LES NEUF PETITS TRADUCTEURS
Sur le papier, Les Traducteurs donne envie : un huis clos digne d’un Cluedo, avec un coupable caché parmi un groupe d’inconnus, qui laisse derrière lui de précieuses pages de futur best-seller comme d’autres sèmeraient les cadavres. C’est d’autant plus intrigant que c’est un scénario original, imaginé par Regis Roinsard à l’époque où Inferno de Dan Brown était justement traduit dans un bunker, où douze traducteurs avaient été enfermés pour maintenir le sceau du secret.
Régis Roinsard avait miraculeusement signé un premier long-métrage à près de 15 millions d’euros en 2002 : Populaire, avec Romain Duris et Déborah François, qui n’avait pas été à la hauteur avec 1,5 million d’entrées. Huit ans après, il a réuni un casting impressionnant et multiculturel : Lambert Wilson, Olga Kurylenko, Sidse Babett Knudsen, Eduardo Noriega, Alex Lawther, Riccardo Scamarcio, Frédéric Chau, Sara Giraudeau, Anna Maria Sturm, Manolis Mavromatakis, ou encore Maria Leite.
Beaucoup de raisons d’être curieux donc, face à ce trop rare exemple de thriller français qui s’amuse avec les codes du genre, et mélange les visages pour sortir des sentiers battus. La déception n’en sera que plus grande.
Neuf traducteurs enfermés dans un bunker. Que se passe-t-il ?
BUNKER PALACE GROTESQUE
La rebelle tendance Lisbeth Salander, la pseudo femme fatale bien habillée, le petit malin british, sous le contrôle d’un français chic et sec… Les craintes face au groupe ne vont pas se dissiper, mais grandir à mesure que l’enquête évolue. Cette bande de stéréotypes, évidemment placée là pour essayer de piéger le spectateur dans ses attentes et jugements, aurait dû être le catalyseur de l’intrigue. Qui est qui ? Qui cache quoi ? Qui porte un masque pour détourner l’attention ? C’est la formule classique du whodunit, et cette mise en place laisse espérer de bonnes surprises.
Mais Régis Roinsard, qui a co-écrit avec Daniel Presley (son compère de Populaire) et Romain Compingt (qui a participé à La fille de Brest), a trop conscience de ces codes. Tellement qu’il essaie de les dynamiter, et ne pas suivre sagement la structure classique. Un parti pris proche de celui de Rian Johnson sur À couteaux tirés, mais nettement moins maîtrisé ici. Ainsi, le film vrille à mi-chemin, dans une étonnante tentative d’échapper au film à chute, qui étire l’énigme et repose entièrement sur l’éventuelle satisfaction du twist final.
Vouloir échapper à cet effet très familier n’est pas bête, mais Régis Roinsard condamne vite son film à une interminable deuxième partie, qui se répand en explications et flashbacks et détails. Le plaisir initial est vite tué, pour laisser place à une plongée dans les coulisses du mystère, particulièrement poussive et bavarde, qui achève rapidement Les Traducteurs.
Nom de dieu de putain de bordel de merde de saloperie de…
L’IMPASSE
Régis Roinsard n’y va pourtant pas de main morte. Morts, courses-poursuites, révélations, twists, flashforward… Peut-être par peur de tourner en rond dans cet espace clos, il varie vite les plaisirs et crée de multiples occasions de changer de décor et ambiance. Les Traducteurs touche par ailleurs diverses notes, alignant des scènes de pur thriller, mais également de romance étrange et de drame.
Sauf que tout sonne désespérément creux et faux, comme si ces pièces avaient été assemblées autour d’une ambition froide, déconnectée d’une histoire et de personnages, avec une mécanique artificielle. Il y a à la fois trop, et pas assez : trop de temps passé sur certains éléments, certaines explications, et pas assez sur le crescendo dramatique, le suspense, et le noeud de l’intrigue. Difficile alors d’être emporté, ému et convaincu par ce cirque, qui manque de simplicité et sobriété.
Ce qui devait être la démonstration ludique des capacités du cinéma français en la matière devient alors malheureusement une pièce à conviction. Et inutile de trop questionner la cohérence de la chose a posteriori. C’est d’autant plus triste que Les Traducteurs semble créer les pièges dans lesquels il s’embourbe en cherchant précisément à se démarquer.
Quand le twist arrive sorti de nulle part
Reste alors des acteurs solides qui se démènent pour donner vie à des personnages sous-exploités (Sidse Babett Knudsen), transparents (Eduardo Noriega, Maria Leite), simplistes (Sara Giraudeau), ou vides (Olga Kurylenko). Les plus chanceux, qui ont plus de raisons d’exister dans l’intrigue, ne peuvent surmonter une écriture lourde dès que le scénario révèle la vérité, les motifs et les moyens. La caricature n’est jamais loin, et les efforts parfois extrêmes pour développer certains protagonistes et boucler l’énigme frôlent le ridicule.
Par ailleurs, Régis Roinsard sait filmer, et s’est entouré de bons collaborateurs, notamment Guillaume Shiffman (The Artist, Le Redoutable) à la photo et Jun Miyake à la musique. Les Traducteurs a donc une certaine allure de cinéma. Dommage que tout ça tourne vite à vide, et donne envie de conclure par une plaisanterie sur le fait de (pas) juger un livre à sa couverture.
Vu ce matin et c’était vraiment pas folichon. C’est dommage, ça démarrait sur une idée sympa et ambitieuse, mais le filme se transforme en parodie de lui même, que ce soit au niveau des comportements des protagonistes mais surtout des tentatives excessives de rebondissements et plot-twists.
Szalem, of course, huis clos. Merci d’avoir rectifié. Mais ça change rien à ce que je disais ( oui mais la « puissance » de mon commentaire en a peut-être été affectée…damned ^^).
@Pulsion73
Huis clos…
Ah que Johnny!
Deux étoiles c’est un peu dur quand même
« Tellement qu’il essaie de les dynamiter » ? Ah que Johnny. Plutôt » tellement il essaie de les dynamiter ». Enfin, il me semble…
Un film qui ne m’a pas laissé un souvenir fantastique. Ce fût pour moi un film parmi d’autres. J’aurais aimé tomber sur un huit clos passionnant mais le suspense était loin d’atteindre des sommets, dommage.
« Une boucherie » mais dans le très (très) mauvais sens du terme.
Malgré un pitch intéressant et des avis plutôt positifs glanés ça et là, j’étais très curieux de découvrir ce deuxième long métrage de Régis Poinsard.
Au final je n’ai jamais eu l’impression d’avoir vu le même film !!!!! Mais alors pas du tout !!!
Le film délivre un énorme produit boursouflé de bout en bout partant dans tous les sens portés par des dialogues d’un ridicule proche de la débilité, un casting catastrophique proche du néant interstellaire en terme de jeu (peu aidé par les dialogues et les situations je l’admet), des personnages aussi clichés les uns que les autres : l’asiatique placide, le grec gay qui ne paye pas ses impôts, la portugaise tatouée version Marines Bad Girl, l’anglais geek chétif super malin, la bombe atomique fadasse « regardez comme je pleure bien »….Des scènes embarrassantes : La dernière réplique prononcée par Sara Giraudeau au téléphone ahahha un must . Le tout emmené par un Lambert Wilson insupportable en mode théâtre. Rien ne va dans ce film, rien ne fonctionne. Catastrophique je vous dis (évidemment avis perso.).
Sacré débat qui n’en est pas un sur un terme anglo-saxon que les moins de 20 ans ne semblent pas connaître (tout comme les non-lecteurs des classiques romans à énigme, ou encore les non-connaisseurs de toute une tradition du cinéma policier britannique…). Bref, même moi qui ne suis pas anglophone, je connais ce terme qui indique une trame scénaristique (Qui a tué ?) centrée sur la recherche d’un ou de plusieurs criminel.s (Agatha Christie en est la plus célèbre représentante). Non-débat car nous sommes loin des néo-termes actuels qui envahissent le langage du cinéphile. Mais bon, ainsi va la langue française qui se gargarise de paraître moderne…
Le pitch me fait énormément penser à un film que j’ai vu, il y a quelques années. Exam de Stuart Hazeldine.
@simon Riaux & Geoffrey Crété,
Effectivement, rien de germanopratin dans ce terme. Je me souviens que l’on utilisait ce mot également dans les années 90 pour divers films utilisant ce procédé.
Mais je pense que ce que les commentaires ci-dessous expriment c’est la saturation de termes analogues et anglophones dans la cinéphilie d’aujourd’hui : jump scare, gunfight, MacGuffin, trailer, Found footage, CGI, etc… On peut comprendre que le public amateur non-anglophone s’agace de ces termes quand on écrit en français.
@Caroline
C’est un terme couramment usité, en cinéma et en littérature, popularisé par le succès international d’Agatha Christie. Rien de parisianiste là-dedans.
C’est peut-être plus une question de génération, le genre étant tombé en désuétude il y a un moment.