MAUVAISES HERBES
Il arrive parfois que les choses ne se passent pas comme on le souhaite et Tulip Fever en est un excellent exemple. Tourné en 2014, après déjà une génèse chaotique, le film est resté dans les placards parce que les frères Weinstein n’en étaient pas satisfaits. Annoncé finalement pour une sortie en salles en février 2017, il a disparu des plannings sans aucune explication. De quoi alimenter une légende au goût de soufre. Il sort finalement ces jours-ci, mais uniquement en vidéo et VOD.
Christoph Waltz et Alicia Vikander
Pourtant, lorsqu’on le découvre, Tulip Fever n’a rien d’un brûlot ou d’un film qui pourrait déclencher une quelconque polémique. Il s’agit en réalité de l’adaptation du roman Le peintre des vanités de Deborah Moggach, situé en plein Pays-Bas du XVIIe siècle, lorsque le pays est submergé par la folie de la tulipe. Nouvel eldorado pour tous les investisseurs, la fleur devient l’objet de toutes les convoitises, rendant riche autant que fou. Une bulle économique qui ne peut qu’éclater à termes et laissant pas mal de monde sur le carreau. Dans la grande Histoire, le film nous conte une petite histoire en forme de destins croisés.
Celle de Sophia dans un premier temps, orpheline ayant grandi dans un couvent et séparée de ses soeurs pour épouser un notable local qu’elle n’aime pas et qui veut absolument une descendance. A l’occasion d’un portrait du couple, elle va s’éprendre du jeune peintre Jan Van Loos et une passion brûlante va naitre entre eux, avec des répercussions assez catastrophiques sur tout leur entourage.
BOURGEONS D’AMOUR
Nous sommes donc dans un mélo historique on ne peut plus classique et cela n’a rien de vraiment étonnant quand on se rappelle que c’est le réalisateur de Deux soeurs pour un roi, Justin Chadwick, qui est aux commandes. Ce qui frappe d’emblée, c’est la beauté du cadre, la re-création du décor de cette passion interdite. Convaincante et envoûtante, elle participe pour beaucoup au charme du film. Ensuite, le casting, assez impressionnant.
Si Alicia Vikander nous gratifie d’une interprétation sulfureuse qui casse son image un peu lisse comme il faut, Dane DeHaan surprend par sa composition du peintre amoureux, tout en subtilité et en retenue (du moins au départ). Judi Dench impose encore une fois son charisme tranquille, tandis que Cara Delevingne, peu présente malheureusement, esquisse un personnage passionnant. La palme revient au toujours grandiose Christoph Waltz, qui nous offre un personnage de notable d’une profondeur assez vertigineuse. Toujours sur le fil, tiraillé entre ses désirs et sa raison, constamment contradictoire, il est le grand vainqueur de cette galerie de fracassés de l’entrejambe.
Le problème majeur, et il ne tarde pas à apparaitre, c’est la construction du film. Sa narration, son rythme et, plus grave encore, son propos. Si le parallèle entre l’histoire d’amour centrale et la fièvre des tulipes est évident et globalement maitrisé, le film s’éparpille malheureusement beaucoup trop dans ses intrigues secondaires, nous baladant d’une romance à une autre, nous perdant au passage et amenuisant considérablement l’impact recherché. Cela nous amène à des situations quelque peu attendues et téléphonées et, de ce fait, le film ne surprend jamais vraiment.
Pourtant son sous-texte sur la quête de pouvoir et le narcissisme inhérent à la spéculation (financière ou amoureuse) est passionnant et se tient sur le papier. Malheureusement, Justin Chadwick semble ne jamais se décider sur l’histoire qu’il veut réellement raconter. En résulte un certain nombre de lieux communs qui rendent l’ensemble un peu artificiel et des problèmes de rythme conséquents qui font de son second acte une petite torture tant les choses n’avancent pas. Cela dit, le film n’en reste pas moins agréable pour sa palette de comédiens totalement investis, ses superbes décors, sa belle photographie et la partition de Danny Elfman un peu plus impliqué que dans ses films récents.
Rien que les photos m’ennuient…