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Les Filles du soleil : critique qui fait mâle

Par Simon Riaux
20 novembre 2018
MAJ : 24 octobre 2021
3 commentaires

Son précédent film, Bang Gang, avait fasciné, surpris, agacé ou indifféré. Abandonnant les affres de l’adolescence et de leurs partouzeries communautaires, Eva Husson est de retour avec Les Filles du Soleil, propulsée en compétition officielle à Cannes.

photo les filles du soleil

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Les combattantes Kurdes ont longtemps attiré l’attention des médias occidentaux désireux de couvrir la lutte contre l’Etat islamique tout en fournissant au grand public européen un angle jugé accrocheur. Mais Eva Husson, si elle fait mine de s’intéresser à leur condition, projette surtout ses fantasmes de cinéma sur une unité féminine, chose déjà rarissime dans les rangs kurdes, qui dissémine des combattantes ici et là, dans un rôle qui rappelle celui des porte-tambours des guerres napoléoniennes.
 
Le métrage reprend dans ses grandes lignes le documentaire de Xavier Muntz Encerclés par l’Etat islamique. Le réalisateur se retrouve ici cantonné à un caméo et au rôle de conseiller technique. Muntz avait effectivement passé plusieurs semaines dans le Sinjar avec les combattants kurdes et en a ramené un documentaire coup de poing diffusé il y a quelques années sur Arte.
 
 

photo les filles du soleil Emmanuelle Bercot en clone raté de Marie Colvin

 

Ce qui gêne d’emblée, c’est l’hommage grossier, pour ne pas dire déplacé, à la journaliste Marie Colvin (prochainement interprétée par Rosamund Pike dans A Private War). Le personnage joué par Emmanuelle Bercot lui ressemble au point de pousser le mimétisme jusqu’à expliquer avoir perdu un œil à Homs, en Syrie, là précisément où Marie Colvin a été tuée.

La référence est appuyée, largement contreproductive, mais illustre parfaitement le rapport compliqué qu’entretient ce récit avec le réel. Et le spectateur aura tout le temps de sentir croître le malaise induit par la situation, puisqu’il passera l’entièreté du film collé à cette journaliste qui ne participe jamais à l’action, et a pour fonction narrative de nous permettre de nous identifier à ce qui se déroule sous nos yeux. Comme si la lutte des combattantes kurdes était une curiosité culturelle dans laquelle nous ne pouvions nous projeter…

S’en suivent une horde de clichés on ne peut plus éculés sur le reportage de guerre et sur un personnage de journaliste au bout du rouleau : son compagnon a été tué, elle pleure en pensant à sa petite fille, elle se bat pour une certaine forme de justice, etc. Les torrents de pathos sont si épais qu’ils rendent impossible toute empathie pour ces protagonistes mal caractérisés, qui semblent le plus souvent sortis d’un mauvais Call of Duty progressiste, plutôt que d’un métrage conscient des enjeux qu’il agite.

 

photo les filles du soleil Golshifteh Farahani

 

C’EST PAS SA GUERRE

Après une introduction à la Apocalypse Now, qui place d’emblée le film comme incapable de se confronter à ses modèles, la réalisatrice choisit de dérouler l’histoire via des flashbacks du point de vue de la combattante kurde qui a perdu toute sa famille. La pourtant géniale comédienne Golshifteh Farahani fait ce qu’elle peut pour animer des séquences qui sont d’une pauvreté scénaristique et émotionnelle telle qu’on se demande si elles n’ont pas été improvisées pour remplir les trous béants d’un script dont on ne saisit jamais précisément les enjeux dramatiques.

Techniquement, Eva Husson semble totalement désemparée par l’ampleur du défi technique qui s’offre à elle. Ses scènes de guerre sont illisibles, les nombreuses séquences de déambulation s’avèrent un défi à tout sens de la géographie et rien dans l’écriture ne vient jamais renouveler l’intérêt du spectateur. En l’état, Les filles du soleil ressemble à un brouillon de docu fiction, mais c’est surtout son inconséquence politique qui achève d’en faire un ratage cosmique.

 

photo, Golshifteh FarahaniAvant l’assaut

 

La cinéaste plaque en effet une grille de lecture féministe occidentale totalement hors-sujet, sur des événements qui s’y prêtent finalement assez peu. En effet, les kurdes sont dans une logique de non-différentiation entre combattants et combattantes, d’inspiration clairement marxiste (jamais le métrage n’interroge ce « camarade » que se lancent les personnages), qui pulvérise régulièrement les vues germanopratines du récit sur leur condition.

Il en va de même de l’Etat islamique, symbole de l’incompétence et de la schizophrénie de l’ensemble. Réduit à un amas de mâles psychotiques jamais désignés ou nommés, ces adversaires n’ont ni substance ni sens, à la manière des Filles du soleil, écartelées entre l’incurie de ses auteurs, la faiblesse de son exécution, et le dilettantisme avec lequel il aborde son sujet.

NDR : texte rédigé avec le concours de Chris Huby, journaliste et reporter de guerre.

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Résumé

Techniquement indigent, ce pensum paresseux traite de son sujet avec une inconséquence embarrassante.

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Sansy

Ce film rentre dans mon top 10 des films les plus nuls de tous les temps.
J’ai eu un sentiment de gêne pendant plusieurs séquences, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Tout est faux. Tout sent le manque de talent, le manque de culture, la faute de goût omniprésente. Incroyable qu’il ait été sélectionné à Cannes ! Ce film suffirait à discréditer tout le festival !

Grand Monarque

les americains ont eux une top realisatrice/cineaste en la personn ede Kathryn Bigelow qui elle sait filmer les films de guerre comme ses homologues mâles et nous pauvres frenchies on a madame ou mademoiselle Husson

Kouak

Bonjour,
et merde !
Je comptais aller le voir…
Vous m’embarrassez Mister Riaux.
Mais je vous fais confiance sur ce coup là !
J’ai la chance d’avoir à proximité , un vieux théâtre qui projette certains films « engagés », comme « l’insulte » par exemple.
Bon, c’est souvent 6 mois après leur sortie, mais ça ne coute que 5 euros.
Si jamais ils le projettent je tenterai peut-être ma chance.
Mais bon vu votre critique, je ne suis même pas certain que le film se soit « engagé » dans quoi que ce soit.
Bref….