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Luca : critique du Pixar con parmigiano sur Disney+

Par Mathieu Jaborska
18 juin 2021
MAJ : 30 mai 2023
18 commentaires

Après le gros succès d’estime Soul, Pixar se retrouve une fois de plus directement sur Disney+ en France. Luca, blockbuster d’animation estival par excellence, ne s’invitera donc pas dans les multiplexes, déjà débordés par les superproductions post-pandémie, au grand dam des cinéphiles. La réalisation de Enrico Casarosa risque cependant de rencontrer un franc succès sur la plateforme, pour peu que son public aime la margarita, la pizza et les pasta, bref : les recettes simples, mais intemporelles.

Luca : Affiche

Le picard du Pixar

Après le bouleversant Toy Story 4 et l’excellent Les Indestructibles 2, avant la déferlante de séries destinées à satisfaire les ambitions démesurées de la plateforme de Mickey, Pixar laisse de côté ses franchises pour rester un tant soit peu fidèle à sa réputation de grand créateur. Le Soul sorti en décembre dernier et Luca semblent être les deux faces de cette même pièce, l’un délaissant presque son jeune public pour courir après le prestige des récompenses et la reconnaissance critique, l’autre épurant sa narration pour mieux s’adresser aux familles.

Contrairement à l’oeuvre complexe de Pete Docter et Kemp Powers, Luca n’entend pas pousser dans ses derniers retranchements le cadre conceptuel permis par l’animation grand public. Et on le comprend très, très vite. La formule se déroule dès les premières minutes sans grande surprise, si bien qu’à peine passé le premier acte, on devine déjà le climax émotionnel, franchement schématique, voire la quasi-intégralité des péripéties qui le précède.

 

photoUn trio pas très original

 

Structurellement, le film se calque si franchement sur le scénario type d’une production Pixar qu’il en devient parfois très mécanique, et peine même à donner à ses séquences plus oniriques une véritable identité. Rien n’échappe au canevas classique du film pour enfant, étalant lui-même très frontalement les poncifs des théories scénaristiques américaines. Animaux rigolos, personnages bourrus, mais gentils, parents inquiets, antagonistes ridicules et protagonistes rêveurs sont donc obligatoirement au rendez-vous, pour une aventure bien cramponnée à ses rails.

Bien sûr, au bout, il y a la traditionnelle métaphore sur l’acceptation des différences, l’autre marotte thématique du studio avec la mort. Le long-métrage assume encore une fois de l’exposer très littéralement, au point d’en faire son principal ressort scénaristique, et ce dès l’ouverture. On y décèlerait presque une volonté de désamorcer les cassages de tête métaphysiques de Soul et Vice Versa, de revenir à une certaine franchise débarrassée de ses détours narratifs ou esthétiques (la métamorphose des héros est instantanée) jusqu’à un dénouement déclamant, sans s’embarrasser de pincettes, la vraie nature des relations tissées.

 

photoI’m blue, da ba dee da ba daa

 

Voyage en Italie

Si cette tendance à la conformité ankylose quelque peu la fraicheur revendiquée du récit, force est de constater qu’elle traduit un retour à la simplicité qui plaira particulièrement aux marmots. Luca n’est rien de plus qu’une chronique estivale à hauteur d’enfant, qui distille un goût salé de vacances avec une redoutable efficacité.

L’intrigue joue d’une temporalité vague, mais resserrée, et d’un décor presque unique pour déployer son microcosme solaire. Afin d’accentuer encore la douceur qui émane de sa parenthèse enchantée, le réalisateur Enrico Casarosa, lui-même né à Gênes, peut compter sur l’habituelle puissance technique de la firme, ici tout entière dédiée à lisser les aspérités de ses personnages et de leurs environnements. La mise en scène, elle aussi, reste à l’image du scénario : académique quoique suffisamment sobre pour croquer l’insouciance d’un été sur la Riviera.

 

photoLa dolce vita

 

Car si les produits Pixar les plus convenus restent souvent très agréables, c’est en général grâce à l’univers qu’ils développent. Et Luca ne fait pas exception, puisque sa peinture d’une Italie intemporelle tout droit sortie de la plus croquignolesque des images d’Épinal est probablement ce qui le rend si attachant. Du doublage des personnages, pastichant la gestuelle et les tournures de phrase des Italiens sans jamais s’en moquer, au décor du village en lui-même, bien plus réussi que le monde marin, très générique, le dépaysement est garanti. La direction artistique à elle seule, toute en couleurs et en retenue, donne envie d’aller piquer une tête avec ces créatures marines bien insouciantes.

Là où Coco utilisait la culture mexicaine dans la conception de son propos, Luca accepte l’artificialité de son univers (bien qu’il s’inspire vaguement du folklore local) pour en faire un cadre irrésistible, dans lequel on se plait à suivre tranquillement une histoire vue des centaines de fois. De fait, le film sonne comme une parfaite définition des vacances : une bulle spatio-temporelle toute jolie et rayonnante dans laquelle on fait toujours la même chose sans trop s’en préoccuper, attendri par la bienveillance du paysage.

Luca est disponible sur Disney+ depuis le 18 juin en France

 

Affiche

Rédacteurs :
Résumé

Luca applique la formule Pixar à la lettre. Une impression de réchauffé qui sent quand même bon les vacances.

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Flo

Comme si ça avait été fait exprès, l’après « Soul » amène plus de fraîcheur, de modestie, moins d’angoisses existentielles…
Le réalisateur Enrico Casarosa était déjà responsable d’un joli court-métrage poétique, « La Luna ». Dont il garde l’esthétisme des personnages, entre modélisation faisant penser à des figurines de stop-motion, et look sorti tout droit d’un Miyazaki (moustaches !).
Évidemment la ville de Portorosso fait penser à « Porco Rosso »… Et les références italiennes de cartes postales ou de films très très connus (on a bien compris pour « La Strada », les Mastroianni père et fille, et autres enfants perdus du Néo Réalisme) vont de pair avec une ambiance ouvertement cartoonesque. Ce qui n’empêche pas son histoire de garder sa base personnelle, d’après les souvenirs d’enfance du metteur en scène.

La petite touche conceptuelle étant ces transformations ultra rapides dès que les personnages sont exposés plus de quelques secondes à l’élément marin ou aérien – ce qui amène justement à un tiraillement concret entre les deux.
Avec des instants honiriques digne d’un Petit Prince.
C’est ainsi que, sans tambours ni trompettes, sans en faire des caisses avec la description du monde sous-marin (mine de rien, ça fait un bien fou après ces sempiternelles grosses civilisations Disneyopixariennes)…
Sans trop appuyer sur le sous-texte dramatique, sur l’acceptation de la différence cachée – facile, l’un des hommes les plus fort et respecté du village est lui-même né avec une difformité (on peut y projeter d’ailleurs ce qu’on veut, « Call me by your name » inclus)…
Sans en faire trop non plus à propos de l’amitié exclusive et dominatrice, ainsi que sur les trahisons et l’émancipation…

On avait là un pur film d’Été, au format 1:85 (il était temps), une vraie carte postale Rétro 60’s et sentimentale, où même les clichés (la Vespa) ne sont que l’expression de l’ignorance de la part de visiteurs étrangers… qui n’en sont pas, puisque ces amphibiens (plus faciles à apprécier que dans « …Nemo et Dory ») ont des prénoms et des noms italiens. Ils sont moins « monstres » que certains.
Même le climax final, qui aurait pu aussi convoquer de l’action marine, garde cette modestie douceureuse.
Dommage que le grand écran ait été privé de ça, parce-que ce film a du charme (désuet) à revendre.

Arnaud (le vrai)

Ben tout pareil que chapeltok en fait, c’est un film archi convenu, on sait exactement ce qui va se passer et comment, y a rien qui sort des rails effectivement … mais quand même c’est super beau et touchant je sais pas comment expliquer

Alors oui ça sera pas un « blockbuster » de Pixar type Coco ou Ratatouille (mes préférés, j’ai pas aimé wall-e), ça sera plus un « petit » Pixar (Arlo, Cars 2, Monstre Académie). Mais il fait largement le taff !!!

Chapeltok

Alors oui, c’est un film convenu, on sait déjà comment ça va se finir, bref, le film est sur les rails des standards Disney, sans risque d’en sortir. Et pourtant, ce film m’a bien plus touché que Soul, que j’ai trouvé certes bien fait, mais terriblement prétentieux.

Mais bon, depuis Wall-E, qui avait placé la barre très haut, je suis devenu difficile en terme de Pixars !

Alxs

Belle surprise pour ma part, la DA est magnifique, l’histoire classique mais touchante et le rythme parfait. Finalement je préfère cette modestie aux derniers Pixar ne m’ont laissé aucun souvenirs malgré leurs ambitions – aucun depuis Wall-E en fait…

Muppet

Plus un Disney qu’un Pixar. Un film à réserver au plus jeunes 8-10 ans ou a regarder en famille.
Moi qui suit Pixar de puis son premier court métrage, la lampe, (Luxo Jr) je ne peux qu’être déçu de l’orientation actuelle du studio d’animation.
Quand on voit ce que Disney a fait de Lucas Entertainment, ou Miramax, on ne peut être que résigné et sans espoir pour les prochaines productions de Disney qui n’a pas de respect pour la création et l’originalité. Une entreprise uniquement dévouée au marketing
Triste fin.

Kyle Reese

J’ai bien apprécié ce Pixar d’une simplicité rafraichissante et bienvenue.
Me suis pas ennuyé une seule seconde grâce à l’originalité de l’histoire et des enjeux simples contrairement par ex à un film plus ambitieux comme Raya auquel je n’ai pas accroché. Le film est plein de charme et de poésie. Le design des persos très sympathiques, le rendu bien équilibré avec un réalisme bien dosé sans chercher à en faire une démonstration. La musique est à l’avenant. Les enfants vont adorer, les plus grands vont trouver ça très mignon avec un coté nostalgique. Mon perso préféré, évidement c’est le chat. Et il y a de jolie idées et messages dans le métrage. Bref, pas le plus grand des Pixar mais un bon Pixar qui tient ses promesse par rapport à la BA et qui réussit tout de même à se démarquer de la concurrence et de ses propres œuvres passées. Il y a un petit esprit Ghibli dans ce film. Le chat entre autre, et je verrais tout à fait cette histoire se dérouler dans un petit village du japon.

lepetitbreton

Sans aucune surprise, un gentil Disney qui coche toutes les cases pour être un sympathique divertissement qui plaira au plus grand nombre. On est cependant bien loin des ambitieuses productions qui ont fait la réputation de pixar et des histoires profondes et originales qui ont fait leur marque de fabrique.

Momo

A mon époque de Toy Story, chaque pixar était des tres bons films capable de parler aux enfants et au adulte (Toy Story Wall E) La en effet vu les rythmes de parutions ca fait un peu usine,d’un coté avec Disney a sa tete est ce étonnant ?

En plus même si c’est tres beau , j’ai l’impression de trjs voir la même chose , obeir au même tropes (en plus de les confondres avec les autres productions 3D disney) même bon si les gens trouve que c’est mignon tant mieux hein

Chris11

Entièrement d’accord avec T.
« pour enfants », mais c’est bien ça le problème, Pixar n’est pas historiquement un fournisseur de DA pour enfants. Pixar justement avait cette qualité incroyable de proposer des films qui s’adressent à tous, grâce à différentes couches de lecture et un excellent mélange de magie et de profondeur.
Les commentaires qui vont contre ce que dit T confirment paradoxalement exactement ce que lui et l’article disent : c’est pour enfant, c’est mignonnet, c’est calibré, préparé et calculé pour que ça marche, c’est un macdo cinématographique, là où Pixar proposait du gastronomique. Et il n’y a aucune honte à aimer, c’est juste que la diversité des oeuvres proposées au cinéma se réduit un peu plus à chaque fois, et que la qualité n’en ressort pas grandie. « divertissement », « sans prise de tête », « émotion », c’est pas comme si le cinéma était déjà bourré de ce genre de films et que ceux qui sont plus axés sur la réflexion et le dév de l’histoire et des personnages était en raréfaction…
Pour ma part, depuis Vice Versa et Les Indestructibles 2, j’attends toujours que Pixar me fasse tomber de ma chaise. Pas encore vu Luca mais ça semble prendre le même chemin que En avant et cie.

Steph2bordeaux

Oh les rabat-joie, c’est un très joli divertissement mélancolique, avec une belle atmosphère et un beau regard sur l’enfance. Les images sont magnifiques (comment fait Pixar pour avoir mille ans d’avance sur ses concurrents en terme de rendu ?), les personnages attachants et l’histoire dynamique. Rappelez-vous que c’est un dessin animé pour enfants. Pour une fois que l’émotion l’emporte sur la réflexion pour une belle histoire, savourons.