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Un divan à Tunis : critique thérapeuthique

Par Christophe Foltzer
12 octobre 2022
MAJ : 17 octobre 2022
3 commentaires

Sujet original s’il en est, Un divan à Tunis, premier long-métrage de la réalisatrice Manele Labidi, nous propose une intrigue assez inédite : nous y découvrons le désir de Selma (Golshifteh Farahani), psychanalyste parisienne, ouvrir son cabinet dans un quartier populaire de Tunis, peu de temps après la chute de Ben Ali et au lendemain de la Révolution. Bien entendu, rien ne se passe comme prévu et Selma va bientôt découvrir que les différences culturelles entre les deux pays pourraient constituer une barrière aux théories de ce bon Sigmund Freud.

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THÉRAPIE DE GROUPE

Comédie légère, Un divan à Tunis ne se construit pas seulement sur son postulat propice à de nombreuses situations comiques, elle émerge également d’une situation bien réelle, et qui n’a rien de drôle. Dans la Tunisie post-Révolution, la population a perdu ses repères, tiraillée entre son traditionalisme et son envie progressiste qui remet du même coup en question les fondements mêmes de son fonctionnement social. Autant de barrières qui vont se lever contre la démarche de Selma, parfaitement interprétée par Golshifteh Farahani.

Et cette réalité, où la menace salafiste n’est jamais bien loin, Manele Labidi en a pleinement conscience et décide de la tourner régulièrement en ridicule. Non pas pour se moquer des gens, mais pour montrer l’absurdité d’un système qui ne sait plus vraiment pourquoi il existe. À travers les différentes analyses entamées par les personnages secondaires hauts en couleur du film, Un divan à Tunis met donc en lumière toutes les carences d’une structure sociale qui a fait son temps, tout autant qu’il met en valeur son désir d’émancipation en abordant notamment le contexte post-révolutionnaire sous un angle névrotique très bien vu.

La grande intelligence du film est de ne jamais juger ses personnages. Si chacun représente un archétype de la société tunisienne, le tout est croqué avec énormément de tendresse et d’attention. Indiscutablement, la réalisatrice aime ceux dont elle raconte l’histoire, cela se sent et ça fait plaisir à voir. Ainsi, le film acquiert une bonne humeur et une légèreté plus que bienvenues pour parler d’un sujet extrêmement sérieux et refuse catégoriquement de sombrer dans un pathos facile.

 

photo Un divan à TunisAu centre du film : Golshifteh Farahani

 

PAPA SIGMUND

Si l’intrigue est cousue de fil blanc et qu’au bout du compte, il n’y a pas vraiment de surprise, les péripéties s’enchainent avec un bon timing comique et la plupart des gags font mouche, en nous présentant également une conclusion douce-amère d’une simplicité désarmante, mais qui rend le tout encore plus attachant. Alors que l’on pouvait craindre un côté donneur de leçon qui aurait posé problème à un moment du film, Un divan à Tunis ne cherche jamais à être autre chose que ce qu’il représente, à savoir une petite comédie légère qui en profite pour faire passer quelques messages bien sentis.

 

photo, Golshifteh Farahani, Hichem YacoubiThérapie : mode d’emploi

 

D’ailleurs, le soin apporté au personnage principal évite toute impasse psychologique ou moralisatrice, puisque Selma n’est jamais dépeinte comme meilleure que ses patients, sa vocation même, ainsi que son projet, sont régulièrement remis en question par son entourage, les événements et par elle-même. Il apparait évident très tôt qu’elle aussi utilise cette situation pour régler un certain nombre de choses en elle. Ceci renforce encore plus cette comédie humaine et plutôt efficace, même si on aurait aimé que le film prenne le temps de vraiment approfondir certaines de ses thématiques et d’oser, à certains moments, se dépareiller de sa légèreté.

Un divan à Tunis, au final, constitue un film très sympathique, léger et qui fonctionne comme une petite bulle d’air rafraichissante dans nos existences pressées. En se moquant des autres et d’elle-même, Manele Labidi nous rappelle qu’au fond nous sommes tous pareils, pétris des mêmes angoisses face à une existence complexe et un futur incertain, surtout dans le cadre d’un système dont la rigidité n’est pas à prouver. Et c’est d’ailleurs la plus grande qualité du film.

 

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Rédacteurs :
Résumé

Loin d'être une expérience dévastatrice pour nos sens et nos conceptions philosophiques, Un divan à Tunis n'en constitue pas moins un très agréable divertissement, bien plus malin que ce que l'on pourrait en penser au premier regard. Une petite thérapie qui met du baume au coeur, on serait bête de la refuser.

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mo

moi j’ai adoré et revu… en riant toujours autant… sur un sujet qui pour moi était sérieux… comment présenter l’analyse sinon de façon truculente avec le recul de la comédie populaire… oui des clichés justement … mais qu’on décode qui humanisent… je n’ai pris le côté social et politique que comme un contexte, un environnement… chacun a à faire avec son pays sa classe sa famille… pas sûre d’avoir bien compris cette fin… sur ou devant la plage… dans une jolie mais discrète petite robe… ah si l’amour était au bout de nos comédies romantiques, des opposés qui se rencontrent, se …

#diez

Assez déçu par le film. La réalisatrice passe à mon sens à côté de son sujet en justement faisant une comédie basique qui ne dévie jamais de sa structure balisée.

Et le mélange de série du fond ne fonctionne pas toujours avec l’absurde de certaines situations. Au point de faire des running gags sur des clichés idiots juste pour tenter de faire rire. Le manque de subtilité de certains comportement comme la femme de l’administration, les deux policiers ou le gars aux dictateurs, fait que ça ne fonctionne presque jamais dans l’humour.

Il y a pourtant de belles choses dans ce film. Ces bons éléments, à part la toujours parfaite Golshifteh Farahani, sont ceux qui dévient de leur trajectoire. Des moments qui se permettent une folie qui s’associe à merveille avec le sérieux du sujet. Je pense notamment, à la rencontre ou la scène de l’autoroute.

Malheureusement le constat global reste une comédie timide qui ne ne creuse jamais vraiment les choses et qui se noie dans des situations comiques manquant de subtilité.

Numberz

Cool. Un de plus à voir. Je trouve les films sur le moyen Orient, ou autre pays arabe, et les films asiatiques comme une source d’assez bon films, voir très bon film.