LA MASSE DU SIÈCLE
Vice-président omniprésent sous l’ère Bush Jr., Dick Cheney, pilier de l’industrie et de la politique américaine, a grandement participé à façonner la vie de la Cité Américaine, et fut un des architectes de la déstabilisation systémique du Moyen-Orient. Retrouvant à l’occasion de ce biopic Christian Bale, McKay lui confie donc le rôle de l’éminence noire du président Républicain, chef d’orchestre d’une farce particulièrement acide.
Les films pamphlets sont rares, et les satires assumées comme telles encore plus. C’est d’ailleurs ce qui assure dans un premier temps à Vice son énergie, sa capacité à divertir. Adam McKay semble jubiler à l’idée de se payer un personnage aussi ténébreux et secret, usant ici de métaphore sportive, là de l’imagerie de la pêche à la mouche, et multipliant les effets caricaturaux à outrance (un menu de restaurant devient ainsi le programme ultra-libéral qu’un édile scrute avec gourmandise).
Le film croule sous une débauche d’effets bouffons, souvent plaisants, le metteur en scène n’ayant rien perdu de son sens du tempo comique. Malheureusement, si Mckay est un brillant moqueur, il s’attaque ici à un sujet qui le dépasse totalement, et dont il n’a rien à dire.
On se souvient que The Big Short contenait une séquence où, alors que le récit s’apprêtait à détailler le fonctionnement des subprimes, Margot Robbie prenait les rênes de la narration pour détendre le spectateur à coup de bulles de bain moussant. Cette pirouette aux airs de diversion grossière qui masquait mal un aveu d’impuissance, contient toutes les faiblesses de Vice.
« – Bombardez-moi ces cons d’Ecran Large ! »
THE BIG CHIOTTE
Oui, le scénario du métrage est convaincu de l’ignominie qui présida à la carrière de Dick Cheney, présenté comme dévoyant l’esprit public tout en corrompant et détournant de ses mécaniques originelles le capitalisme américain. Mais derrière ces accusations hilares et répétées, jamais ne pointe le début d’un bout d’ombre de raisonnement.
Et pour cause, chaque réplique échangée, chaque petit rictus de vilain politicien, témoigne de combien Vice est convaincu d’appartenir au camp du Bien et de la morale.
L’Amérique était-elle si pure avant que les Neo-Cons(ervateurs) ne s’en empare ? Le capitalisme a-t-il eu besoin d’être perverti pour s’emballer absurdement ? Dick Cheney est-il le mal ou le symptôme ? Non seulement le film ne répond pas à ces questions essentielles, mais il est bien incapable de se les poser, ainsi que le révèle son carton introductif.
On nous y indique que tout cela est une entreprise sérieuse, mais bon. Le film oublie que l’outrance et la satire ne peuvent pas se concevoir sans une connaissance aiguë des phénomènes ou personnages qu’ils attaquent. Or, rien de tel ici.
Peu importe dès lors que Vice soit plaisant, divertissant par endroits, tant il renonce à développer un message plus subtil qu’une répartition entre bons et méchants. Ce qui se voudrait une grenade à fragmentation comique tourne à vide, à la manière des pires pensums de Michael Moore.
Dès lors, les comédiens, malgré leur investissement indiscutable (Christian Bale en tête) ne donnent jamais rien de plus qu’une collection de saillies caricaturales. Leurs performances donnent l’impression d’appartenir à des films différents, confirmant ainsi la difficulté de cette mauvaise blague trop paresseuse de prêcher au-delà de son cercle de convertis.
Bon film je trouve, mais inégal. Son insolence fait sa force, mais sa propension à user de procédés narratifs (flash back, adresses caméra, voix off,…) n’est pas loin de devenir sa faiblesse. Le d**k Cheney me semble bien cerné, et j’aime le ton de McKay (voguant à vue entre rire, cynisme et tragique). Mais beaucoup de seconds-rôles manquent d’assises (Sam Rockwell, Tyler Perry par exemple) pour offrir au film un peu plus de souplesse.
Un choix de narration un petit peu plus classique aurait peut être permis au film de faire encore plus de dégâts.
Malgré tout, 2h12 agréable malgré la dureté du propos et la fascination exercée par cet ogre insatiable qui a grignoté à peu près tout ce qui s’est présenté sur la route : ses adversaires, ses concitoyens et sa propre humanité.
Un Christian Bale grandiose (une fois de plus). Et puis, c’est quand même jouissif de voir un « biopic » aussi véhément, surtout en comparaison de films insipides, artificiels et mensongers (coucou Bohemian Rhapsody).
encore une fois vous êtes à côté de la plaque…
le film est au même niveau que the big short voire mieux, certes on obtient pas toutes les réponses qu’on attends, et McKay a oublié un tas d’anecdotes concernant Cheney, mais de là à lui donner deux étoiles, sérieux arrêtez de hater gratos , même si vous êtes ma référence number one en terme de critique là , je suis vraiment , mais alors vraiment pas d’accord avec vous.
@greg
Nan j’aime bien The Big Short, mais disons que ce qui à mes yeux faisait sa limite tourne ici à plein régime.
@olivier637
Mouais, il a aussi répété dans pas mal de médias que le film n’avait pas cette prétention, et que le personnage était trop opaque pour y parvenir. Sans compter que quantité de dialogues ont lieu sur un mode parodique ou de franche satire, du coup, un peu dubitatif sur cette affirmation.
8 nominations aux Oscars!!
Comme quoi les films sont de moins en moins sélectionnés pour leur qualité que pour ce qu’ils dénoncent ou encensent. C’est bien dommage.
Je n’ai pas vu le film mais je me souviens de W, où Oliver Stone, à force de vouloir montrer sa haine envers son Président, finissait par jouer contre son camps. Dommage.
« Et pour cause, chaque réplique échangée, chaque petit rictus de vilain politicien, témoigne de combien Vice est convaincu d’appartenir au camp du Bien et de la morale »
Selon le réalisateur, cité dans le Point de cette semaine, absolument tous les dialogues du film ont bien eu lieu. Je trouve cette info hallucinante. Je ne vois pas comment c’est possible, mais si c’est le cas, tu m’étonnes que le film est convaincu d’appartenir au camp du bien et de la morale.
Aux USA, j’ai lu beaucoup de retours de gens ayant apprécié The Big Short et pas du tout Vice.
Bon visiblement tu n’avais déjà que peu goûté The Big Short, donc je garde espoir pour celui-ci en espérant que ce ne soit là encore qu’une différence d’appréciation.