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Les Invisibles : critique ni vu ni connu

Par Christophe Foltzer
27 février 2022
MAJ : 1 mars 2022
14 commentaires

Les Invisibles, ce soir à 21h10 sur France 2.

En l’espace de deux films, Discount et Carole Matthieu, le réalisateur Louis-Julien Petit a prouvé qu’il ne faisait pas du cinéma pour servir la soupe à son spectateur, ou aux chaines de télévision, mais qu’au contraire, il l’utilisait comme tribune pour parler de problèmes de société importants à l’heure actuelle. Il n’y a donc aucune raison que cela change avec son nouveau film, Les Invisibles.

Affiche française

PAS VU, PAS PRIS

Critiquer un film comme Les Invisibles s’avère compliqué, tant pour le rédacteur que pour le lecteur qui découvrira ces lignes, dans la mesure où, pour une fois, il semble bien difficile de dissocier les gens qui ont fait le film de son sujet. Pour la simple et bonne raison que, comme dans ses oeuvres précédentes, le réalisateur Louis-Julien Petit traite ici d’un problème d’une gravité alarmante : le sort des femmes SDF dans nos rues.

En l’occurrence, celles qui fréquentent le centre d’aide social l’Envol, menacé d’une fermeture auxquelles les travailleuses sociales sont opposées. À trois mois de la fin, elles décident de contourner les règles d’une administration sociale sclérosée et injuste pour réinsérer les femmes SDF, quitte à entrer dans l’illégalité.

 

photo Les invisiblesDes invisibles qui méritent qu’on les voie enfin

 

Un sujet fort et sérieux, donc, avec lequel on ne plaisante pas tant il est important, inspiré du livre Sur la route des invisibles de la journaliste Claire Lajeunie.

Un récit terriblement actuel qui passionne son équipe, c’est une évidence. Qu’il s’agisse du réalisateur, qui s’est durablement documenté sur le sujet et a passé beaucoup de temps avec ces fameuses invisibles, ou du casting (Corinne Masiero, Audrey Lamy, Noémie Lvovsky et Déborah Lukumuena, toutes très bien), qui a aussi mis la main à la pâte au moment de la préparation du film et de sa promotion, tout le monde s’est donné pour mission de faire honneur à ces femmes de la rue qui tentent de s’en sortir.

 

photo Les invisiblesNoémie Lvovsky

 

PIÈCES MANQUANTES

Si le fond est digne, respectueux et engagé (fait plutôt rare dans notre cinéma actuellement), c’est dans sa forme que Les Invisibles s’écroule sous son propre poids. En effet, malheureusement, en tant qu’oeuvre de fiction, le film ne tient pas du tout la route. Qu’il s’agisse de sa mise en scène, frôlant par moment l’amateurisme, de son histoire, agencement mal maitrisé de moments de vie réels et de passages fictionnels plus clichés les uns que les autres, ou de son rythme inégal, le long-métrage s’effondre en quelques secondes sous nos yeux terrifiés.

Les travailleuses sociales n’existent pas vraiment, leurs péripéties personnelles arrivent comme un cheveu sur la soupe et reprennent pour certaines les vieilles recettes des romcom à l’américaine. En fait, le souci principal réside dans la construction même du film, que l’on croirait être davantage la compilation des temps forts d’une saison de série télé qu’un long-métrage tenu et pensé comme tel. Peut-être que le sujet était trop gros pour un seul film, du moins fait de cette manière. Il s’en dégage, de fait, une artificialité certaine qui cause énormément de dommages à l’ensemble.

 

photo Les invisiblesAudrey Lamy

 

SURPLUS ÉMOTIONNEL

Pourtant, le plus gros défaut se trouve à un endroit inattendu : dans l’intention même de Louis-Julien Petit. Probablement trop emporté par sa passion pour le sujet, l’importance de son message et le bagage émotionnel qui y est attaché, le réalisateur finit par totalement desservir son propos en usant, malgré lui à n’en point douter, de bons sentiments envers ses personnages SDF qui se vautrent dans une complaisance plus que gênante. À ce titre, la dernière séquence du film, vécue comme une victoire, est extrêmement dérangeante. Trop de mielleux, trop de naïveté, trop de schématisation, les Invisibles n’en sortent malheureusement pas grandies.

Ceci dit, et nous insistons sur ce point, la bonne volonté de l’équipe et de son réalisateur n’est absolument pas à remettre en question. Les Invisibles nous montre juste que, parfois, il est nécessaire de prendre un peu de distance avec son sujet pour mieux le raconter. Mais il reste un film important. Dommage que ce ne soit pas un bon film.

 

Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Au départ, un sujet fort qui mérite de se retrouver dans la lumière pour nous ouvrir les yeux sur le sort terrible de ces femmes. Au final, une baudruche gavée de bons sentiments confinant à la complaisance qui retient l'attention uniquement pour les mauvaises raisons. Très, très dommage.

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Flo

Un film qui a aurait pû être formidable s’il avait été un vrai exercice documentaire, aux situations aussi folles que si ça avait été une fiction.
Et finalement on est dans une forme hybride, plus « Full Monty » d’ailleurs que du Ken Loach. Car c’est avant tout une comédie sociale souvent délirante, sur une solidarité féminine et une quête de fierté, avec au moins une héroïne principale (Audrey Lamy, qui donne beaucoup aux autres et reçoit toujours peu). Le reste du casting professionnel n’ayant pas assez (voir même pas du tout) de scènes intimes pour atteindre une égalité, que ce soit pour la famille du personnage de Noémie Lvovsky, pour la dure imperméabilité de celui de Corinne Masiero (toute en sobriété et retenue, et pour cause), pour le côté solaire de Déborah Lukumuena et celui chaotique de Sarah Suco.
Idem pour ce qui est de mélanger des comédiennes professionnelles à des vraies femmes en difficulté, où l’on voit bien la part de comédie écrite par rapport à celle improvisée.

Le film en devient intéressant quand il devient mise en abîme, avec ces professionnelles qui orientent ces femmes… comme le feraient plus des metteurs en scène que des travailleuses sociales.
Et qui dit « film dans le film » dit aussi arnaques et grugeries, illégalités, donc seul moyen pour aider des personnes qui ne devraient pas être soumises à l’obligation de rentabilité.
La vision du making-of pourrait cependant être plus passionnante que le film lui-même, très optimiste.

andarioch1

@Skill

salut. CF ne dit rien d’autre que ce que tu avances. Il est juste, et c’est un critique ciné donc c’est bien normal, un peu plus sévère sur la forme

Hugo Flamingo

@Flash. Pas du tout un flop, renseignez vous avant de mentir sans preuve.

Skill 33

J’aime en règle général vos critiques.

Mais là, C.F à autant d’empathie qu’un tueur en série.

Le film peut avoir ses travers, ok! Mais il est loin d’être aussi mauvais .

Le message est juste, le fond est bon !
Même si d’un point de pur cinéphiles, effectivement cela peut être bancal, mais le film est honnête, voir bon

lolo

votre critique est navrante; le film est lui magnifique

Caméra Swing

Ce film qui est émouvant par moment manque d’un vrai réalisateur capable de construire son histoire. Il y avait là un chef d’oeuvre À réaliser mais cela devient un documentaire pas abouti ou une fiction ratée.
Vraiment dommage pour un sujet de cette qualite

Carpedies

J aimé ce film qui a évité le misérabilisme et le voyeurisme. Il est si difficile de traiter un tel sujet en si peu de temps j ai eu et pleuré d émotion mais pas de tristesse. Je pense que ces femmes s y sont retrouvées et je l ai pris comme un message d espoir

Emma

Faut il bien avoir peur de ses femmes pour les juger si sévèrement et rompre totalement avec les éléments de réalité.
C’est votre commentaire qui manque de recul.
Et dire que le film est loin de son sujet c’est méconnaître le sujet

Ce film est honnête, loyal et fidèle à la réalité.
C’est peut être ça soit qui dérange soit qui désintéresse certain.
J’ai beaucoup beaucoup aimé ce film malgré 25 ans de travail social dernier mois.

Nini

Magnifique allez voir ce film les femmes super

Pouille

Film sans intérêt beaucoup de pub pour au final un navet complètement nul.