TOUTE LA MISÈRE DU MONDE
Tout l’argent du monde était destiné à suivre le chemin classique des films à Oscars tirés d’histoires vraies, avec une sortie en décembre, des nominations aux Golden Globes (trois citations, pour meilleur réalisateur, meilleure actrice et meilleur acteur dans un second rôle), puis aux Oscars. Le 29 octobre, lorsque Kevin Spacey est accusé d’agression sexuelle, la machine continue à avancer : la campagne pour les Oscars est ralentie, tandis que Ridley Scott et le studio décident de retourner toutes ses scènes avec Christopher Plummer, quelques semaines avant la sortie.
Impossible de ne pas avoir ces données en tête lorsque le nom puis le visage de Christopher Plummer apparaissent à l’écran. L’acteur oscarisé en 2012 pour Beginners incarne J. Paul Getty, multimilliardaire controversé des années 70 et figure centrale du film, focalisé sur l’enlèvement de son petit-fils à Rome en 1973. Impossible également de s’arrêter à cette crise en coulisses dans la dernière ligne droite. Si Tout l’argent du monde a de grosses faiblesses, Plummer n’est en pas une, et constitue même l’un des aspects les plus fascinants et réussis du film.
Christopher Plummer en J. Paul Getty
GETTY OUT
Il y a deux films dans Tout l’argent du monde. L’un est ténébreux, passionnant et dans les cordes de Ridley Scott : la figure de l’ogre Getty, dans son antre obscur, en est au cœur, face à sa belle-fille incarnée par Michelle Williams qui se débat contre ses névroses de puissant retranché sur lui-même, enivré, mais également paralysé par sa fortune. L’autre film est plus ordinaire, peu voire pas incarné, et presque encombrant au final : il s’éparpille du côté des kidnappeurs de John Paul Getty III, avec des péripéties bien dispensables.
L’impression d’un rendez-vous manqué est de plus en plus forte à mesure que le cinéaste déroule ses 2h15, étirées entre ces deux pôles qui cohabitent mal. Car s’il filme toutes les scènes avec sa maîtrise habituelle (et donc un l’impact modéré), Ridley Scott semble clairement plus intéressé par le demi-dieu Getty que par sa progéniture. Il est lui-même otage de son argent et aucune rançon ne pourra l’en libérer, tandis que sa belle-fille est prisonnière de cette famille monstrueuse.
Christopher Plummer et Mark Wahlberg
Le film n’est jamais plus puissant et fascinant que lorsqu’il filme le vieux Getty dans sa tour d’ivoire, notamment face à Gail. Son rapport à l’argent et au monde, parfaitement énoncé dans le titre, est exploré dans une poignée de scènes fantastiques, où le scénariste David Scarpa (le mauvais remake du Jour où la Terre s’arrêta), qui adapte le livre de John Pearson, prend un malin plaisir à mettre en lumière ce personnage incroyable de milliardaire qui envisage chaque interaction humaine comme une transaction.
Christopher Plummer est parfait dans ce rôle terriblement scottien, que le réalisateur refuse d’humaniser, excuser ou même expliquer. Getty est un spectre glacial, à la perversité jamais camouflée, rongé par un démon (l’argent) qu’il a passé une vie à élever. La manière dont l’acteur joue l’homme avec simplicité, sans insister sur sa dimension monstrueuse, en accentue justement toute la violence sourde. Et hormis un plan d’incrustation qui reste techniquement très solide, l’absence de Kevin Spacey est invisible. Difficile de comprendre pourquoi Ridley Scott n’a alors pas recentré tout le récit sur Getty, plutôt que de laisser l’intensité se diluer ailleurs.
LA RANÇON DE LA GLOIRE
Dès lors qu’il s’attarde sur autre chose que Getty, Tout l’argent du monde se montre bien plus classique. Le personnage de Romain Duris, plutôt solide en gangster italien, illustre parfaitement la tendance du film à développer des axes très plats (le kidnappeur à l’humanité grandissante, plein d’empathie pour sa victime) sans éclat dans l’écriture.
Stratégie de fuite, petits conflits entre kidnappeurs, faux suspense sur le sort du petit-fils : Ridley Scott a beau déployer ses talents habituels, avec notamment une superbe photo de Dariusz Wolski (son directeur de la photo depuis Prometheus), il ne peut tirer grand-chose de palpitant de cette partie. Le film donne alors l’impression de marchander pour gagner du temps et s’acheter une fausse noblesse, en rallongeant une histoire sur plus de deux heures pas désagréables, mais finalement trop lourdes.
Romain Duris et Charlie Plummer
Tout l’argent du monde est alors un film empêtré et frustrant, incapable d’aller au bout de ses ambitions. Et ce dès le plan d’ouverture qui, avec ses mouvements amples, rappelle un hommage à La Soif du mal avant de retomber comme un soufflé. Lorsqu’il a de l’or entre les mains, notamment sur les affrontements entre Gail et Getty, Ridley Scott coupe trop vite, et ne laisse pas suffisamment d’espace à ses acteurs et personnages.
Un grand moment censé prendre la forme d’un noeud dramatique majeur se retrouve ainsi expédié dans le montage, et tristement privé de l’ampleur tragique indispensable. Même le climax laisse une impression d’occasion manquée, surtout devant la caméra d’un cinéaste qui a si bien filmé l’Italie dans le mésestimé Hannibal. La fantastique musique de Daniel Pemberton, qui retrouve Scott après Cartel, semble elle aussi bien trop sous-exploitée.
Mark Wahlberg est l’autre problème du film. L’interprétation désespérément plate de l’acteur, qui semble peu à l’aise face à ses collègues, et l’écriture grossière de cet espion censé être expert en négociations tirent le métrage vers le bas. Qu’il crache verbalement à la face de Getty dans une scène aux piètres dialogues, ou qu’il offre un regard de cocker à Gail dans une sous-intrigue sentimentale aussi bête que non assumée, n’aide certainement pas à donner une quelconque harmonie au film.
Tout l’argent du monde souffle ainsi le chaud et le froid, alterne dialogues savoureux et situations éculées, excellence et sombre banalité dans l’interprétation des acteurs et les thématiques. Il laisse rêver d’un autre film, aussi noir et radical que les meilleurs Ridley Scott. Difficile de ne pas imaginer que s’il n’avait pas enchaîné Alien : Covenant et celui-ci si rapidement, le cinéaste aurait certainement pu peaufiner son travail, et le laisser mûrir pour en tirer l’essence suprême, si perceptible dans une poignée de superbes scènes.
C’est dommage y’avait le foot hier soir, Pourquoi ils passent un super film en concurrence avec TF1 et les huitièmes de final ? C’est ballon ! Pardon c’est ballot.
Admirons d’abord la prouesse de Ridley qui change l’acteur au dernier moment en prenant un remplaçant digne d’éloge et au pied levé sans sourciller !!! Bravo
Matt a raison : la thématique du pere véritable ou putatif et son pouvoir constituent un thème récurrent de certains films de Ridley Scott : le père des replicants le père de l’empereur le père du chevalier le père de l’alien … il n’est pas très positif sur ce thème ou à défaut en montre les errements et erreurs de jugement
Sur le film lui même le savoir faire de Ridley permet de signer un bon film mais clairement pas parmi ses meilleurs
Sans plus pour moi, et comme Kyle, Lame de fond j’aime bien.
Un bon Ridley Scott, bien plus intéressant et abouti que son Covenant. En même temps j’aime bien les films considéré comme moyen de Scott. A quand une restauration 4K de
Traquée et Black rain, j’aime bien aussi son Lame de fond. Il a tout de même une sacré filmographie.
Pas un grand Scott mais sympa.
Histoire incroyable.
On peut reprocher beaucoup de chose à Ridley Scott. Il intéressant de voir que le monsieur brosse un thématique assez intéressante depuis pas mal de film sur le pouvoir et la solitude qui l’accompagne notamment à travers la figure du vieil homme isolé dans sa tour d’ivoire tel Mason Verger (Hannibal) ou bien sûr Peter Weyland (Prometheus).
1. content de voir qu’Ecran Large remonte dans le fil actu de Google sur la recherche J. PAuL Getty : c’est bon signe pour la longévité du site
2. Pas d’accord avec le rédacteur. Le suspens sur le sort du petit fils est total.
3. Christopher Plummer est extraordinaire et glaçant tout du long. Exceptionnel. On ressort de là tout tendu. 5.Oscar à venir ?
L’esthétique des années 1970 est toujours aussi télégénique (Argo, la série The Americans, etc.)
4. Après, c’est vrai qu’il y a des ratés : Wahlberg et son histoire avec la maman, son duel avec Getty, entre autres).
C’est un bon film Christopher Plummer est excellent
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Satan,
Kevin Spacey n’a pas encore été condammnées certes mais franchement, le rôle n’était pas pour lui.
A la base le 1er choix de Ridley Scott était Christopher Plummer.
Et il faut reconnaitre que le rôle lui va à merveille…
Critique intéressante et qui attise la curiosité finalement.
J’irai de toute façon le voir car je ne manque jamais un Scott.