AU NOM DU PÈRE
Les adaptations de pièce de théâtre ont toujours quelque chose d’effrayant sur le papier. D’autant plus, lorsqu’elles sont signées de leur propre auteur. Le dernier exemple en date (le plus parlant) est probablement Edmond d’Alexis Michalik, adaptation drôle et plaisante, mais rarement capable de sortir du banal théâtre filmé. On pouvait donc craindre le même écueil pour The Father réalisé par Florian Zeller, et ce malgré les très bons échos qui l’accompagnent depuis son passage au Festival de Sundance 2020.
C’était toutefois déprécier ses excellents retours puisque dès les premières minutes du métrage, la crainte s’estompe très vite laissant place à une oeuvre immense. Florian Zeller a beau débuter à la mise en scène cinématographique, le Français réussit un tour de force impressionnant avec son premier long-métrage racontant l’histoire d’Anthony, 81 ans, et dont la mémoire vacille inexorablement.
Loin de s’enliser dans un énième drame sur la perte de mémoire (Still Alice, Amour) ou globalement la vieillesse (Nebraska, Amour encore), le long-métrage se transforme rapidement en véritable labyrinthe mental viscéral pour chaque spectateur. Exception faite de son plan d’ouverture suivant la fille d’Anthony (Olivia Colman), The Father va se concentrer quasi-exclusivement sur la perception du vieil homme. Ainsi, le récit se mue en véritable puzzle à la fois pour le personnage principal et le spectateur qui vit les événements à travers ses yeux, à travers sa perte de repère et donc à travers ses nombreux errements et fausses certitudes.
Florian Zeller joue alors admirablement avec sa mise en scène pour faire de son labyrinthe de l’esprit un véritable dédale dont il ne semble plus possible de sortir, où chaque scène devient de plus en plus cryptique, confuse. Entre les jeux de travelling, les gros plans, les longs plans-séquences… il parvient à transmettre la panique, la peur et la perdition de son héros aux spectateurs non en lui montrant, mais en lui faisant complètement ressentir et vivre sa situation.
La détresse d’un père dissimule la tristesse d’une fille
LES VESTIGES de la mémoire
Difficile, au fur et à mesure de l’avancée du film, de ne pas tomber dans la confusion et de ne pas perdre le fil des événements. Les séquences s’enchainent, les quiproquos se multiplient et l’incompréhension s’installe, perdure, pour finalement ne plus jamais se dissiper. Si, dans n’importe quel film, faire perdre le fil cohérent aux spectateurs est logiquement un échec, The Father joue justement avec cette idée pour provoquer une véritable expérience cinématographique.
Le jeu de pistes mis en place avec les éléments du décor (un huis clos, non exclusif, étouffant ; cette porte), la construction du récit (ses séquences lointaines et pourtant similaires qui se recoupent) et la présence de plusieurs personnages vient totalement rebattre les cartes. Grâce au travail hallucinant de Yorgos Lamprinos, le montage vient annihiler la barrière entre réel et illusion, faisant se chevaucher souvenirs et croyances, vision et réalité, rêves et cauchemars… pour lier des séquences lointaines, des réminiscences et des créations de l’esprit. Évidemment, rien ne servira donc d’essayer de tout comprendre ou tout vouloir relier.
Jours et souvenirs se ressemblent, et pourtant
Le long-métrage a beau être particulièrement riche et extrêmement bien documenté sur la sénilité et Alzheimer – quiconque aura vécu la dégénérescence d’un proche en ressortira probablement en larmes -, il n’a pas pour objectif d’apporter des réponses rationnelles à ce sujet puisqu’elles sont inexprimables, indicibles, voire illusoires. Au contraire, la logique de ce jeu de pistes particulièrement inventif n’est pas l’affaire de l’esprit et se trouve ailleurs : dans le coeur, les émotions, le passé.
En plongeant les spectateurs dans la tête d’Anthony, le film de Florian Zeller (et co-écrit avec Christopher Hampton), qui joue parfois avec les codes du thriller psychologique, débouche finalement essentiellement sur une ode bouleversante sur l’humain, dont on ne ressort pas indemne. Ce jeu avec la subjectivité du personnage principal est terriblement troublant et d’une efficacité remarquable, et vient porter une intrigue dense sur l’humain et sa fragilité.
DEMONS OF THE MIND
Une fragilité magnifiquement incarnée par Anthony Hopkins, qui n’a pas volé une seule seconde son oscar du meilleur acteur pour sa prestation, probablement le plus grand rôle de sa carrière (bien plus que ses moins de 25 minutes de présence dans Le Silence des agneaux). Car si Florian Zeller saisit l’ambiguïté de son personnage à chaque instant, c’est grâce au jeu tout en subtilité et sobriété du Britannique que les émotions prennent vie.
Entre accès de colère, amabilité inattendue, regard perdu, absence soudaine et également crainte d’être manipulé (le gendre, l’auxiliaire de vie, sa fille, sa montre…), le personnage d’Anthony passe par tous les états d’âme (même enfantin) et offre, par conséquent, une palette émotive faramineuse (même si discrète). C’est sans doute la peur de l’abandon vécu par le vieillard qui est d’ailleurs la plus touchante, lui qui n’a plus de véritables repères tangibles (et véridiques) autres que sa musique et l’envoûtant Je crois entendre encore tiré de l’opéra Les pêcheurs de perles de Georges Bizet, source de réconfort et d’apaisement pour Anthony, et aux paroles pourtant si évocatrices.
Allouer les seuls honneurs à Anthony Hopkins serait cependant injuste pour le casting l’entourant (Imogen Poots et Rufus Sewell sont très bons) et notamment Olivia Colman. La comédienne oscarisée de La Favorite est, encore une fois, excellente dans un rôle très ambivalent coincé entre l’amour d’une fille aimante, l’agacement du manque de reconnaissance de son géniteur, la haine de cette situation incontrôlable et surtout le désespoir immuable devant la déliquescence d’un être cher. Dévastant.
@Pulsion
Même ressenti au regard de la prestation d’Hopkins. Celle de Colman est de haute volée aussi. Le film est déroutant, nous sommes aussi perdu que le n’est le personnage d’Hopkins. Brillant et éprouvant. Pas sûr néanmoins que je le reverrai un jour.
J’ai rarement vu Hopkins aussi touchant. Perdu comme un enfant. Fragile, vulnerable.
Celui qui n »a pas eu un membre de sa famille atteint de la même maladie aura du mal à s’interesser à ce film bouleversant
; c’est un excellent film d’abord par sa mise en scène , sa façon originale de traiter ce sujet hypersensible , par le jeu des acteurs A.Hopkins bien sur mais aussi Olivia Colman si boulversante
Super film, poignant et réaliste. Dommage que les perso secondaire manque de profondeur, mais je chipote.
pénible ennuyeux comme Amour même film terriblement dépriment
j’ai adoré ce film émouvant et quelque peu déroutant sur la mise en scène qui au final nous fait bien ressentir la confusion mentale du personnage… et on suit la descente inéluctable de Hopkins vers la démence et … la mort. Merveilleux jeu d’acteurs. N’oublions pas Olivia Colman qui est elle aussi excellente.
C’est un bon film qui reussit tres bien a nous faire ressentir directement ce que ressent le personnage mais j’ai trouve que le procede mis en place pour mettre en place la confusion etait assez vite repetitif.
C’est shutter island version personnes âgées
L idée était bonne mais au final j ai rien compris déçu
Je m’attendais à un drame convenu porté par la performance de Sieur Hopkins, j’ai découvert un film complexe qui prend le pari narratif de raconter l’histoire à travers les yeux de son personnage principal souffrant de démence. C’est un procédé très fort qui déconcerte le spectateur et laisse entrevoir la confusion que vivent les victimes de ce type de maladie. Et mon Dieu quelle détresse dans cette dernière scène, j’étais pas prêt et j’en suis pas sorti indemne.