L’ÉTERNEL RETOUR
Pourquoi avoir attendu si longtemps, et tenu contre vents et marée à faire bénéficier le film de la vitrine Cannoise ? Peut-être parce que privé du vernis de la compétition officielle, le dernier effort de Paul Verhoeven aurait eu bien du mal à dissimuler le naufrage de son auteur. Un constat d’autant plus amer que ce récit de contestation, de manipulation et d’émancipation sexuelle avait des airs de brûlante synthèse des thématiques, motifs et obsessions qui ont traversé sa carrière.
La Chair et le sang subvertissait déjà les représentations médiévales pour narrer une prise de pouvoir charnelle et sexuée. RoboCop était en soi une figure christique se rebellant contre le catéchisme de ses créateurs. Total Recall interrogeait perpétuellement la foi du spectateur comme de ses personnages, sommés de décider ce qui méritait ou non d’être cru. Black Book ainsi que Showgirls embrassaient les destinées de femmes se heurtant au pouvoir du sexe et au sexe du pouvoir.
Par conséquent, la fronde mystico-politique d’une religieuse lesbienne bien décidée à prendre le pouvoir sur ses consoeurs et les mâles alentours apparaissait comme une sorte de fusion parfaite du monde selon Verhoeven, qui ne manquerait évidemment pas d’injecter dans ce fastueux programme son approche machiavélienne de la vulgarité, dont il a toujours fait un instrument de pouvoir, sinon sa nature véritable. Au final, il ne reste malheureusement plus grand-chose de ces ingrédients.
C’EST LA FETE A MON CURÉ
Le style du metteur en scène ne s’est pas tant affuté qu’asséché. Difficile de trouver dans son découpage la plus petite trace du style brut et véloce qui fut le sien, la mise en scène optant le plus souvent pour des plans moyens vaguement tremblotés, bien incapables de faire ressortir le trouble que revendiquent les protagonistes. Et quand les couleurs s’égaient un peu, c’est pour nous servir un réchauffé embarrassant des grandes heures de Mario Bava, bavé à grands coups d’étalonnage scabreux.
Cette mise en scène dévitalisée pousse souvent le métrage dans les confins du ridicule, quand apparaît ici un Christ réchappé d’un mauvais porno, ici une repompe misérable des Diables ou d’Au-delà du réel de Ken Russell. Non seulement l’oeil de l’artiste paraît émoussé, mais il ne parvient pas non plus à masquer les limites de son budget, si bien que la direction artistique lorgne plus du côté du Puy du Fion que de l’Italie florentine.
Dès lors, difficile de ne pas noter tous les bégaiements qui empêchent le dispositif de fonctionner. Qu’il s’agisse de dialogues à la construction parfois absconse (le galimatias mystique du Christ en est un terrible exemple) ou d’authentiques problèmes de direction d’acteurs. Ces derniers ne fonctionnent jamais comme un tout cohérent, les uns usant d’un tempo résolument moderne, voire anachronique, d’autres demeurant enkystés dans les stéréotypes du film en costume, au détriment de toute cohérence, ainsi qu’en témoigne la stupéfiante intro de l’ensemble, digne d’un pastiche des Robins des Bois.
Il est l’heure de sonner les cloches
FOIE DE VEAU
S’il y a bien un domaine où on attendait Verhoeven, c’était celui de la représentation de la sexualité, systématique terrain d’affrontement chez le réalisateur, expression incarnée des enjeux de ses personnages. Malheureusement on ne trouvera ici ni trouble, ni audace, pas même de l’érotisme, mais l’étalage d’une galerie de fantasmes bas de plafond, platement filmés et mis en lumière. Un peu comme si un vieil oncle priapique s’était finalement décidé à filmer ses vacances au Cap d’Agde, entre deux parties de bridge.
Dans cette galère, la pauvre Virginie Efira fait tout ce qu’elle peut, à savoir nous offrir un numéro du Miel et les Abeilles agrémenté d’une solide ration de pain de fesses et d’une belle imitation de L’Exorciste. Est-ce à dire que le réalisateur souhaitait désacraliser jusqu’aux attentes de ses spectateurs, et tourner en dérision le genre même de films dans lequel il s’inscrit ?
Peut-être, mais ce faisant, il manque tant de doigté qu’il rate totalement sa cible. Cible d’autant plus floue qu’à une facture technique indigne de Max Pécas s’ajoutent quelques répliques humoristiques très bien troussées, qui accentuent encore l’impression de suicide artistique qui traverse Benedetta. Entre les gags involontaires et les duels de punchlines menés par Charlotte Rampling et Lambert Wilson, le ridicule s’abat sur plus souvent qu’à son tour.
HOSTILE HOSTIE
Le plus rageant n’est pas tant de découvrir le premier film authentiquement raté de Paul Verhoeven, mais plutôt de constater combien une poignée d’idées, de séquences ou de dialogues laissent entrevoir un autre film, plus puissant et complexe. À ce titre, il est particulièrement éclairant que Benedetta soit encore commenté à l’aune de sa supposée provocation religieuse, quand cette dimension est absente du film.
En effet, il est donné pour acquis au spectateur dès les premières minutes qu’aucun religieux ne croit et que chacun est là pour assurer une position sociale, affirmer une ambition de pouvoir, faisant de facto du récit non plus une charge anticléricale, mais bien une allégorie du fait politique et de notre rapport à la foi, et surtout à la foi dans le spectacle. Le metteur en scène, passionné par la figure du Christ (à laquelle il a d’ailleurs consacré un ouvrage de quelques six-cent pages) voudrait nous interroger sur notre rapport grotesque à la croyance.
Car, avec ses miracles montés en épingle ou contestés, le long-métrage pose ces enjeux au premier plan (sur le papier). En parallèle, il voudrait trop rarement gratter le vernis culturel européen pour interroger ses ruines ou symboles féminins, retrouver leur puissance païenne. Mais tout cela demeure trop pauvrement exécuté, malgré les remarquables performances de Wilson et Rampling. Eux seuls s’avèrent en mesure d’électrifier le récit, auquel ils offrent dans ses ultimes minutes quelques belles performances. Autant de réussites anecdotiques mais bien réelles, qui témoignent de ce que faillit accomplir Paul Verhoeven.
je ne sais si ce Simon est à l’ origine et qu’il a écrit tout seul comme un grand , cette critique , mais le pauvre , il ne doit pas connaître Paul Verhoeven !!!!!!! c’ est du Verhoeven point final !! un bon film avec une excellente virginie Effira , qu’il s’ essaie plutôt aux commentaires animaliers ou sportifs , mais pour le cinéma c’ est cuit pour lui , quand t’ es mauvais , t’ es mauvais !!!!!!!!!!!!!
Ce n’est pas du grand Vehroeven mais c’est tout de même un bon film, qui aurait sans doute fait plus d’effet 20 ou 30 ans en arrière.
@Kiwi
Triste monde, que celui où pour légitimer sa glaire fielleuse, le lecteur ne peut plus appréhender une exercice critique que par l’angle d’une note, incapable de fonctionner autrement que par comparaison, ne mettant jamais rien en perspective, à fortiori quand il n’a pas vu les oeuvres en question.
Désolant monde, quand le lecteur en question n’est pas même capable de lire un nombre réduit d’étoiles pour étayer son propos.
Triste, désolant, mais franchement rigolo, quand le dit lecteur ignore qu’il se balade sur un site quotidiennement accusé de vouloir se payer le cinéma super-héroïque.
Mettre deux étoiles à Benedetta et à côté de cela encenser des films comme the batman, shang-shi et autres bouses Marvel ou DC c’est vraiment le signe de la déchéance du cinéma et de ses critiques. Aujourd’hui aucun film ne peut obtenir les bonnes grâces du public tout comme de la critique si il n’y a pas de teenager prépubaires en colants dotés des superpouvoirs CGI dont la réalisation est aussi abominable que le scénario. Triste monde….
On dirait un téléfilm France télé , ce fut la déception
Que les Verhoevenolâtres se rassurent : ce machin grotesque et risible sera réhabilité dans 20 ans, tout comme cet autre machin grotesque et risible intitulé Showgirls l’a été.
La critique adore se trouver des films maudits à sauver, et à ce petit jeu même les pires étrons ont leur chance, surtout s’ils sont signés par des « auteurs ».
Si la bande-annonce m’avait d’abord donné l’impression d’un film fauché, j’ai quand même été le voir au cinéma à l’époque, et j’ai franchement apprécié le film. Cet effet cheap est à mon avis voulu par le réalisateur, Effira est comme à chaque fois exceptionnelle, et le film se suit avec beaucoup d’intérêt.
C’est simple, sur les 26 films que j’ai vus en salles l’année dernière entre Mai et Décembre, c’est mon 4è préféré.
mon film preferé dans le genre religieux -sexuel/claustro c’est Black Narcissus de Powel et Pressburger, un mega film en technocolor de 47, je crois que c’est le plus beau film en technicolor jamais filmé, çà m’étonne pas que Scorcese loue ce gernre de Cinéastes, curieusement oubliés voire inconnus du grand public
J’ai arrêté au bout d’une heure (je vais reprendre ce week-end).
Ce film me rappelle les bon vieux « bis » ritals de la fin des années 70.
C’est complètement foutraque, par moment à la limite du grotesque, mais j’ai envie de voir comment ça se termine et puis je me lasse pas du physique alléchant de Effira.
Un film sur la Laitière…de mieux en mieux.