SAUCE AU PLOMB
Nous suivons ici une mosaïques de fous plus ou moins furieux (artistes désenchantés, braqueurs au bord de la crise de nerfs, flics à la gâchette facile), tous réunis par les circonstances dans un village abandonné du sud de la France. Il suffira d’un haussement de sourcils, d’un craquement de brindille pour transformer les lieux en théâtre infernal d’un massacre au parfum de cordite. De ce point de départ qui favorise le pur délire visuel et l’abstraction, Cattet et Forzani étirent toutes les fibres, pour composer un kaléidoscope sous acides, dont la cinégénie a l’effet d’un uppercut.
Laissez bronzer les cadavres ! entame ainsi un ballet improbable, où s’affrontent à égalité polar fétichiste, western italien et verve surréaliste qu’on jurerait échappée du cerveau d’Alejandro Jodorowsky. La mise en scène se fait ainsi une joie de recycler nombre de figures de style devenues rarissimes, dopant chaque seconde d’un film dont le moindre photogramme est un ravissement. Pour la première fois des années, il nous est donné de contempler une oeuvre aussi à l’aise pour retranscrire la morsure d’un soleil enivrant, la fascination d’une pupille pour une déferlente de violence, où la grâce morbide et obscène d’un Luger fraîchement déchargé.
Un bon cocktail au plomb
Qu’un barillet se charge, et c’est un festival de zooms décadrés, de plans à double focale, de contre plongées voraces et autres joyeusetés, toujours sublimés par une photographie qui évoque autant Sergio Leone que fièvre brûlante d’un Sam Peckinpah. De même, le duo n’hésite pas à épouser totalement le pendant halluciné de ces mondes, qu’il s’arrête sur un crâne goguenard observant le carnage, nous perde le temps d’un orage aux airs d’apocalypse mystique, jusqu’à nous immerger dans une pure, où Bernie Bonvoisin et son aura de colosse s’inscrivent sur la rétine du spectateur en lettres d’or en fusion.
SUPPLEMENT CORDITE
La maestria de Cattet et Forzani atteint ici une puissance paroxystique tout à fait sidérante, qui n’efface malheureusement pas totalement certaine scories de leur cinéma. Toujours aussi à l’aise avec la matière première du médium, ils sont en effet beaucoup plus limités dès lors qu’il s’agit de diriger leurs comédiens. On a beau apprécier la formidable écurie de trognes improbables réunies ici et où surnagent Boivoisin et surtout l’envoûtante Elina Löwensohn, force est de constater que la majeure partie du casting joue souvent faux, brisant régulièrement l’immersion du spectateur.
Fascinante Elina Löwensohn
La même faiblesse, bien moins prégnante que dans Amer ou L’Etrange Couler des Larmes de ton Corps, touche le scénario. A toujours privilégier l’immédiat impact visuel, le pur festin oculaire, Laissez bronzer les cadavres ! oublie parfois de bien caractériser ses protagonistes, ou de leur offrir autre chose qu’un bac à sable miné. L’ensemble finit alors par tourner à la géniale démo technique, oubliant un peu au passage que les œuvres auxquelles il adresse une admirable révérence se souciaient également de proposer au public un récit suffisamment carré pour les tenir en haleine.
La plus belle affiche de l’année ?
L’arty au service du gun-porn ! Toujours impressionné par l’inventivité visuelle mais le scénario reste toujours un problème majeur pour ce couple de réalisateurs, caractérisation des personnages/dialogues bof, intrigue pas prenante, pour accrocher le « look » d’un film ne suffit pas..
Film expérimental qui veut systématiquement faire mieux que les autres mais en fait beaucoup trop là où l’histoire aurait du les pousser vers l’épure. Images sublimes mais montage haché ce qui finit par fatiguer. Les réalisateurs restent dans leur délire en laissant le spectateur en dehors de l’histoire. Un beau gachis.
Le film je sais pas mais, purée, quelle affiche !