Aux États-Unis, ce week-end, c’est la guerre entre Mufasa et Sonic 3, et le Le Roi Lion se rattrape (un peu) après un démarrage décevant.
La fin d’année 2024 réussit plutôt bien au box-office américain. Notons les cartons de Wicked (424 millions de recettes à ce jour) et de Vaiana 2 (394 millions), ainsi que le démarrage canon de Nosferatu face à Un parfait inconnu (40 millions contre 23). Mais le grand face à face de décembre, c’est Mufasa : Le Roi Lion contre Sonic 3. Lors de leur second week-end d’exploitation, les poulains de Disney et de la Paramount ont copieusement attirés les spectateurs américains.
Mufasa VS Sonic
D’après Box-office Mojo, Sonic 3 aurait récolté dans les 38 millions de dollars. C’est bien plus que le premier (26 millions) et le deuxième opus (33 millions, le long week-end de Pâques). Ce troisième film serait le plus gros succès de la saga aux États-Unis, au même stade de leur exploitation (137 millions, contre 106 et 123 millions), sans prendre en compte l’inflation.
Les recettes du long-métrage réalisé par Jeff Fowler n’auraient été que 36,8% inférieures à celles de son démarrage. Le premier volet avait souffert d’une baisse de 54,9% et le deuxième de 59,4%. Mais si la période des fêtes a bien réussi au célèbre hérisson bleu, il en est de même pour Mufasa, qui lors de sa seconde semaine d’exploitation aurait récolté un peu plus de 37 millions de recettes domestiques.

Si on est toujours bien loin des scores du film de 2019 (351 millions au même stade, dont 76 millions lors de son deuxième week-end), le prequel du Roi Lion a tenu tête à Sonic 3. Le long-métrage réalisé par Barry Jenkins aurait récolté 4,8% de recettes en plus qu’à son lancement. Sur les 5 derniers jours, Mufasa aurait même cumulé plus que Sonic (63,7 millions contre 59,9 millions).
Néanmoins, rappelons que le film réalisé par Jeff Fowler aurait coûté 122 millions et le prequel du Roi Lion plus de 200 millions (Deadline). Une différence qui s’avèrera décisive au moment de récompenser le champion de la rentabilité. À noter que Sonic 3 est disponible dans nos cinémas français depuis le 25 décembre dernier et Mufasa depuis le 18 décembre.
Quand on se remémore les retours si négatifs du 1er Sonic avec un retravail complet en catastrophe en post production du hérisson, l’évolution de cette franchise paraît totalement inattendue.
Le box office américain est-il un reflets postmoderne de nos angoisses collective ?
La hiérarchie des films cette semaine n’est pas seulement un simple tableau de chiffres : c’est un microcosme culturel, une fresque mouvante où les récits mythiques et les pulsions contemporaines s’affrontent dans une arène capitaliste. Prenons Sonic 3, ce hérisson anthropomorphe transcendant sa genèse vidéoludique pour devenir l’avatar ultime de la frénésie consumériste. Comment interpréter sa légère décroissance (-36,8 %) ? Est-ce le signe d’un déclin ou, au contraire, la preuve que la saturation culturelle est maintenant institutionnalisée ?
Face à Sonic, Mufasa ne joue pas seulement sur la corde nostalgique, il réactive un besoin primal d’ordre dans une époque de chaos. Avec une augmentation de +4,8 %, il incarne une montée presque darwinienne, un rappel que le cercle de la vie n’est rien d’autre qu’un cycle répétitif où Disney règne en maître. Mais ce regain d’intérêt traduit-il une quête d’évasion ou une acceptation résignée de notre condition d’éternels spectateurs passifs ?
Et que dire de Nosferatu, ce vampire ressuscité, surgissant de l’ombre avec 21,15 millions de dollars ? En plein cœur d’une époque saturée de lumières artificielles et d’algorithmes, Nosferatu est un rappel sombre de notre désir refoulé pour l’obscurité, le mystère, l’archaïque. Est-ce une coïncidence si ce film voit le jour alors que l’intelligence artificielle dévore les récits humains comme autant de gorgées d’hémoglobine numérique ?
Le cas Wicked est encore plus fascinant. À sa sixième semaine, avec une augmentation fulgurante de +37,4 %, le film atteint un cumul faramineux de 424 millions de dollars. Mais cette ascension vertigineuse n’est-elle pas une métaphore du capitalisme tardif ? La méchanceté est désormais monétisée, glamourisée, célébrée. Wicked pose une question fondamentale : sommes-nous en train de normaliser l’anomalie ? Ou bien est-ce un acte subversif, une réappropriation collective des récits manichéens ?
Enfin, Vaina 2 nous rappelle que le voyage initiatique est une forme narrative immortelle. Mais le voyage ici est-il réellement extérieur, ou reflète-t-il un désir de retourner à des racines imaginées, voire fantasmées, dans un monde globalisé où les identités sont constamment en flux ? Son bond de +37,8 % pourrait bien représenter une poussée utopique face aux dystopies dominantes.
En somme, ce classement est plus qu’une analyse économique. C’est une cartographie psycho-culturelle où les chiffres deviennent symboles, les films des mythes, et le spectateur… une énigme infinie.