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Vivarium : critique quatrième dimension sur la gauche

Par Geoffrey Crété
9 mars 2020
MAJ : 27 mai 2021
10 commentaires

Un lotissement parfait, une maison parfaite, une famille parfaite… et un parfait cauchemar pour Jesse Eisenberg et Imogen Poots, qui emménagent en enfer malgré eux dans Vivarium, de Lorcan Finnegan. Remarqué à la Semaine de la critique à Cannes ou plus récemment à Gerardmer, le film arrive en salles ce 11 mars.

Affiche française

DESPERATE HOUSE

Laissez toute espérance, vous qui entrez dans ce lotissement a priori idyllique. Dans ce lieu au-delà du réel et aux allures de décors en carton-pâte, il n’y a ni issue, ni sortie, simplement une boucle infernale autour d’une maison a priori comme les autres, mais qui est en réalité un trou noir d’où ne peuvent s’échapper Tom et Gemma. Venus visiter ce logement sans véritablement y croire, ils vont vite perdre leur petit sourire narquois en réalisant le piège dans lequel ils sont tombés : ce faux nid et vrai cauchemar, ils sont condamnés à y vivre, y rester, et même y fonder une famille malgré eux.

L’étiquette Twilight Zone a beaucoup été collée ces dernières années, notamment à Jordan Peele et ses Get Out et Us, mais elle a rarement été aussi adaptée qu’à Vivarium, bâti comme un long épisode de l’anthologie culte de Rod Serling. Avec un petit budget (estimé à 4 millions de dollars) et de grosses ambitions, Lorcan Finnegan livre une fable sociale corrosive, cruelle, absurde et réjouissante, aussi drôle qu’angoissante, qui donne tour à tour envie de rire et de trembler face à quelques visions horrifiques.

 

photo, Jesse Eisenberg, Imogen PootsUn papa, une maman

 

THE TRUMAN FREAKSHOW

En digne conte horrifique, le film y va avec ses gros sabots, sans jouer d’une fausse subtilité. Vivarium commence avec une image aussi claire que lourde de sens, qui déroule tout le programme à venir. C’est presque une logique de rêve qui envahit l’écran, saturé de symboles et d’une inquiétante étrangeté qui grandira, jusqu’à devenir asphyxiante et délirante. Un simple bureau, un ciel nuageux, des façades immaculées et une lumière délicatement perturbante placent vite le récit sur une note de malaise, qui va très vite prendre possession du décor et des personnages.

Lorcan Finnegan tire profit de son budget limité pour créer un environnement totalement maîtrisé, comme une bulle à l’artificialité savamment travaillée et entretenue. Un peu comme un Truman Show des enfers, Vivarium parvient à baigner le spectateur et les héros dans un océan d’étrangeté, où le bitume, le silence et une boîte en carton peuvent devenir des sources d’angoisse insolite.

Avec quelques touches d’humour et de légèreté, et une évidente peinture au vitriol de l’uniformisation sociale, Vivarium rappelle de loin Norway of Life, film norvégien très remarqué en 2007, qui confrontait plus largement un homme à une ville passablement absurde. C’est aussi parce qu’il joue sur différents degrés, entre l’horreur, la science-fiction, la satire, et invoque même quelques motifs étonnants, que le cinéaste imprime une belle identité à son film, et en renouvelle régulièrement l’énergie.

 

photo, Jonathan ArisLa clé du bonheur

 

L’ENFER, C’EST LE MÔME

Comme toute bonne science-fiction, celle de Vivarium est un terreau à réflexion riche et vertigineux. Allégorie simple et pure du moule social comme prison qui étouffe et déforme les individus, le film joue aussi avec tous les codes de la sacro-sainte famille, des rôles d’homme-père et femme-mère plaqués de gré ou de force, aux rendez-vous incontournables de la culture occidentale (les céréales du petit déjeuner, la télévision). Un peu comme dans une longue, éprouvante et déviante publicité Ricoré, Lorcan Finnegan s’amuse à fissurer le décor de petit rêve préfabriqué, pour montrer l’hystérie latente, prête à ouvrir sur la folie et la violence.

Au-delà d’un papa, une maman et une chose indéfinissable à découvrir, l’histoire met en jeu l’effet de masse, la dissolution des individus et même le capitalisme, pour créer un labyrinthe terriblement saisissant dans sa vision désenchantée, nihiliste même, de l’existence humaine. Et Jesse Eisenberg et Imogen Poots, étonnamment sous-exploitée malgré son talent évident depuis 28 semaines plus tard et Cracks, mènent ce jeu avec plaisir.

 

photoPuisqu’on vous dit que cet enfant n’a rien de flippant

 

Cette noirceur prend une totale tournure cauchemardesque dans la dernière partie, lorsque le réalisateur retourne le décor pour ouvrir quelques diaboliques pistes pour l’imaginaire. Il suffira de quelques minutes pour créer un abysse de questions et d’angoisse, alors que le monde-prison révèle et dévoile quelques-unes de ses portes.

Finnegan, tout comme les bourreaux de ce terrible cirque, tire les ficelles avec un sadisme irrésistible. Héros et spectateurs sont embarqués dans cette folle impasse, dominés par des narrateurs tout puissants qui jouent avec eux et leur monde. Même si Vivarium souffre d’une baisse de rythme dans sa deuxième moitié, et que les limites du budget ont certainement restreint les ambitions du cinéaste notamment vers la fin, le voyage demeure suffisamment fort, stimulant et malin pour mériter de s’y perdre, avec délice.

 

Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Malin, cruel et ludique, Vivarium est un conte horrifique vertigineux, qui offre quelques belles raisons de cauchemarder. Un digne héritier de La Quatrième Dimension, qui place directement Lorcan Finnegan parmi les réalisateurs à suivre.

Autres avis
  • Alexandre Janowiak

    Avec sa mise en scène très inspirée, Lorcan Finnegan offre une oeuvre labyrinthique hyper oppressante, ultra cruelle et dotée d'un cynisme jubilatoire faisant de l'existence même, un véritable cauchemar.

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Bibi

Mais quel NAVET bon sang. Chiant, chiant et encore chiant

Tractopelle

Marre de ces film sans fin …. De pure arnaque tout simplement , tu sais pas si c’est des extraterrestres , des démons rien aucune explication et qu’on me dise pas tu comprends rien parceque y’a rien a comprendre en faite

MarcGoudy

Perso, j’ai beaucoup aimé. L’ambiance qui s’alourdit au fur et à mesure, subtilement, sans que l’on s’en rende vraiment compte, ce malaise qui s’installe dans ce décor à répétition, à la fois attirant et éprouvant… Oui, une petite baisse de régime vers le milieu du film mais qui, pour moi, ne le gâche pas tant que ça… J’ai été finalement happé par l’histoire et l’esthétisme du film.

Greg

Mitigé sur ce film, que j’attendais avec une grande curiosité.
Une baisse de rythme dans la deuxième partie, après un début bien barré, oppressant et malaisant.

Simon Riaux

@Dateuss

Alors, non, Vivarium n’est pas un film à twist, plutôt un gros trip hallucinogène et paranoïaque.

Dateuss

Fight club une exception ?!! Alors parlons de ‘the game ». Je pense que tu n’as peut être pas encore vu de films à twist ending réellement ou que tu n’es pas fan de thrillers psychologiques. Tout comme moi je ne suis pas fan de fantastique.
Pour revenir à Saw justement, je te rappel que c’est cette fin innatendu qui fait qu’il reste le préféré.
Le film de shyalalan où Brice Willis apparaît à la fin a rebattu les cartes. Je suis au taf donc je vais éventuellement continuer après.
Après, si tu veux discuter on discute, si c’est juste pour jouer au plus intelligent, ça m’intéresse pas ( reprendre ma phrase concernant les exemples et arguments révèlent une certaine colère et ce n’est pas le but. Je cherchais simplement à comprendre ta façon de voir).

Maurice Escargot

Fight Club est une exception.
Dans bon nombre de films du genre, le twist n’amène aucunement à reconsidérer ce qui a précédé, et ne sert qu’à surprendre le spectateur pour créer un certain buzz autour du film (exemple le plus évident : les Saw).
De plus, espérer à tout prix que le film à un twist et pas seulement une tournure fantastique revient à tout miser sur la fin, sans se laisser porté parce que le film peut offrir en cours de route. Je ne vois pas en quoi une simple tournure fantastique sans twist, serait moins pertinente qu’une tournure avec twist. Il aurait fallu étayer ton avis d’arguments et d’exemples pour comprendre où tu souhaites en venir.

Dateuss

Maurice Escargot, certains twists sont monumentaux ( fight club) et rebattent totalement les cartes et les perspectives du scénario.
Et puis j’aime être surpris. Et quoi de plus surprenant qu’un twist ending.
Ce n’est peut-être pas gage de qualité tout le temps, mais ça démontre une recherche des scénaristes et réalisateur ce qui n’est déjà pas si mal. Et quand on ne le voit pas venir, alors oui dans une certaine mesure c’est de la qualité.
Pour le coup je ne comprends pas du tout pourquoi tu dis que le twist serait plutôt contraire à la qualité. Il aurait fallu étayer ton avis d’arguments et d’exemples pour comprendre où tu souhaites en venir.

Maurice Escargot

Pourquoi ?
Parce qu’un twist, c’est forcément gage de qualité ? Généralement, c’est même le contraire…

Dateuss

J’espère qu’il y a un  » twist ending  » à décrocher la mâchoire et pas simplement une tournure fantastique.