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Hors Normes : critique intouchable

Par Simon Riaux
16 octobre 2022
MAJ : 7 octobre 2023
13 commentaires

Olivier Nakache et Eric Toledano se sont taillé une place à part dans le paysage cinématographique français. Indéboulonnable duo venu de la comédie, ils comptent aujourd’hui parmi les rares auteurs à occuper une place médiane, capable d’attirer à eux des spectateurs en quête de pur divertissement, comme un public plus volontiers cinéphile. À ce titre, leur dernier né, Hors Normes, fait figure de synthèse.

affiche finale

LE SENS DE LA NORME

Nous y suivons Malik et Bruno encadrants d’un groupe de jeunes autistes. Ce n’est pas la première fois que le duo de metteurs en scène se penche sur un couple de cinéma (coucou Intouchables), mais pour la première fois, cette alliance semble directement évoquer leur collaboration. La justesse et l’équilibre des dialogues, même lorsqu’ils poussent leurs personnages dans l’excès, ont toujours constitué un des piliers de leur cinéma. La précision et la bienveillance avec laquelle ils construisent la relation entre leurs protagonistes donnent le sentiment, plutôt plaisant, d’assister à un commentaire, pas toujours conscient, du rapport que les deux cinéastes entretiennent l’un avec l’autre.

Et c’est cet aspect du film qui est probablement le plus intéressant. En effet, comme ils le faisaient dans Nos jours heureux, Toledano et Nakache préfèrent se concentrer sur ceux qui gèrent, encadrent, interagissent (hier avec des ados, ici des autistes), plus que sur ceux dont ils ont la responsabilité. Est-ce par pudeur ? Par prudence ? Peu importe, tant leur cinéma s’accorde avec cet angle. Plutôt que de tenter, un peu vainement, de percer une sensibilité ou rejouer un décalque de Rain ManHors Normes se penche sur le geste des aidants.

 

photo, Reda Kateb, Vincent Cassel« T’es sûr, pour cette initiation au kick-boxing ? »

 

Les réalisateurs s’adonnent à la tâche avec le mélange de simplicité et de discrète sophistication qui préside à leur cinéma depuis une quinzaine d’années. Jamais dans l’épate, ni dans le naturalisme de supermarché, ils appréhendent chaque situation via l’espace, la composition du cadre, et une pincée de symbolique. C’est ce qui fait de leur dernier un visionnage bien plus stimulant que la moyenne des drames ou comédies hexagonaux. Jusque dans les plus banals champs/contrechamps, leur découpage s’inquiète toujours de problématiques d’incarnation, de sens.

 

Hors Normes : photoVincent Cassel

 

NOS NORMES HEUREUSES

Toledano et Nakache auront parfait leurs mécaniques comiques jusqu’à Intouchables, petite pépite de rythme et de construction, avant de tenter d’injecter un peu plus de gravité à leur cinéma. Dès Samba, et sans rejeter la bienveillance ou le goût du romanesque qui fondent leur rapport à la fiction, tous deux se sont efforcés d’inoculer une forte dose d’actualité, de conscience sociale, voire de militantisme dans leurs récits.

 

photo, Reda Kateb Reda Kateb

 

Et s’ils sont loin de s’y être cassé les dents, Hors Normes témoigne, comme Le Sens de la fête et Samba avant lui, que c’est peut-être dans le rire pur que les réalisateurs s’exprimaient le mieux. Qu’ils s’échinent à témoigner de la dureté de la situation des sans-papiers, veuillent rendre hommage à ces entrepreneurs à la papa ou s’émeuvent du combat quotidien de ceux qui accompagnent les autistes, l’esprit de sérieux qu’ils confèrent à leur récit l’étouffe parfois un peu et le pousse du côté de la moraline un chouia démago.

Au final, pour touchant et divertissant que soit Hors Normes, on en vient à se dire que Nos jours heureux, derrière son apparente légèreté, en disait peut-être déjà plus sur le rôle d’encadrant et l’engagement humain qu’il exige.

 

affiche finale

Rédacteurs :
Résumé

La gravité et la volonté d'édifier le spectateur étouffent un peu Hors Normes, qui demeure un bel exercice de comédie dramatique.

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Yoann

Un film exceptionnel, touchant, bien joué et où le rythme ne baisse jamais. Mais surtout, un témoignage réaliste de la situation, aussi dure qu’elle soit. L’auteur de la critique sur Ecran Large, en accusant le film de « moraline démago » ne connait à l’évidence pas le sujet principalement traité.

Flo

…Et même Hors-la-loi.

Éric Toledano et Olivier Nakache continuent toujours leur cinéma ludique-dramatique-humaniste, tourné vers les gens ne se sentant pas à leur place, ainsi que vers les diverses structures encadrantes. Et leurs employés, simples, bosseurs, de milieu différents et capables d’être aussi déconneurs (en opposition à ceux qui sont déconnectés) face aux difficultés insurmontables.
Il y a déjà eu chez eux des coachs, des monos, du socio, des cuistots… On reste ici dans les asso(ciations), mais dans un contexte qui ici est d’emblée sans issues, sans solutions confortables, même avec tout l’argent possible.
Complètementaire avec les docus « On devrait en faire un film » et « Et la lune dans tout ça ? », l’association Le Silence des Justes ayant servi de modèle de base.

Pas du tout un film qui montrerait de façon trop paternaliste et protecteur, les jeunes personnes autistes les plus problématiques et violents…
Pas non plus un film qui arriverait à entrer dans leur tête pour faire ressentir suffisamment leur personnalité, parce-que c’est trop complexe : chaque cas est différent, il faudrait bien longtemps avant d’arriver à tous les décrypter de la façon la plus efficace qui soit. La distance entre eux (tous joués par de vrais autistes) et les personnes non atypiques, que les acteurs principaux professionnels représentent avec talent, reste nette. Même si l’écart peut se réduire petit à petit.
Évidemment c’est un travail sysipheen, qui va à 2 à l’heure et à l’utilité sociétale limitée (au minimum, même un pays démocratique se contenterait du 0 à l’heure, et de les laisser s’éteindre peu à peu dans un coin), servant à peine à socialiser d’autres jeunes gens en les formant à l’arrache aux métiers sociaux pour mieux les sortir de leurs quartiers… Travail que personne d’autre ne voudrait, tellement il est lourd et chronophage.
Quasiment un job de gogos, et rien d’étonnant à ce que des scènes de comédies émergent tout le temps de l’absurdité des situations, sans être pour autant parodiques ou insultantes.

C’est là où le film trouve son intérêt cinématographique (scènes et images bien léchées, musique rythmée en douceur), lui permettant d’être une vraie fiction à la hauteur de ce que peut être la réalité, ou de ce que pourrait être un bon documentaire… car l’imprévisibilité de ces jeunes gens ne peut qu’obliger leurs accompagnateurs à réagir eux-mêmes en dehors des cadres « admis » officiellement.
À gruger pour arriver à leur fin (ironiquement, un mensonge poli à l’employeur d’une entreprise est socialement plus adéquat qu’une franchise brusque), ou à improviser des solutions de fortune…
À passer presque pour des bandits mercenaires, ou au moins des travailleurs au noir, bref des employés qu’on doit également tolérer faute de mieux.
D’où une scène introductive qui met en scène une course poursuite ressemblant à une tentative d’enlèvement ou d’exfiltration dans un Polar. Qui sera d’ailleurs rejouée vers la fin, amorcée par une marche sur le bord d’une autoroute, matérialisation concrète d’une phrase prononcée par la mère d’un des jeunes : ils sont ceux qu’ont ne voit plus, car ils sont « à côté », avançant à leur rythme (lent mais chaotique), et on ne les voit vraiment que quand ils sont à deux doigts de nous télescoper dangereusement.

Et les dix dernières minutes de résumer de façon concise la situation, claire comme de l’eau de roche dès le début, en optant pour la lumière et la cohésion malgré le fait que n’importe quel progrès restera toujours fragile.
Sinon, à quoi bon continuer ?

Sanchez

Très beau film , émouvant

Neji

Juste un téléfilm de plus du cinéma français , aucune idée de cinéma rien c’est navrant , la photo la musique tout est navrant, mise a part le sujet effectivement..

Linlin

Film exceptionnel, joué justement et sincèrement sur le monde de l’autisme

Sweety

Très bon film, très bon acteurs. La réalité et la souffrance sans les moments de joie pour survivre la maladie et sensibiliser la société à travailler plus pour accepter ces familles et leurs enfants qui ont bcp d’assistance. Bravo à Vincent Cassel et Résa Kateb. Un merveilleux tandem avec tout le groupe d’acteurs. Très subtil.

Merlin

Ce film est juste une magnifique explication des autistes je trouve que se film peut être critique toute en restant correcte

Les vraies gens

Désolés, mais ce film n’est pas une comédie (personne ne riait dans la salle). C’est un long documentaire, juste fait pour choquer, et qui n’apporte rien.

Euh

Mtf

Raoul

Le sens de la fête vous a fait rire? C’est un des films les plus navrants qu’il m’ait été donné de voir récemment…