux avant de lorgner vers le Z (et revenir vers le drama avec une voix off lourdingue sur le générique de fin), et en choisissant la talentueuse Emilie Dequenne pour mener le tout, Survivre apparaît comme un étrange film hybride, qui souffle le chaud et le froid sur 90 petites minutes. C’est bancal et fragile, mais c’est suffisamment imprévisible et bizarre pour mériter l’attention.

survivre film 2024 affiche
Rédacteurs :
Résumé

Survivre n’y va pas avec le dos de la cuillère pour aborder le film catastrophe en mode survie, option vieille série B. C’est bancal et un peu kamikaze, et c’est donc une curiosité qui mérite le coup d’œil.

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sascha

Vu hier soir.
J’ai passé un très bon moment et je note l’intention de faire un film catastrophe made in France.
Emilie Dequenne est excellente dans son rôle. Le film se laisse regarder et on se laisse emporter dans cette histoire d’inversement des pôles magnétiques.

Les deux reproches : le doublage lors des scènes familiale avec le père. Il y a un décalage entre ce qu’on voit et ce qu’on entend. Ca m’a un peu fait sortir du film.
Le second : où est la flore sous marine. Le paysage est vide de chez vide.

Hormis ces deux points là, le reste est vraiment bien et encore une fois : Mention Spéciale à Emilie Dequenne qui assure vraiment dans ce rôle de mère prête à tout pour sauver sa famille.

Commissr

Un peu dur comme critique , si je retiens en effet une premiere partie laborieuse le reste respire la bonne intention et surtout la belle efficacité…
Belle volonté à encourager comme Vermines il y a quelques mois… et 1000 fois superieur a un « sous la seine » netflixien en vogue actuellement par exemple!
Mention speciale a Emilie Dequenne…pas forcement sa tasse de thé mais tres credible dans ce beau role feminin!

SAlt & Pepa

Et ça a l’air génial. La bande-annonce donne vraiment envie. Les crabes des abysses qui attaquent foutent les jetons en plus du fait que la scène a l’air très violente.

Des faiblesses ? Tous les films en ont même les chefs d’oeuvres, même les blockbusters blindés de thune. Surtout eux et c’est d’autant moins pardonnable.

Les faiblesses d’un films peuvent aussi être ses qualités ou mettre plus en avant ses qualités. Moins que des images, ce dont on a besoin c’est de gens qui savent raconter une histoire, qui savent écrire des personnages et mettre tout ça en scène. Peu importe que les moyens économiques limitent ce qu’on voit à l’écran, le cinéma c’est d’abord le cerveau qui remplit des vides qui sont suggérés par la narration.

Je suis pour un retour de la série B inventive et sans de gros moyens, qui explore des pans entiers du fantastique, de l’horreur, de la SF et de l’action. Je suis pour parce que les limites sont compensées par un surcroît de créativité.

Pseudo1

J’avais bien aimé son Nuit Blanche, qui lorgnait déjà sur la série B mais mené très efficacement, donc j’essayerai de donner sa chance à celui-ci.