POUR L’HONNEUR DE LA MEUTE
Avant toute chose, il faut clarifier un point très important. Si en France nous ne connaissons que Jin-Roh, la brigade des loups, chef-d’oeuvre de l’animation japonaise sorti au cinéma en 1999, il ne s’agit en fait que d’un volet d’une saga plus étendue. A l’origine, un film, The Red Spectacles, réalisé par Mamoru Oshii en 1987 puis un manga, publié entre 1988 et 2000, Kerberos Panzer Cop, dont il est l’auteur, avec Kamui Fujiwara au dessin, avant de revenir au cinéma en 1991 avec Stray Dogs, nouveau long-métrage live à nouveau réalisé par Oshii qui nous amènera à Jin-Roh en 1999. On le voit, bien plus qu’un simple concept, l’univers de Kerberos possède énormément de variations et de ramifications avec toujours le même dénominateur commun : un service de police lourdement armé dans un univers militarisé où s’affrontent néofascisme et organisations terroristes libertaires.
Si le sujet s’ancre dans une réalité très japonaise et fait écho à la démilitarisation du Japon après la Seconde Guerre Mondiale, ses thématiques, elles, parlent à tout le monde : la place de l’individu dans une société tentaculaire, la perte des libertés pour le bien commun et la progressive déshumanisation des forces de sécurité. Tout ceci reste au coeur d’Illang : La brigade des loups, la version coréenne réalisée par Kim Jee-woon que nous découvrons aujourd’hui sur Netflix. Dès les premières secondes, l’évidence nous frappe comme une rafale de kalach : nous sommes bel et bien face à un remake live de Jin-Roh. Aussi, le principe reste le même : alors que la société subit de violents affrontements internes, une Unité Spéciale est chargée de remettre de l’ordre. Le soldat Lim se retrouve face à une jeune terroriste munie d’un sac piégé. Hésitant à l’abattre, il est pris dans l’explosion de son suicide. Remis sur pied mais doutant du bienfondé de sa mission, il se voit ordonné de se rapprocher de la soeur de la malheureuse. Un rapprochement aux allures de rédemption qui cache en fait une manipulation politique de grande ampleur annihilant tout espoir de bonheur.
Un chaperon rouge pas si innocent
COMME TU AS DE GRANDES DENTS
Le déplacement de l’action du Japon vers la Corée permet ainsi au réalisateur de mettre en lumière le moment où se trouve son pays actuellement : le rapprochement progressif entre le Sud et le Nord, l’ingérence de la Chine, des Etats-Unis et de la Russie dans leur avenir commun, le repli idéologique et économique qui enferme un peu plus sa population en creusant un fossé entre les citoyens. Tout est là, l’essence de la saga transpire à chaque image et Kim Jee-Woon semble passionné par son matériau tant il s’évertue à recrée les moments les plus iconiques de l’animé d’Hiroyuki Okiura.
Lim, un loup qui se rêve homme
C’est malheureusement l’un des plus gros défauts du film. Dans cette volonté de coller au plus près au film culte tout en rajoutant pas moins de 30 minutes à son histoire, Illang en devient parfois schizophrène. Si, dans la première partie, le film reproduit Jin-Roh avec un souci du détail qui force le respect, dès qu’il rajoute ses propres éléments, la greffe ne prend plus. La faute probablement à une volonté de conserver son propos politique acide tout en transformant le métrage en gros spectacle d’action.
Et c’est fort dommage puisque Illang ne supporte que moyennement ce mélange à priori évident. Ainsi, le personnage principal, Lim (sosie parfait de Fusé, le héros de la version animée), mutique et asocial dans l’animé, se retroue à devoir effectuer des prouesses digne d’un Transporteur dans des séquences d’action impressionnantes, certes, mais totalement hors de propos et qui, pire encore, portent atteinte au parcours du personnage. Autre souci, le déplacement temporel de l’action. Si dans l’animé nous avons droit à un Japon des années 50 dystopique, ici, nous sommes dans la Corée de 2029. Si cela ne pose aucun problème sur le papier, le fait que le film tente de marier un futur sombre à la Blade Runner tout en conservant une certaine esthétique rétro dans les vêtements, notamment, affaiblit le côté intemporel de l’histoire. En la situant devant nous, le film se condamne à être daté dans quelques années et à perdre cette idée de menace constante qui plane sur nos démocraties.
C’EST POUR MIEUX TE MANGER, MON ENFANT
Pourtant, le plus dommageable se trouve encore ailleurs, dans le fond-même du récit. Ce qui faisait la force de Jin-Roh, c’était sa métaphore du Petit chaperon rouge, distillée de telle manière qu’elle payait toujours dans les moments-clés de son scénario. Ici, elle est balancée dans le premier tiers de manière un peu gratuite, sans réel contexte, pour disparaitre pendant une grande partie du film et ne revenir que maladroitement à la fin.
Cet écueil est plus grave qu’il n’y parait puisqu’il nous amène à ce qui risque d’énerver franchement les adorateurs de l’animé. Illang se permet en effet une énorme trahison dans sa dernière partie, qui anéantit totalement tous les enjeux. Un parti-pris que le film assume, certes, mais qui semble bien illogique en regard du travail d’adaptation gigantesque qui a été opéré. Le souci, c’est que cette simple décision rend le film totalement caduque et verse dans une facilité dramaturgique qui amenuise complètement son impact, le vidant de toute son âme critique et politique, transformant le film en un objet bien plus inoffensif que ce qu’il laissait supposer. Et de la part du réalisateur de l’extraordinaire J’ai rencontré le Diable, summum de noirceur et de nihilisme, cela fait franchement bizarre. Si l’homme est toujours un loup pour l’homme, la dimension sacrificielle, le rapport à l’autorité et la déshumanisation de l’individu passent totalement à la trappe. Et c’est plus que dommage.
Néanmoins, ces critiques ne sont là que parce que l’auteur de ces lignes est un fan hardcore de Jin-Roh. Pour qui ne connait pas cet univers, l’expérience sera très différente. Il se retrouvera face à un film chargé en action, avec une production-design de qualité, un peu long mais prenant, bref, une passerelle fort agréable vers l’univers de Kerberos Panzer Cop. Mais à aucun moment, le spectateur novice ne devra croire que cette saga ne se résume qu’à cela. N’hésitez donc pas à regarder le film, mais n’oubliez pas que la vraie histoire se trouve ailleurs.
Du haut de mes 36 ans, j’ai découvert Jin Roh et l’anime m’avait tout simplement enchanté. Je me retrouve face à une version, qui démarre tel que l’animé jusqu’au moment ou effectivement on sent la déconnexion.
Néanmoins, même si je partage votre avis je dois reconnaitre que voir réapparaitre ces personnages en chair et en os sur mon écran, m’a ravis. Je me suis pris à la nostalgie.
Et du coup je pense revoir l’anime à nouveau.
Un film à voir ? oui.
Un film a voir pour les fan de Jin Roh ? Aussi. Et même plus afin de ressentir (la découverte de 1999) et de pouvoir derrière, mettre quelques lignes sur EcranLarge.com
Comme l’animé original, si on vire les armures y’a plus grand chose. Film hyper chiant avec du blabla politique à la Masamune Shirow post Akira pour faire style et enrober du néant, j’ai tenu 10mn… L’œuvre originale au moins, était ultra-violente pour l’époque.
Je suis deçu qu’il faille à chaque fois faire du copier coller pour plaire aux personnes ayant deja vu la version animée..
C’est dommage car moi jeune homme de 25 ans, je n’aurai jamais regardé la version de 1999..
Maintenant peut etre que si. Grace a cette » mauvaise adaptation » comme vous dites…
Ayez l’esprit ouvert par pitié.
De plus je ne vois vraiment pas l’interet de faire un copier coller de la version animée.
C’est cool des variantes!
Mince!!
D’accord avec vous ! Le film perd totalement la mélancolie, la poésie et le nihilisme de l’anime. Après ça reste un divertissement très sympa (le carnage final où le Panzer Cop retrouve toute son aura menaçante et carnassière !) bien qu’en deçà des meilleurs Jee-Won.
Sinon j’attends avec impatience votre critique de The Night comes for Us ! Perso, j’ai trouvé que c’était une série Z fun et jubilatoire mais certainement pas le nouveau the Raid annoncé !
Kim Jee-woon est un réalisateur qui peut être inégal, mais capable de prouesse admirable.
J’ai rencontré le diable est une merveille de noirceur qui vire à la farce Tex Averienne prodigieuse et jubilatoire dans sa deuxième partie, et son film précédent, The Age of Shadows, est un bijou de thriller historique comme on en a rarement vu.
Si l’on ajoute les remarquables Deux Soeurs et A Bittersweet Life, on se rend compte que les ratés (The Last Stand, Inrang…) sont plus rares que les réussites.
Moi je m’etais bien fait chi.r devant l anime, j y trouverais peut etre mon compte.
Kim jee-won est un réalisateur surestimé ;
« J’ai rencontré le diable » malgré sa noirceur possède un scénario bancal qui n’ a plus rien à proposer au bout d’une heure.
« Le bon,la brute et le cinglé » était une bien naze copie de LEONE.
Vu hier soir, très grosse déception. Un résultat loin, très loin, de l’anime d’origine.
Des enjeux et des motivations confuses. De beaux hommages au film d’Okuria, malheureusement le contexte ne fonctionne pas. La transposition de l’histoire dans une corée réunifiée était une bonne idée, mais jamais on ne perçoit les conséquences réelles de cette situation dans le pays, que ce soit au niveau social ou éco. On ne retrouve pas la tension qui habitait le film original. Il y a bien quelques belles séquences, comme l’affrontement dans le dédale souterrain qui nous rappelle que Kim Jee-woon est un surdoué, mais ça ne suffit pas à relever un film un peu trop bancal dans son rythme, et son traitement.
Excellente critique ! Je suis aussi fan du travail de Oshii et le film se plante à plus d’un titre sur son adaptation.
On peut faire un parallèle avec le film Ghost in the Shell qui possède les mêmes tarée (hésitation constante entre film contemplatif et film d’action), jusqu’à nous caler la superbe bo de l’anime… dans le générique de fin ! Un aveu de non recevoir, entre l’hommage plaisant mais qui tombe complètement à plat au vu de la fin de la version live !