COMTE EN BANQUE
On n’y peut rien, parfois, on ressemble à ce qu’on est. Et dans le cas qui nous intéresse ici, la transparence du titre interpelle. D’aucuns s’étaient gaussés de la dimension masturbatoire de ces Petits Mouchoirs, gros bourgeois ivres d’eux-mêmes et désireux de laisser mourir loin d’eux un ami encombrant. Ceux-là auront bien du mal à retenir leur fou-rire devant l’affiche du nouveau Guillaume Canet, avec son parterre de « stars » éparpillées façon Avengers, de part et d’autre de ces quelques mots : Nous finirons ensemble.
On croirait l’intitulé d’une partie fine un peu honteuse, et à bien des égards, l’objet filmique façonné par Guillaume Canet n’a pas d’autres ambitions. Il sera en effet question d’une collection de salopards, peine-à-jouir soucieux de balancer enfin la purée, mais surtout de se finir ensemble.
Dès l’ouverture du récit, une effraction amicale qui se voudrait acide, tragi-comique et malaisante, le spectateur ne sait sur quel pied danser. Non pas que le cinéaste ait atteint ses objectifs en immortalisant une troupe de bourgeois « so french » dont il dit vouloir réaliser un portrait au vitriol, mais justement parce qu’il rate tout ce qu’il entreprend.
On vous conseille d’entrer dans la salle dans le même état
SOUS LES PAVÉS DES HUÎTRES
On aura souvent glosé sur l’artificialité des Petits Mouchoirs, son ostréiculteur trop terroir pour être honnête, la cosmique bêtise de ses personnages la longueur déraisonnable de la playlist iPod du réalisateur, mais il demeure indiscutable que d’un strict point de vue technique, l’ensemble se tenait.
Les scènes humoristiques s’articulaient autour d’un tempo comique, Canet savait capturer un dialogue en sortant du champ-contrechamp, et sa gestion de l’espace faisait souvent preuve d’une certaine élégance.
François Cluzet et un tuyau d’arrosage
Mystérieusement, toutes ces qualités ont ici disparu, remplacées par un montage atone et une photo baveuse. Le premier effet, c’est le sentiment d’aplat qui s’abat sur le récit, les innombrables péripéties qui le parsèment échouant à trouver une dynamique, une saveur, alors que les séquences les plus anodines se muent en indigeste pâté de répliques arythmiques. Le constat est encore plus alarmant avec les nombreuses scènes « dramatiques », ou « kidénonse », poussant le film entre l’autoparodie et la gueule de bois pure.
Comme absent à lui-même, Canet ne peut gérer sa note d’intention funambule, à savoir l’importance du collectif quand on est une sacrée bande de connards. Pire, malgré la dimension chorale de son histoire, le métrage semble hanté par un unique point de vue : celui du mâle blanc rotant son rosé entre deux massages prostatiques.
Un angle qui domine rapidement tous ceux qu’appelait pourtant ce récit à plusieurs voix, et qui pousse le film dans une improbable relâche, laquelle tue dans l’oeuf chaque embryon de dramaturgie.
Gilles Lellouche, avec des chaussures
FINITIONS MANUELLES
Nous finirons ensemble en vient ainsi à jouer contre lui-même, dressant une cartographie de la bourgeoisie française involontaire (ou à tout le moins bien plus glauque que le film ne l’entend initialement). Rien ne nous est épargné.
De la fascination absolue pour le pognon et la possession – qui vient légitimer toutes les ignominies du personnage interprété par Gilles Lellouche – en passant par la nécessité de ne jamais se priver de niquer des frangines, en passant par la légitimité de ne jamais prendre « non » pour une réponse valable quand il est question de copulation avinée, Nous finirons ensemble rend compte d’un certain état moral des « élites françaises », de l’entropie ravageant ses classes moyennes supérieures, beaufisées par leur propre sentiment de puissance.
Ce n’est pas pour rien qu’on y rit autour d’une tentative de suicide ratée, qu’on écarte les inquiétudes matérielles de nos héros, ou que la principale problématique de l’intrigue (une histoire de banqueroute) se voit littéralement résolue à coup de méthode Coué.
Pendant ce temps, le pauvre José Garcia répand ses gamètes au hasard du décor, les protagonistes de cette histoire ont chevillé au corps ce principe que décortiquait implacablement François Bégaudeau dans L’Histoire de ta Bêtise : le bourgeois a chevillé au corps la connaissance (honteuse) de son statut, la conviction qu’il pourra s’affranchir des limites morales et matérielles qui limitent ses semblables. Dès lors, jamais un problème ne peut entraver la bande à Marion Cotillard et Laurent Lafitte, tous gazeux, la matérialité n’ayant de prise sur aucun d’eux.
Pourtant, ce produit où on victimise systématiquement le besogneux, le simple, la « grosse », pour finir par asséner des clichés incroyablement malaisants sur l’homosexualité, a peut-être une vertu cachée. Dans quelques années, quand on se demandera comment la société française a pu se fracturer au point d’opposer des Gilets Jaunes asphyxiés par un régime endogame, ce film éblouira. Il rappellera avec éclat l’incurie et l’obscénité de son époque, et plus particulièrement de ceux qui croyaient qu’ils auraient encore le temps de se finir ensemble.
Aucun souvenir de ce film vu au cinéma c’est dire l’intérêt de la chose
Décidément, quand il faut voir des films de gens un peu mâtures en vacances, on n’a jamais fait mieux que chez Sautet ou Yves Robert : avec des darons à moustaches, bien sapés, qui parlent sans ponctuer tout le temps leurs phrases de « p#tzin ! »…
Et qui donnent ainsi l’impression de toujours bosser, même quand ils ne font rien.
Certes c’est un peu un modèle paternel, pour les gens nés dans les années 70 à 80 (ou au delà), en mal d’hommes virils mais réconfortants.
À partir des « Bronzés font du ski », ça s’est gâté, le côté beauf et affreux digne de la comédie italienne versant un peu dans le cartoonesque.
Et ce n’est pas Guillaume Canet qui va réussir à égaler aussi bien le Splendid que leurs aînés.
Pourtant « Les petits mouchoirs » était à peu près acceptable, assumant son contexte petit bourgeois dans une histoire assez méchante et morbide. Tout en injectant de petits moments cinématographiques.
Et ici tout n’est que redite, toujours un peu méta pour une partie du casting (il aime bien transformer Marion en gueularde), mais en déplaçant le curseur d’un ami mourrant et abandonné, vers un autre dans la panade mais refusant toutes aides. Ce qui est moins fort, c’est sûr.
Des acteurs un peu trop âgés pour être encore immatures ou pathétiques, mais pas non plus assez vieux pour créer de la tendresse… Avec des séquences, qui s’enchaînent au montage, sans le moindre rythme. Et des moments périlleux qui sont plaqués dans l’histoire, juste pour créer un petit enjeu qui permette à un ou deux d’évoluer – les deux tiers d’entre eux n’ont aucun gros problème à résoudre, donc ils ne servent pas le récit.
Ça se laisse voir, pour les acteurs, sans plus.
Assez d’accord sur le pamphlet politique un peu inconvenant qu’on lit pour critiquer ce film.
Je m’en fous que les personnages aient de l’argent et ne trouveraient pas place dans un Ken Loach. Sautet faisait des films du même acabit et pour autant y’avait un contenu qui nous interpellait.
Rien de tel dans le film de Canet qui m’a tout simplement ennuyé. Je reconnais une forme de réflexion dans le découpage, les cadres etc mais tout le contenu est atone. Cluzet, au demeurant bon comédien, hérite d’un rôle plus antipathique qu’empathique et tout le reste du casting fait de la figuration dans des scènes maintes fois vues et revues dans le tout venant du cinéma français au cours de ses 5 dernières décennies.
C’est si ennuyeux que j’ai laisser choir les 50 dernières minutes.
Bourgeois, prolo, h**o, catho ou aristo, qu’importe, ce film événement traduit surtout un ma,que d’inspiration à raconter quelque chose d’inédit.
Bon comme pas mal de gens, sans avoir vu le film, cette critique m’avait gonflé à l’époque tellement ça me semblait démagogique….et puis j’ai vu le truc hier soir sur M6 et là….c’est presque pire. Passé une demi heure acceptable avec le one man show François Cluzet, ça se transforme en une glorification du pognon, du mauvais goût, de l’égoïsme, de la méchanceté, et la mâchoire se détache au fur et à mesure face à cette bande de connards , tous plus insupportables les uns que les autres (la palme revenant a Gilles Lellouche). Les clichés h**o, la MILF qui se découvre…j’en passe, c’est affligeant. Ou alors c’est fait exprès et c’est un coup de génie….
Moi ils ont fini par me les briser depuis bien longtemps cette suite et affligeante.
Tout en restant le plus factuel possible ce n’est plus du cinéma mais du téléfilm.
Alors oui c’est un bon petit téléfilm pour l’EHPAD avant la sieste de 16h.
Rien qu’en supprimant le personnage de Laurent Lafitte, le film gagnerait en qualité. En deux films sont personnage est passé de gentil relou à inutile et caricatural.
Et en même temps, sans être aussi virulent que la critique, il faut bien reconnaitre que le film est raté. Autant, j’ai aimé les Petits mouchoirs, autant celui-là est mal foutu, mal écrit.
On pouvait s’attacher à l’acteur un peu raté et dragueur, au gars qui découvre son homosexualité, au gars qui veut a tellement voulu réussir qu’il est devenu désagréable.
là, c’est les illusions perdues sans l’émotion et le côté attachant. Valérie Bonneton n’est pas assez présente et José Garcia ne sert à rien.
Pourtant l’idée est très bonne de voir l’évolution des liens d’amitié dans le temps qui se tendent et se distendent, mais c’est mal fait…
Il est clair que Mr Riaux ne votera pas Macron lol.
Qq’un qui cite Bégaudeau pour casser du bourgeois, je prend !
G.Canet est l’archétype du sécessionniste bourgeois qui plane au dessus du monde. N’oublions pas, il y a qq années monsieur nous a fait un burnout parcequ’il travaillait trop et qu’il était perfectionniste, donc il est forcément méritant lol
Personnellement, j’ai beaucoup aimé ce film, comme le premier, à tel point d’avoir acheté le boitier avec les deux BluRay. Je sais que certains l’ont moins aimé que le premier, et je peux le comprendre, mais de là à le casser comme le fait Simon, je trouve que c’est quand même un peu dur.
Les personnages ont évolué de manière cohérente par rapport au premier volet, leur écriture est juste, leur interprétation est faite avec sincérité, et la mise en scène est réussie. C’est typiquement le film de potes/bandes auquel on accroche ou pas. Mais ne pas accrocher est une chose, le descendre comme ici…
Simon Riaux ne voit pas la même bourgeoisie que moi ! Ahahaha
Clairement le film est moins bien que Les petits mouchoirs, mais, et je constate que je ne suis pas le seul, la critique est d’une violence qui n’en a aucune nécessité. Son auteur s’est fait plaisir à défoncer un film alors que j’ai lu des critiques d’autres films ou séries qui ont eu le droit à une grande indulgence.
Du coup, comme c’est toujours le cas lorsqu’on est dans l’excès, on passe à côté des vrais problèmes du films: cette volonté d’osciller entre des choses graves et le guignolesque représenté par le personnage de Laurent Laffite qui devient caricature.
Non, l’auteur de la critique préfère parler bourgeoisie et gilet jaune. Bref, faire du hors sujet