PRESS START
“Alors, on y va ?” (So may we start ?) demande Leos Carax à la caméra lors de la première séquence d’Annette, face aux Sparks, duo qui a composé la musique du film, mais aussi écrit son scénario. Les premières notes de leur tragédie pop électrisent l’écran, jusqu’à en faire pulser l’image, en altérer la photographie, comme si musique et cinéma se rencontraient pour la première fois.
Un an après sa sélection avortée par une Croisette broyée par la Covid, le long-métrage met en scène son propre éveil et celui du cinéphile affamé, tandis que Carax transmet littéralement le récit à ses interprètes. So may we start ? Un peu, mon neveu.
Un jardin d’Eden… une pomme… où est le serpent ?
Sitôt cette pirouette méta, Annette nous embarque pour un ride poétique et funèbre qui ne fonctionnera plus qu’à l’emballement exponentiel, jusqu’à son épilogue ravageur. On suit Henry et Ann, humoriste amer et cantatrice incandescente, amoureux transis, mais égoïstes, voués à s’entredéchirer ou s’entredévorer. C’est donc la fable d’un anti-amour, ou d’un amour raté, lequel métamorphosera une enfant en véritable marionnette, jusqu’à ce que l’explosion des ressentiments et l’impossibilité du pardon balaient tous les protagonistes.
De ce programme qui prend les attendus de la comédie romantique comme de la comédie musicale à rebrousse-poil, les Sparks tirent une partition également retorse. Les morceaux privilégient les voix enregistrées à même le plateau, ne suivent presque jamais les rythmiques traditionnelles, ou les stéréotypes du genre, pour s’aventurer vers des dialogues dissonants, de brèves mélopées, des échos incertains, ou les interventions imprévisibles d’un chœur antique faussement trivial. Autant de contrepieds, évoquant parfois un Demy sous acides, qui rapprochent le métrage d’une opérette ténébreuse, bien plus que de la comédie musicale.
Inutile de chercher Fred Astaire
LA LA LAND OF THE DEAD
Et de ténèbres, il sera question dans Annette. Ce n’est pas pour rien que Leos Carax, plus encore qu’à son habitude, va puiser dans son passé de cinéphile pour illustrer la passion monstrueuse qui (dés)unit son couple de héros. S’il nous immerge dans un kaléidoscope qui s’étend de King Vidor (remercié au générique) à Jean Cocteau, sans oublier F.W. Murnau, ce n’est pas seulement par cinéphilie, mais également parce que l’auteur entend puiser dans l’enfance du 7e Art.
L’enfance, sinon, l’innocence, puisqu’il est ici question de chroniquer la spirale d’erreurs et de médiocrité dans laquelle s’embourbent des êtres calcinés par leurs propres égoïsmes, en essayant précisément de donner chair à la pureté, l’inconséquence de leurs passions tristes. Malgré des références plastiques envahissantes, et une quantité de dispositifs (superpositions, décors projetés, marionnettes, changements d’angles ou de focales au cours d’une même scène, arrêt sur images, expérimentations numériques…), les deux comédiens principaux impressionnent autant d’authenticité que de précision.
Une des plus folles intros de ces dernières années
La performance attendue d’eux avait pourtant tout du champ de mines puisqu’ils se frottent à des caractères tous minés par leurs conceptions viciées de l’art et de l’amour, qui ne sont pas sans évoquer le cinéaste lui-même.
En effet, à mesure que l’intrigue laisse la part belle au chaos et que Marion Cotillard, entre spectre et icône, s’efface, Adam Driver, lui, se métamorphose en double de Carax. L’exercice d’introspection mâtiné d’auto-fiction pourrait virer au délire narcissique embarrassant, mais la soif de cinoche qui habite l’ensemble l’en protège.
FILMEDIE MUSICALE
Car c’est bien cela finalement qui constitue le cœur et l’ébouriffante réussite d’Annette. Le désir chevillé à la caméra de parvenir à tout transformer en pure émotion de pellicule, de la matière éruptive canalisée par la photographie de Caroline Champetier, des couleurs transfigurées en névroses, ou de ce climax qui nous laisse l’âme lardée de plaies et le cœur desséché, tout ici embrase l’écran et invite à un sublime cauchemar.
Sublime, mais radical, tant le film ne nous épargne rien d’une descente aux enfers qui se montre psychologiquement imparable et symboliquement impressionnante. Et quand Henry, croyant encore à une possible rédemption pense adresser un ultime chant à celle qu’il aime, on a soudain le sentiment que l’oeuvre s’adresse tout entière au cinéma, comme on prie un Dieu païen et vengeur.
Toujours habitée par la certitude que l’art n’est finalement là que pour nous servir de déclencheur, de rampe de lancement, la création de Carax ne cesse de changer de forme et de rythme. Capable de générer simultanément rire, révérence et horreur, elle se révèle toujours plus que la somme de ses parties.
Que Henry approche d’Ann en singeant Nosferatu le vampire, ou que sa compagne s’enfonce dans des eaux glacées qu’on jurerait imaginées par Jean Cocteau, jamais le spectateur n’assiste à la visite polie d’une collection d’hommages, mais bien plutôt à la juxtaposition d’éléments dont l’articulation génère quelque chose de neuf. Et de jamais vu.
Tout est laid ou presque dans Annette. L’intro est cool et puis après… la cata.
Premier monologue du cabotin Adam Driver et on est déjà en fou rire gêné.
Tristesse.
Je suis la filmo de carax depuis ses débuts , mon préféré reste Pola x , film injustement massacre par le poids de cannes et la critique de l’époque.
Anette: je suis passé complètement à côté, je l’ai vu en salle, revue en blu ray, j y arrive pas . J aurai préféré en film plus classique, le côté comédie musicale me laisse de marbre.
En sortant du West Side Story de Spielberg je pensais que j’avais définitivement passé l’âge de la comédie musicale. On m’a dit « ne renonce pas avant d’avoir vu Annette ». Je l’ai vu. La claque totale. Ce n’est pas moi qui ai passé l’âge, c’est papy Spielberg qui est périmé sur ce coup là !
Dans Annette il y a une telle intensité, une telle modernité, une telle inventivité, une telle force dans l’émotion, tellement de cinéma… Et une musique puissante, imprévue, imparable qui porte tout ça. J’ai été renversé, et bouleversé comme rarement.
Comme dirait Victor Hugo : « Une montagne, c’est à prendre ou à laisser. » Je ne peux qu’être désolé pour ceux qui sont restés en bas. Le vrai cinoche se fait rare, mais quand il est là, il faut accepter de se le prendre dans la gueule.
Le film est clivant à cause de la propension de Carax a en rajouté dans la noirceur. Il nous emmerde un peu avec son mal-être de petit bourgeois. Comme dans tout Carax il y a des fulgurances, mais aussi des scènes trop longues comme celle du stand-up. Visuellement c’est très beau, ça nous change de la mocheté habituelle du cinéma dit d’auteur français. Quant à la partie musicale… bof je ne suis pas fan des Sparks.
Superbe film je regrette de ne pas l’avoir vu au ciné, c’est d’une beauté. On en prend plein les yeux, c’est vraiment formidable. Beaucoup de surimpression en effet, au tout début on voit une caisse de batterie avec une image sur-imprimée qui clignote sur le rythme, très ingénieux. Et puis la route, la mer déchaînée, les salles de spectacle combles,..
Les chansons sont plutôt bonnes, ça m’a fait penser au film The Wall, c’est très proche : une comédie musicale qui raconte une fable un peu barrée mais profonde. Carax réussit parfaitement à ingérer, dans le format cinématographique, les agréments du stand up ou de l’opéra, et le tout prend délicieusement. Les scènes où Driver fait ses shows sont vraiment drôles.
De l’avantage de la captivité d’une salle de cinéma… J’ai cru arrêter deux fois (mon dieu « We love eachother so much », « welcome to the world Annette », quelle gêne…). Là où je ne vous rejoins pas c’est que la partition tombe trop vite dans les clichés du genre, et c’est le malaise…Et définitivement je trouve dans ces cas la comédie musicale une hérésie artistique : la musique ne devrait pas s’accommoder de la captivité du cinéma, qui ne devrait pas s’intéresser aux limites de la musique (la superficialité du texte du coup… ). Mais grand bien m’a fait de m’accrocher. Je vous rejoins sur tout le reste. Quelle richesse. Et cette conclusion. Cette PUT** de conclusion. Elle mérite tous les efforts.
Film puissant tout en subtilité…
Renversant ..
Je vais le revoir très vite
…
J’ai été enthousiasmée et subjuguée par ce film, mais je comprends tout à fait qu’il puisse déplaire. Le film clivant par excellence, qu’on hésite à recommander à ses amis, de crainte de se faire pourrir le lendemain ! Quant à moi, j’y retourne !
C’est un hommage aux Rois du Gag de Claude Zidi : Le Grand Wellson et son tournage foutriquet de l’Apocalypse. Adam Driver a un gros quelque chose de Thierry Lhermitte, la fantaisie en moins.
Bravo pou r critiques, peut-être le plus beau Carax, et l’, acteur royal, déconseillé aux croûtons inconditionnels de Rohmer et Baboudjian (pas sûr, du nom exact du 2ème, le cinéaste marseillais mais vous devez savoir de qui je parle ! Vive Léos et les Sparks,!!