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Frères ennemis : critique à bout portant

Par Simon Riaux
19 octobre 2020
MAJ : 28 octobre 2020
3 commentaires

Ecrasé entre le « modèle Marchal » et la figure tutélaire du brillant Un prophète, le polar français, à fortiori le polar banlieusard, a bien du mal à se forger une identité et à faire école. Mais à la vision de Frères ennemis de David Oelhoffen, avec Matthias Schoenaerts et Reda Kateb, on se souvient soudain que flics et voyous sont une donnée essentielle de l’ADN du cinéma français.

Affiche

36 QUAI DU PROPHÈTE

En seulement une poignée de longs-métrages, le cinéaste a posé les bases thématiques de l’univers qu’il déploie dans Frères ennemis. On y trouve la fuite en avant désespérée de Loin des hommes, tout comme l’écriture chirurgicale de Nos retrouvaillesAu-delà, son nouveau film pousse plus loin que dans les deux précédents la figure du duo, ou du double, quand deux personnalités radicalement opposées sont amenées à suivre une même ligne de crête.

 

photo, Matthias Schoenaerts Matthias Schoenaerts

 

Et c’est bien ce couple improbable, formé par un flic dont le passé menace sans cesse d’affleurer et un aspirant caïd au bord de la crise de nerfs, qui forme le cœur palpitant de Frères ennemis. Ses deux personnages principaux se complètent et se répondent à la perfection, tant ils sont écrits et interprétés avec une précision qui force le respect. Dans chaque plan ou scène, à chaque instant, ce sont les affects, les passions sanglantes et fatales de ces deux météores qui dirigent l’action, et jamais les stéréotypes inhérent au thriller bien de chez nous.

Le métrage sent le bitume, la sueur et la cordite. En cela, David Oelhoffen n’est pas sans évoquer Lucas Belvaux, tant on retrouve dans sa proposition de cinéma le désir d’épouser une verve naturaliste et humaniste. Chez lui, les pourritures et les assassins sont toujours autant de corps, de cœurs, de palpitants battant au tempo d’un milieu, d’une pression sociale ou symbolique, avec laquelle ils s’efforcent de composer.

 

photo, Reda KatebReda Kateb

 

PARIS IS TRAGIC

Cette veine réaliste n’empêche pas le métrage de jouer aussi à fond la carte du genre, et des purs éclats de suspense. Chaque surgissement de violence est l’occasion de petites trouvailles inspirées, comme quand la caméra d’Oelhoffen va chercher la tension dans un recoin du cadre, dans l’inflexion d’une mâchoire.

 

photo, Matthias Schoenaerts, Reda KatebReda Kateb et Matthias Schoenaerts

 

C’est aussi dans les fréquents non-dits que le film trouve sa force et maintient son élégance. Les confrontations entre Matthias Schoenaerts et Reda Kateb sont autant de séquences de pure tension (si bien qu’on rêverait de retrouver ces deux personnages, dans quelques années, confrontés à de nouvelles problématiques et responsabilités), qui rythment idéalement la narration.

Mais ce sont finalement les passages au cours desquels ces anti-héros se frottent aux limites de leurs propres milieux, renouent avec leur passé ou avec les promesses de leur jeunesse, que le metteur en scène joue le plus habilement de la dramaturgie et des non-dits.

On regrettera simplement que malgré ces nombreuses et évidentes qualités, il cède parfois à un dispositif de caméra portée maîtrisé, mais manquant de personnalité. Tout comme le film eut été inspiré de ne pas se clôturer avec un sens du fatalisme un peu mécanique. Mais qu’importe ces scories. Frères ennemis est un polar d’une rare intensité, aux personnages électriques, et c’est déjà beaucoup.

 

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Résumé

Un polar intense, chevillé à des personnages réussis, qui manque néanmoins par endroits de personnalité.

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Ded

Belle fusion de talents opposés. La finesse quasi aristocratique du jeu de RK et la puissance animale de MS confèrent au métrage une aura exceptionnelle ressentie déjà dans la bande annonce. Vivement l’intégralité…

Simon Riaux

@cepheide

C’est surtout à peu près impossible à comparer.

cepheide

Du coup c est mieux que revenge ou pas ?