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Lady Bird : critique planante

Par Geoffrey Crété
11 janvier 2018
MAJ : 20 octobre 2018
9 commentaires

C’est le petit film sorti de presque nulle part qui a émergé sur la scène médiatique à la vitesse éclair grâce à la saison des récompenses : Lady Bird, première réalisation solo de l’actrice Greta Gerwig avec Saoirse Ronan. Couronnée aux Golden Globes comme meilleure comédie et meilleure actrice, le teen movie, en salles en France le 28 février, est-il vraiment aussi remarquable ?

Affiche française

LADY GERWIG

La filmographie de Greta Gerwig est un indice pour situer Lady Bird. L’actrice a débuté au sein du mumblecore, un mouvement de cinéma indépendant sans le sous popularisé par Joe Swanberg et Mark Duplass, avant de croiser les routes de Noah BaumbachWhit StillmanRebecca MillerTodd Solondz ou encore Mike Mills. En 2008, elle co-réalise Nights and Weekends avec Joe Swanberg. En 2013, elle co-écrit Frances Ha de Noah Baumach, puis Mistress America en 2015.

En 2017, Lady Bird est donc une nouvelle étape sous forme d’envol et émancipation. L’actrice n’est pas à l’écran mais derrière, comme réalisatrice et scénariste d’un teen movie centré sur les aventures d’une adolescente qui rêve de s’échapper de Sacramento. Conflit avec sa mère, sa meilleure amie, ses premières amours, son avenir, et elle-même : le programme est parfaitement tracé, avec à peu près aucune surprise. Et si Lady Bird charme, c’est grâce à son atmosphère, sa mise en scène, et ses acteurs impeccables.

 

Photo Saoirse Ronan, Danielle MacdonaldSaoirse Ronan et Beanie Feldstein

 

COMME UN OISEAU SUR LA BRANCHE

Elle a beau avoir grandi à Sacramento, être passée dans une école catholique et y avoir développé un goût pour le théâtre, Greta Gerwig insiste pour dire que son premier film n’est pas à proprement parler biographique. L’histoire de Christine alias Lady Bird n’est peut-être pas la sienne, mais sa sensibilité émane de chaque image. Difficile de ne pas relier les nombreux détails, scènes décalées, répliques absurdes et décors truffés de petites choses à l’actrice-réalisatrice, qui a forgé au fil de sa filmographie d’actrice une aura de personnage lumineux, tendre et excentrique.

Greta Gerwig a beau être absente à l’écran, elle semble être partout pour celui qui l’a vue danser, rire, pleurer ou jongler avec les mots chez Noah Baumbach notamment. Elle nappe sa première réalisation d’une ambiance délicieuse qui, même datée de 2002, renvoie clairement à l’atmosphère des années 80 avec ses couleurs. Grâce à la musique de Jon Brion (Magnolia) et la superbe photographie de Sam Levy, collaborateur de Baumbach également croisé sur Maggie a un plan, la réalisatrice recrée une bulle hors du temps, qui fait en grande partie la valeur de Lady Bird.

 

Photo Saoirse Ronan, Lucas HedgesSaoirse Ronan et Lucas Hedges

 

SMELLS LIKE TEEN MOVIE

C’est cette enveloppe envoûtante et soignée, aussi appuyée et charmante que dans Submarine de Richard Ayoade, qui permet au spectateur de ne pas poser un regard trop dur sur la formule de Lady Bird. Car Greta Gerwig aborde le genre du teen movie sans génie, ni l’ambition de le réinventer ou le tordre. Les mésaventures de son héroïne sont ainsi parfaitement calibrées, et prennent vite des airs de boulevard ordinaire pour quiconque a consommé d’autres versions du même sujet lors de ces trois ou quatre dernières décennies. Lady Bird est ainsi trop scolaire pour véritablement emporter et dépasser le cadre très restreint du genre.

Bal de promo, rêves de grandeur et popularité, compromission personnelle, tensions familiales et difficulté à communiquer, éclosion finale typique de la coming of age story : le film sort le panel habituel du teen movie. Gerwig a néanmoins une certaine fougue dans sa manière d’amasser tous ces éléments, et prend soin de multiplier les angles d’attaque pour compenser le train-train adolescent par quantités de très belles petites choses. Dans un coming out subitement larmoyant, une dispute avec la mère qui se transforme littéralement en règlement de compte, une réplique douloureuse de la meilleure amie cantonnée au rôle comique ou la mention d’un mal-être paternel profond, la scénariste prend le pas sur la réalisatrice pour témoigner d’une sensibilité et d’une finesse certaines.

 

Photo Laurie Metcalf, Tracy LettsTracy Letts et Laurie Metcalf

 

Le talent de la cinéaste n’est toutefois pas à négliger, tant Greta Gerwig a su réunir un casting excellent jusque dans les très beaux seconds rôles. De la meilleure amie incarnée par l’excellente Beanie Feldstein à Odeya Rush dans le rôle de l’étrange pimbêche, la lumière se pose avec une vraie force sur toute la galerie de personnages. Laurie Metcalf a gagné une reconnaissance plutôt méritée, même si le rôle de la mère est probablement un peu sous-exploité, mais Tracy Letts aurait mérité plus d’attention tant son interprétation faussement légère de ce père déconfi est magnifique.

Enfin, l’évidence Saoirse Ronan. Elle a été reconnue dès Reviens-moi et s’est envolée sans interruption depuis, brillant dans tous les genres, du film d’action barré Hanna à Brooklyn, et façonnant une filmographie riche auprès de Wes AndersonRyan Gosling ou encore Peter Jackson. Éternelle adolescente malgré ses 23 ans, l’actrice trouve ici un rôle définitif en la matière. Cette Lady Bird est l’occasion pour elle de déployer une énergie et une légèreté comique jusque là peu explorés.

Greta Gerwig lui a écrit un rôle en or, et pose sur elle un regard plein de tendresse et d’humour. Nul doute que sans Saoirse Ronan, Lady Bird aurait pu être parfaitement simplet et s’éteindre dans le programme très plan-plan de ce portrait féminin. Avec elle, le film gagne un cœur rayonnant qui en camoufle les faiblesses.

 

Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Lady Bird est un teen movie trop calibré, qui déballe l'artillerie sentimentale habituelle. Il fallait au moins un superbe casting porté par la fantastique Saoirse Ronan, une ambiance irrésistible et une écriture parfois très belle pour élever la formule.

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Le rol’

@mechanic
Belle reslilience de ta part..
Mais relis son premier post et tu sais de facto que c juste un de ces nombreux trolls qui vomit sa haine sur un film qu’il n’a pas vu et n’ira pas voir pour des raisons qui n’a juste rien a voir avec un qqconque film.
Si le mec n’etait pas aussi ignorant, il connaitrait le cinema de Varda, Denis, Carine Adler, Layne Ramsey, Antonia Bird, Andrea Arnold, Dee Rees, Bigelow, Jennifer Kent etc etc etc
Bref que des films de meufs pour les meufs.

Jojo

Merci pour cette critique !
Le film est charmant mais je ne comprends pas les critiques dithyrambiques de vos confrères.

Mechanic

@molle

D’où le fait que Del Toro ait gagné le Golden Globes y’a quelques jours et que Gerwig n’ait même pas été nommée j’imagine.

Sinon, j’ai beau trouvé Wonder Woman insignifiant, ma merde atomique n’est pas forcément celle de mon voisin. Et pas besoin de sortir la pseudo dictature du politiquement correct : chaque année plein de films ont de belles critiques et l’engouement du public, alors que d’autres n’y voient que des machins sans intérêt (rien qu’en matière de super-héros, revoir les critiques de la moitié des Marvel défendus par la presse US, celle-là même qui a poussé WW à ce niveau).

Rdv aux Oscars alors, pour le règne de la femelle donc. On a hâte de voir ça.

Mâle Autrou

@Meganique

Le politiquement correct prend son essor depuis quelques temps. Comme le prouve tous ces revirements de stars qui étaient bien contentes il n’y a pas si longtemps de se rouler sur le dos pour tourner avec Polanski et Allen ou dans une production Weinstein.
Mais la vague est bien là. Surtout quand on voit des publications ébahies et abruties porter aux nues une merde atomique comme Wonder Woman « parce que c’est une femme qui l’a mis en scène et que ça a rapporte plein d’argent ».
Donc oui, en cette année 2018, un film de meuf pour les meufs sur des meufs, ça a toutes les chances de gagner face à des films bien plus nobles et méritants.

Mechanic

@molle

Ta colère t’a sûrement empêché de comprendre ce que j’ai écrit puisque visiblement t’as direct décollé.
Nulle part je dis que les femmes doivent gagner car femmes, et que si elle ne gagnent pas c’est la faute des hommes.

Je viens te dire qu’avant de venir crier au politiquement correct qui domine le monde, comme tu le fais avec ton « film de meuf fait par une meuf sur une meuf, aura tous les Oscars », faut regarder les faits. Si c’était le cas, Cannes, les Oscars, les Golden Globes donneraient des prix chaque années maintenant aux femmes, trouveraient des raisons de les célébrer à chaque fois. Voilà ce que je disais.
Or : une seule Palme d’or à une réalisatrice, un seul Oscar à une réalisatrice, Greta Gerwig pas nommé aux GG. Preuve toute simple que non, le politiquement correct ne domine pas ce monde. Je donne pas mon avis sur qui mérite un prix (et si les gens récompensés dernièrement le méritaient d’ailleurs), je dis juste que c’est ridicule de prétendre que « film de meuf sur des meufs = Oscars ».

Après, je te laisse enrager tout seul et déballer ton discours ordinaire qu’on croise tous les jours. Essaie juste de recentrer tes arguments, ou mieux emballer ton troll le cas échéant.

Mâle Autrou

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Mechanic

S’il n’y a pas plus de femmes nommées ou récompensées c’est forcément la faute de je ne sais quel fantasme de « société patriarcal » ? Laissez-moi rire. Cela fait bien longtemps qu’à leur manière les femmes ont largement autant de place et d’influence sur la société que les hommes.
Non. Si elles ne gagnent pas de prix, s’il y en a si peu à la mise en scène, c’est qu’elles ne sont pas au niveau des hommes dans cet art-là. Rien de choquant. Elles sont meilleures dans d’autres domaines.
Vous me direz que ça peut se discuter aussi car quand les hommes s’investissent dans la cuisine ou la couture, par exemple, ils sont aussi meilleurs que les femmes.
C’est comme ça, c’est la nature, que voulez-vous ?
Après on peut imposer tous les quotas qu’on veut, on ne pourra rien y changer.

Mechanic

@Molle autrou

Ah, le fameux méchant politiquement correct
Qui rayonne tellement chez les artistes que Lady Bird a bien sûr reçu été nommé aux Golden globes pour sa réalisatrice, que Cannes remet des Palmes d’or à la pelle à des femmes pour calmer le démon féministe, et qu’aux Oscars on a bien plus qu’une seule réalisatrice qui a été couronnée.

Oh, tiens, Pentagon Papers de Spielberg est un film féministe assumé qui crame le machisme paraît-il. Encore une victime du politiquement correct.
Triste époque, effectivement

Mâle Autrou

Film de meuf qui parle de meufs mis en scène par une meuf : aura tous les Oscars.
Spielberg, une des meilleurs boussoles du politiquement correct, l’appelle même de ses v(i)oeux, alors que son nouveau film, qui sent bon le Nouvel Hollywood où on parlait encore des vrais sujets prestigieux et intéressants, devrait tout emporter sur son passage.
Triste époque.

Marie

Hâte de le voir celui-là.