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First Love : critique qui a le béguin

Par Simon Riaux
26 décembre 2019
MAJ : 4 janvier 2020
2 commentaires

La seule chose qu’on est sûr de savoir quand s’éteignent les lumières et que débute un film de Takashi Miike, c’est qu’on ne sait pas ce qui va bien pouvoir nous arriver. Et avec First Love, une fois de plus, le réalisateur ne fait pas mentir sa réputation.

photo, Sakurako Konishi, Masataka Kubota

SUPPERCUT

Avec plus de 100 films au compteur, Takashi Miike a touché à tous les genres, et n’a de cesse de les hybrider. Ici, il nous immerge une nouvelle fois dans les bas-fonds de Tokyo peuplé de semi-loubards, de proto-psychopathes et de tarés en tous genres. Souvent chez Miike, la ville se transforme en un bouillon de culture où ne croît pas tant le mal qu’une forme de folie, de mutation sociale, propice à tous délires du réalisateur.

Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si le personnage de Leo se fait rapidement diagnostiquer une tumeur au cerveau, comme si lui aussi était contaminé par la démence environnante, et cédait au grand dérèglement qui préside à cet univers et au cinéma de Miike en général. Et si cette masse cellulaire malveillante peut difficilement être considérée comme un évènement heureux, c’est pourtant elle qui amorce l’histoire, insuffle la vie à ce décor horrifique et va permettre à nos deux héros de se rapprocher.

 

photo, Sakurako Konishi, Masataka KubotaSous les pavés… pleins de flingues

 

Dans sa première moitié, First Love se donne des airs de polar social, voire de film noir, qui se teinte progressivement de romance. Cette narration qui alterne les points de vue, les angles et altère progressivement sa tonalité initiale est l’occasion de se rappeler que le cinéma de Takashi Miike n’est pas seulement un trip halluciné désireux d’enivrer le spectateur à coups de plans frappadingues ou de saillies gores, c’est avant tout une affaire de maîtrise et de parfaite connaissance du médium.

Car, pour créatif et énervé que soit le découpage, le bordel ambiant ne parasite jamais le confort du spectateur. La lisibilité du scénario et la clarté de la narration sont autant d’ingrédients que le chef marie avec un talent étonnant, et un sens de la simplicité remarquable.

 

photoLes Men in Black

 

MULTIPLIER LES PAINS

Et puis bien sûr, viendra l’orgie finale, cette quarantaine de minutes sous acides, où se déploie la violence, la rage, mais comme toujours un sens de la création qui passe avant tout par un art de la jubilation.

On a souvent comparé le cinéma de Miike et celui de Quentin Tarantino, si les deux maîtres partagent une cinéphilie de pointe, un goût évident pour les ruptures de ton, on se demande finalement si Miike, toutes proportions gardées, n’a pas plus à voir avec un Sam Raimi.

 

photo, Sakurako Konishi, Masataka KubotaUn duo invraisemblablement attachant

 

Non pas que les deux envisagent la mise en scène de la même manière, mais pour l’un comme pour l’autre, l’accélération du mouvement, la richesse du style, confère à la caméra même une vie propre ; jusqu’à en faire un personnage. Et c’est bien de cela qu’il s’agit, lorsque le film commence à massacrer ses personnages, que la viande éclabousse les murs et que la palette chromatique du film passe la surmultipliée.

First Love est-il un des meilleurs Takashi Miike ? Il ne sera pas évident de répondre à cette question, mais son curieux mélange de dinguerie et de maîtrise, d’équilibre et de furie en fait un des meilleurs ambassadeurs de son auteur, et une de ses œuvres les plus accessibles.

 

Affiche officielle

Rédacteurs :
Résumé

Sous des airs de film fou et fragile, se cache une leçon de cinéma et de narration orchestrée par un grand Takashi Miike, capable ici de mêler polar social, élans romanesques et démence gore avec une inventivité et un style impressionnants.

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Gaspard

J’en sors! Une petite bombe! C’est tellement fou, Miike s’autorise absolument tout et le pire dans tout ça, c’est que ça marche! Même le passage manga est totalement extravagant, mais passé la demi-seconde de surprise, on se prend au jeu! Je ne connais que Audition de lui, je ferais attention si j’en chope en occaz ou à la bibliothèque!
Le scénario est exemplaire. Tous les personnages sont campés et iconisés malgré l’aspect film choral (une scène suffit à chacun), ils ont chacun un parcours et quelque chose à résoudre, ils ont tous une fin résolutive (pour le meilleur ou pour le pire), bref scénario parfait. Si Miike est un aussi bon conteur dans tous ses films, je vais prendre mon pied.
Et surtout, surtout, qu’est-ce que c’est drôle p*****, j’ai pas ri comme ça au cinoch depuis un moment. Dire que j’ai hésité entre celui-ci et le Malick cet après-midi, connaissant l’américain, je suis persuadé d’avoir plus pris mon pied devant ce film (Eh oui! depuis Tree of Life, je me suis juré que Malick n’aurait plus mon pognon!)

D@rk

Une critique qui a du sucre ! « Béguin | Béghin-Say »
Donc, un film a voir.