Films

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire – critique qui Bond mou

Par Alexandre Janowiak
11 septembre 2022
MAJ : 6 avril 2023
68 commentaires

Douze ans après son dernier périple au Brésil dans OSS 117 : Rio ne répond plusl’espion français le plus sexiste de nos écrans est de retour dans une nouvelle aventure. Si Jean Dujardin revient tout comme le scénariste Jean-François Halin, le cinéaste Michel Hazanavicius a laissé les commandes à Nicolas Bedos. Un changement aussi prometteur qu’inquiétant. Alors ça vaut quoi ?

Affiche

bons baisers d’afrique

Dès les premiers instants de son film, Nicolas Bedos marque les bases avec une scène d’action d’ouverture pleinement bondienne où OSS 117 parvient à s’échapper du joug de ses tortionnaires à coups de poing, de course effrénée et de saut en hélicoptère. L’intention semble donc claire, non pas de faire un James Bond spectaculaire comme les récents films de Daniel Craig, mais bien d’embrasser avec un certain amour et une certaine idée du pastiche les aventures de l’espion 007 dans les années 80, donc son sexisme et racisme également.

En résulte le générique qui suit la scène en question, hommage parodique à la marque de fabrique des films de l’agent britannique qui viendra à la fois rire de son modèle, l’admirer et placer quelques indices ludiques sur le récit attendant le spectateur. Un changement de ton plutôt prometteur après les références plus hitchcockiennes de OSS 117 : Le Caire, nid d’espions et OSS 117 : Rio ne répond plus (très belmondiennes pour celui-ci par ailleurs) qui semblait donc la porte d’entrée à un nouveau type d’OSS.

 

 

Et forcément, c’est rapidement le cas. En se déroulant en 1981, à l’aune de l’arrivée de François Mitterrand à la tête de la présidence française, le désormais Giscardien Hubert Bonisseur de la Bath est un peu en bout de course. Et après une entrée d’un sexisme caractéristique du personnage (claquant le cul de trois de ses collaboratrices sans leur consentement avant de lâcher un petit « Me Too », comme un clin d’oeil anachronique) dans les bureaux de la SDECE, OSS 117 se fait finalement recadrer au fur et à mesure de l’avancée du récit.

D’abord rétrograder chez les geeks de la SDECE, car remplacé par plus jeune et fringant que lui, l’emblème misogyne, raciste et homophobe de ses dernières années est présenté comme un has-been. Un choix audacieux de la part de Bedos et Jean-François Halin (déjà scénariste des deux opus précédents) pour mieux remettre le style OSS au coeur des débats actuels.

 

Photo Jean DujardinUne posture qu’on ne connaît que trop bien

 

UN HOMME PLUS À La hauteur

Ainsi, durant sa première heure, Hubert Bonisseur de la Bath, devenu ici Emile Cousin pour sa nouvelle couverture, est en perdition : sa virilité est mise à l’épreuve (il est incapable de bander), sa forme physique se dissipe (il a pris un sacré coup de vieux et n’est plus aussi athlétique qu’avant) et surtout sa manière d’agir avec les femmes, les noirs… est totalement remise en question. Même s’il tente tant bien que mal de changer (à l’image de son arrivée à l’hôtel africain et ses remarques racistes malgré elles sur le bagagiste), il en est incapable et se fait surtout voler la vedette par son acolyte OSS 1001.

Incarné par Pierre Niney, OSS 1001 est l’opposé même de OSS 117 : moderne, bien sous tout rapport, vif, attirant et respectueux avec les femmes. Bref, il coche toutes les cases du monde « politiquement correct » de 2021 (tel que l’imagine Bedos), largement contesté par la figure polémique de Hubert Bonisseur de la Bath. On croit même, à un moment, que le personnage de Niney prendra la relève dans de possibles futurs opus. Sauf que c’est évidemment le grand questionnement de Bedos à travers ce OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire : le monde veut-il vraiment voir OSS 117 devenir un OSS 1001 ?

 

Photo Pierre NineyLa relève qui ringardise Hubert

 

Et sa réponse sera claire, nette et précise : il en est hors de question. Par conséquent, s’il présente d’abord au grand jour la beauferie et la ringardise de OSS 117 pour mieux ancrer son histoire dans la bien-pensance dite de ce monde refusant l’esprit séditieux et provocateur du personnage, Nicolas Bedos va finalement tout envoyer balader. Dans un geste assez drôle (même si peu surprenant) et après une grosse moitié, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire rebascule donc dans ce qui faisait l’identité du personnage.

Sans détour, Nicolas Bedos assène aux spectateurs que, même par les temps qui courent, le politiquement incorrect a toute sa place au cinéma et pour encore longtemps. Quoi que chacun pense, le cinéaste n’en a rien à faire et laissera donc son personnage continuer ses frasques réactionnaires sans le juger à travers d’autres personnages. Et l’idée était bonne ! C’était un moyen malin de relancer la machine du politiquement incorrect en faisant un pied de nez à ceux qui s’en offusquent, tout en restant clairvoyant sur la situation. Malheureusement, c’est un échec gênant.

 

Photo Jean DujardinOSS 117 en pleine discussion diplomatique

 

AAAAH LA BELLE ÉPOQUE

Car il y a un véritable problème dans ce troisième opus de OSS 117 : la gestion de ce politiquement incorrect. Si les films de Michel Hazanavicius l’étaient pleinement, ils ne glorifiaient jamais le personnage de Hubert Bonisseur de la Bath pour autant. Au contraire, dans sa manière de dépeindre les vannes racistes et sexistes de l’espion français, on sentait que le réalisateur de The Artist avait totalement conscience de l’absurdité du personnage même. De fait, il portait un regard lucide sur OSS 117 et ne l’admirait jamais vraiment.

C’est tout l’opposé de Nicolas Bedos qui finit par donner raison, in fine, à son protagoniste (ce que ne faisaient jamais les deux précédents opus, qui le ridiculisaient). Ici, le politiquement incorrect existe donc dans un seul but : provoquer. L’humour du métrage en est forcément victime.

Exception faite de quelques idées drôles (un Tintin au Congo, un marteau et une faucille, un réveil improbable en charmeur de cobra, une joute en allemand face à un lion, un dialogue Micheline-Emile…), l’ensemble est passablement pénible, rarement amusant et souvent gênant : la grande majorité des blagues voulues irrévérencieuses parvenant à peine à esquisser un sourire.

 

Photo Jean DujardinVoyez le niveau

 

Quelle tristesse par ailleurs de voir Nicolas Bedos proposer aussi peu de choses visuellement. Après le joli Monsieur & Madame Adelman et surtout le romanesque et bluffant La Belle Epoque, le jeune cinéaste semble éteint. Sans doute aveuglé par sa détermination à clouer le bec des chantres de la bienséance, il n’offre aucun souffle épique à son aventure. Une aventure en elle-même d’une faiblesse ahurissante.

Au-delà même du projet raté de Bedos sur l’idée du politiquement (in)correct, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire souffre surtout de son très mauvais scénario. C’est bien simple, la mission en Afrique de OSS 117 est un amoncellement de vide. Jamais Nicolas Bedos ne semble s’y intéresser et forcément, le spectateur ne rentre jamais dedans.

 

Photo Jean Dujardin« Oui, autorisation d’écraser EL avec ma R12 Gordini demandée »

 

Les enjeux sont inexistants (pauvre Fatou N’Diaye), la construction du récit remémore trop le spectre des anciennes aventures (encore une piscine, des espions à ses trousses, une discussion avec un chef d’État qui tourne mal…) et le tout est inévitablement parasité par les vraies raisons de l’existence du film (on en parlait plus haut). Et les rares bonnes idées du récit, comme l’homosexualité refoulée d’OSS (déjà évoquée en filigrane dans Le Caire nid d’espions), n’ont jamais le droit à un traitement digne de ce nom.

Le grand final étonnera sûrement plus d’un spectateur tant il est rushé à la vitesse de la lumière alors même que la mission semblait tout juste commencer à l’écran. Reste à savoir si les suites teasées dans les derniers instants sauront corriger le tir. On ne va pas se mentir, ça n’est pas gagné.

 

Affiche

Rédacteurs :
Résumé

Moins vif, moins drôle, moins inventif... OSS 117 : Alerte rouge en Afrique est inférieur en tout point aux précédents opus, les surpassant dans un seul domaine : le malaise ; Nicolas Bedos ne réussissant jamais à gérer le politiquement incorrect de l'espion avec malice et lucidité.

Autres avis
  • Simon Riaux

    Visuellement splendide et tout à la gloire de l'abattage spectaculaire de Dujardin, Natacha Lindinger et Pierre Niney, le film divertit, malgré un récit trop mécanique et un humour parfois trop écrit, voire timoré.

Tout savoir sur OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
Vous aimerez aussi
Commentaires
68 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
OSS

Tiens un cameo des personnages d Au service de la France

Blobby

Enfin vu en vidéo… Le « enfin » devenant double, avant de glisser le DVD dans le lecteur (« enfin ! »), et à la fin du film (« enfin… »).
Un film lent, long, sans rythme, où même les acteurs ont un peu l’air de s’ennuyer, sans trop savoir à quelle histoire ils participent.
Alors que les deux premiers films arrivaient à se moquer (gentiment) du héros, en particulier de son racisme, ce troisième volet n’adopte pas le même regard critique, et du coup, lâche ça et là quelques relents de racisme… Un comble !

Laurent ASH

Messieurs vous n’avez aucun gout pour la dérision, c’est ce qui differencie les grands critiques des critiques médiocres.
Ce film est drole, hyper bien realisé, politiquement totalement incorrect, et alors ?
Si vous voulez voir un film sur l’afrique politiquement correct je vous recommande de visionner des documentaires de la Croix Rouge plutot que ce film de Bedos.
Moi je l’ai trouvé Génial, meme humour que le père et c’est une qualité.

greg67

Il n’y a plus l’humour absurde des premiers mais ça reste une comédie de bonne qualité. Un film agréable à regarder.

Flash

Pas mal du tout, c’est vraiment dans le haut du panier des comédies Françaises (c’est pas compliqué).
Dujardin est vraiment parfait dans le rôle de ce débile profond.
Par contre, je pensais que ça irait encore plus loin dans le politiquement incorrect.

X-or

Je m’attendais à pas grand chose.
Mais au moins sourire.
Même pas.
La gênance ce film……..

Kyle Reese

J’ai regardé le film pour rigoler un bon coup, et bien c’est loupé.
Je suis en grande parti d’accord avec la critique. C’est assez lourd, le scénario est paresseux au possible, et il n’y a aucun rythme. Il y a pourtant quelques situations cocasses, du budget dans les décors et la photo (par contre le rajout de ‘flare » à la JJ Arbams au début pitié …) , Du Jardin fait du Du Jardin mais ça ne va pas très loin dans les gags, juste amusant et encore. Par contre j’ai été impressionné par la transformation de Pierre Niney et ce rôle comique lui va bien.
Le duo fonctionne ce qui sauve un peu le film. D’ailleurs dés que Niney disparait j’ai du accélérer un peu. Au final le film ne nulle part et s’oublie quasi aussitôt. Et concernant sa critique du politiquement correct de notre époque je ne sais quoi, bah c’est raté, je ne comprend pas ce que Bedos à voulu faire, pas sur qu’il le sache lui -même.
Tient je vais me refaire un petit coup d’ Ace Ventura en Afrique pour un peu plus de burlesque décomplexé !

yo

hazanavicius point, là le film est lourd, mal adapté, tout est prétexte à l humiliation, aucun humour, les acteurs ont à l impréssion de mal aise, non, pas sympathique le film du tout,
ou ets ce bon vieux bill, ces nazis crétins, ces poules qui volent, son huile pour massage, dommage

Onc'Dan

Très déçu par ce nouvel épisode, d’autant plus que les deux premiers furent de véritables réussites.
Je n’ai pas souri une seule fois en près de deux heures, et la dernière demi-heure où il a fallu supporter les leçons de morale de Nicolas Bedos fut particulièrement pénible.
Tout est mauvais, y compris les prises de vue et même la musique, voire le casting. Jean Dujardin est un grand acteur, mais quand il est mal dirigé, il devient ordinaire.
Nicolas Bedos est moins que médiocre, mais c’est le fils de…

Alexxv

Que c’est raté … Bedos part dans ses délires, souvent sans finesse. Il manque presque tout ce qui a fait le charme des précédents opus. La real, l’humour bien dosé … on voit Bedos derrière chaque vanne, il va même jusqu’à s’autoriser un cameo dans son propre film.