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Wendy : critique d’un Peter Pan qui fait clochette

Par Simon Riaux
23 juin 2021
MAJ : 20 novembre 2024
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Dix ans après Les Bêtes du sud sauvageBenh Zeitlin retrouve les mésaventures de l’enfance, en réinventant le mythe de Peter Pan à travers les yeux de Wendy. Un sujet qui lui tendait les bras, et s’accorde idéalement de son amour pour la marge, le contre-temps, et les lumières intérieures.

Affiche

UN FILM DU SUD SAUVAGE

« Il dit que le monde n’a pas de fin, qu’il va jusqu’à l’infini.” Ces quelques mots prononcés par la jeune Wendy alors qu’elle observe le petit garçon qui l’a convaincue de monter clandestinement à bord d’un train disent tout du nouveau film de Benh Zeitlin, de son éclatante ambition, comme de sa bouleversante réussite. On était sans nouvelles du metteur en scène depuis Les Bêtes du sud sauvage, présenté aux festivals de Cannes et de Sundance en 2012.

C’est avec un canevas voisin que nous le retrouvons, à la faveur d’un nouveau road trip enfantin, qu’il a cette fois co-écrit avec sa soeur Eliza Zeitlin, et mis en musique, toujours aux côtés de Dan Romer. Un attelage presque inchangé donc, qui fait joliment écho aux clans rigolards que Zeitlin filme. Et c’est ce qui touche en premier lieu. La parfaite adéquation entre son sujet, une mauvaise troupe embarquée pour un périple initiatique, et son dispositif. 

 

photoDes jeux de regards souvent fascinants

 

Ne cherchant jamais à forcer la composition de ses plans, préférant laisser advenir ses personnages et capturer, par touches fugaces, leurs émotions comme leurs gestes impulsifs, il compose une toile impressionniste, d’une étonnante vivacité. Tout comme dans son premier long-métrage, on sent l’influence évidente du cinéma de Terrence Malick, dont l’usage des voix-off n’est peut-être que le symptôme le plus évident, mais aussi le mieux digéré. Optant pour un tournage en 16mm, on sent combien l’auteur a travaillé l’importance des couleurs, des textures, de la granulosité d’une image qu’il veut faire correspondre aux âmes lumineuses de ses héros.

Ainsi, dès l’ouverture et la quasi-fugue au ralenti d’un bambin marchant à peine, le sentiment d’être plongé dans le flux d’affects et de pensées d’une enfant est prégnant. Parce que le montage brise souvent la linéarité des séquences, mais ne cherche pas à nous perdre, il parvient à générer un flux d’images, de mouvements, à la vertu hypnotique. Éminemment sensoriel, Wendy n’a pas choisi son titre au hasard. Tout en s’inspirant du Peter Pan de J.M. Barrie, il déplace sa focale sur le personnage féminin principal, celle qui accomplit  le voyage, pose un regard neuf sur l’univers qui se déploie devant elle. Un émerveillement continu qui fonde tous les principes actifs du film.

 

photoToujours le poing levé

 

AU BOUT DU CONTE

Conscient qu’adapter un conte revient à ne pas chasser l’ombre pour la proie, Benh Zeitlin ne cherche pas tant à reproduire les grands moments du texte originel, pas plus qu’il ne maquille son épopée en adaptation fidèle. Ce qu’il traque, c’est ce sentiment aventureux, le souffle puissant de la perspective de l’ailleurs. On l’écrivait plus haut, le cinéaste travaille constamment à éclater la narration conventionnelle, mais il ne perd néanmoins jamais le fil de son dispositif.

En effet, ce qu’il sacrifie au scénario, il le retrouve dans la matière organique de son récit, l’agencement délicat de ses pièces.

 

photoFilmé coulé

 

Il est par exemple fréquent de sentir la mélancolie ou la joie nous envahir quand surgit une note de musique qui, en répondant parfaitement à un plan du film, le remplit soudain tout à fait. Comme si la lumière jouait ici le rôle de conteuse avertie, on suit avec fascination, d’heure bleue en aube rougeoyante, son parcours iridescent sur les carnations. C’est ce qui permet au long-métrage, plutôt que singer l’oeuvre qu’il relit, de chercher à en extraire la substantifique moelle. Chronique d’un rêve qui refuse de s’achever, le roman trouve ici une de ses plus intelligentes réinventions, qui s’efforce et parvient presque à réenchanter un monde usé.

On regrettera simplement qu’en dépit d’innombrables trouvailles et moments graciles, Wendy soit limité par sa durée, qui étouffe par endroit le sentiment d’apesanteur qui préside à l’essentiel du film. Son dispositif un peu lâche narrativement s’accommode mal des errements de son milieu, quand l’intrigue semble bégayer, et nos personnages se répéter. On espère désormais retrouver la bande à Zeitlin avant une quasi-décennie, portés par un nouveau projet capable de permettre à leur talent d’irradier de nouveau.

 

Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Un peu trop longue pour son propre bien, cette épopée ne manque ni de panache ni de solaire beauté, et permettra aux amateurs d'aventures enfantines de s'envoler durablement.

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Tuk

Film magnifique !