Films

Old : critique anti-Vacs

Par Simon Riaux
13 juillet 2022
MAJ : 4 septembre 2023
45 commentaires

Old est ce soir à 21h10 sur Canal+.

Des vacances de rêves, une plage enclavée et réservée aux plus curieux. Ce serait le paradis, si ce n’était un film de M. Night Shyamalan, dont les personnages réalisent soudain que le temps s’est détraqué, et qu’ils vieillissent désormais trop vite pour espérer rejoindre leur hôtel. Old, avec Gael García Bernal, Vicky Krieps et Rufus Sewell, est-il déjà vieux, ou la fontaine de jouvence d’un réalisateur pour le moins inégal ?

Affiche française

RÂTEAU DE SABLE 

En 2011, la bande-dessinée Château de Sable, imaginée par Pierre-Oscar Levy et Frederik Peeters, déferlait sur les Utopiales de Nantes, raflant le prix du meilleur album. Les deux auteurs y narraient un conte surréaliste et dépressif où deux familles se retrouvaient balayées par un piège surnaturel, existentiel, d’une cruauté toute poétique. Sur le papier, ce récit glaçant avait tout pour séduire M. Night Shyamalan. 

Et pour cause, il met en scène un dérèglement du monde affectant un petit groupe de personnages, autour du concept de temporalité (et donc de finitude, voire de corruption, du vivant). Autant de motifs qu’on a retrouvés plusieurs fois dans la carrière du cinéaste, et sous diverses formes. L’illusion du Village, l’hostilité ontologique de la nature dans Phénomènes, l’interrogation temporelle dans After Earth, et bien sûr la peur panique de la décrépitude dans The Visit. Bref, celui qui connut la gloire avec Sixième Sens puis Incassable tourne autour d’idées voisines depuis un bon bout de temps. 

 

photo, Rufus SewellLa carrière de Rufus Sewell

 

Malheureusement, M. Night Shyamalan tourne aussi autour du pot à confiture de la paresse filmique, où il s’est abandonné plus d’une fois, quitte à achever sa digestion visuelle sur le trône du navet purulent. Et le colombin que voici est un de ses plus remarquablement faisandés. En l’état, on n’a peut-être jamais vu le réalisateur se désintéresser aussi manifestement à ce qu’il raconte, le filmant à peine, comme s’il préférait saborder son matériau de base plutôt que raconter une authentique fable horrifique. 

 

photo, Gael García Bernal« Appelez-moi le maquilleur ! »

 

LA CROISIENNE ÉCLUSE  

C’est bien simple, jamais sa caméra ne paraît se soucier véritablement de comment filmer ce quasi-huis-clos. Les rares plans sortant du tout-venant sont de vagues resucées des précédents efforts de Shyamalan, agités ici par un montage pataud. On le devine motivé par la nécessité de garder le spectateur éveillé, jamais de traduire un quelconque malaise ou de tenir la narration. Entre de longs plans verbeux et quelques effets de décadrages attendus (ou jouant les cache-misères dès que surgit une pointe de violence), la pauvreté de l’ensemble saute aux yeux. 

 

Old : photo« Regardez, le concept génial disparaît au loin. »

 

La photo fait preuve d’une similaire médiocrité, le travail de Mike Gioulakis, pourtant à l’œuvre sur It Follows, Under the Silver Lake ou encore Us, paraît curieusement timoré, pour ne pas dire atone. Jamais un plan ne vient égayer ou stimuler le regard du spectateur, qui ne peut plus dès lors que subir son reflet dans les yeux torves de Gael García Bernal, Vicky Krieps ou encore Rufus Sewell, tous aussi investis qu’un animateur de Club Med un lendemain d’insolation. On ne pourra néanmoins leur en tenir rigueur, le scénario et les dialogues leur donnant bien peu à jouer. 

Nos protagonistes font donc face pour les uns à la flétrissure de la vieillesse, et pour les autres à la phénoménale montée de sève de l’adolescence puis de l’âge adulte. Autant de pulsions qui se contredisent, maximisent violence et conflits au sein du groupe… à condition d’oser franchement les traiter. Or, les conséquences de corps pourrissant sur pied, comme d’hormones déferlant sauvagement entre des individus encore enfants quelques minutes plus tôt sont drastiquement incompatibles avec un film de studio classifié PG-13. 

 

Photo Vicky Krieps, Thomasin McKenzie, Gael García Bernal« Vu la vitesse où on vieillit, ce sera bientôt fini »

 

PAS SOUS LE SOLEIL DE SATAN 

Entre une grossesse accélérée, un paquet d’hémorragies surprises, des pathologies osseuses au développement plus rapide qu’une saillie de cycliste chargé comme un mulet, l’intrigue regorge d’abominations, perversions et autres potentielles saynètes anxiogènes. Mais Shyamalan ne les affronte jamais frontalement, et réserve ses horreurs au hors-champ, quand il ne les mène pas si rapidement vers leur conclusion qu’il interdit à l’angoisse de naître. Ses rares incartades du côté de l’horreur graphique, ou de ce qui s’en approche, sont si effroyablement timides qu’elles provoquent l’agacement.

 

photo, Alex WolffPris en otages par le film

 

Se désintéressant franchement de l’ensemble, il nous étouffe de poncifs émoussés. Du bourgeois paranoïde au couple au bord de la rupture que l’adversité rapprochera jusqu’à la bimbo névrotique, rien ne nous est épargné. Un constat d’autant plus désolant que le temps d’une longue séquence nocturne, le cinéaste paraît soudain retrouver (un peu) ses esprits, à la faveur d’un montage alterné qui tire enfin parti de l’horreur de la situation, pour peu qu’on fasse abstraction de maquillages embarrassants. Les membres se tordent, les sens s’émoussent, le temps est soudain incarné, et avec lui une obsolescence déchirante. C’est bien trop peu, beaucoup trop tard.

Un peu de monstruosité rehaussée d’une pointe d’émotion ne suffit pas à faire oublier le climax du film, qui justifie tous les mystères que l’œuvre originelle laissait planer. Et la parabole empoisonnée de muter vers la charge anti-big-pharma, une orientation pas moins pertinente qu’une autre, mais greffée beaucoup trop tard sur le récit, exécutée en dépit du bon sens, au détour d’un monologue explicatif qui ferait passer Plus Belle la Vie pour une fresque shakespearienne. 

 

Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Plaisant comme un coup de soleil, divertissant comme un grain de sable sous un ongle, aussi goûteux qu'un beignet à l'iode, Old esquive les innombrables possibilités offertes par son concept, et préfère troquer l'horreur existentielle de l'oeuvre originelle pour une résolution inepte. 

Autres avis
  • Geoffrey Crété

    Immense et cruelle déception que ce Old, qui était un parfait film de Shyamalan en théorie. Mais le réalisateur et scénariste semble aligner les choix douteux en termes de narration, mise en scène et direction d'acteur, à tel point qu'on se demande (encore) où est passé l'orfèvre de Signes et Sixième sens.

  • Alexandre Janowiak

    Difficile de comprendre comment M. Night Shyamalan a pu encore rater le coche avec le pitch en or de Old. Loin d'être un navet, le film est juste incapable de se mettre en valeur à tous les niveaux, provoquant beaucoup de frustration et surtout la sensation d'un énième échec pour Shyamalan.

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Commentaires
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old boy

Perso j’ai bien aimé le jeu de vague

Kmiyoo

Certes le jeu d’acteur est un peu faible. On parle quand même entre autres de Gaël Garcia Bernal, donc même s’il n’est pas au top, cela reste tout a fait passable. Le film m’a emmené, les personnage étant plus perturbés par la rapidité avec laquelle ils doivent gérer les situations que par les situations elles-mêmes. C’est comme si le réalisateur se moquait de tous ces stéréotypes, retrouvés dans chaque thriller, comédie romantique, film d’horreur… Il les passe à la moulinette, car ils ne peuvent pas se cacher derrière un scénario béton, des situations abracadabrantes. Leur vacuité et leur finitude est ainsi complètement a joir. Le seul problème pour moi est le climax, prévisible des les premières minutes. Quand il arrive, tout est si détaillé, on se croirait dans e=M6. Bon sang, cela reste quand même un film bien au dessus de ce qui se fait en ce moment!

Tra

On peut reprocher plein de chose à shyamalan mais pas celle de ne pas oser … Lui il a des très bons pitchs même si souvent il ne les embrasse pas à bras le corps Et c’est déjà ça , ses films sont toujours du domaine du jamais vu et ça personne ne peut lui reprocher ! Après oui il a réalisé pas mal de navet avec une bonne idée de base mais est ce qu’ont doit lui en vouloir pour autant ? Je pense pas . Le gars va bien finir par nous refaire un bon film . Old n’est pas un chef d’œuvre il est même raté car beaucoup trop long mais la vérité c’est que le film est pg13 tu va pas mettre beaucoup d’images choquante et tu va donc jouer plus sur la suggestion et la psychologie chose que riaux a pas vraiment compris dans sa critique

X-or

Le film ne sait pas quelle direction prendre et aucun dénouement ne viendra donner
à ce nanar une quelconque consistance.

Critiquer la critique

Autant Simon est passionnant en vidéo autant sa prose est souffreteuse, avide de métaphore trop souvent scatophile et un style d’une bêtise abyssale. Si le fond est largement argumenté et convaincant, la forme est une catastrophe. C’est dommage d’être ainsi servilement au service de la presse twitter avide de slogan.

Kyle Reese

Y avait de l’idée, une bonne base mais tout s’effondre très rapidement. La caméra virevolte pour rien, il y a trop d’accélération et d’incohérences, bon c’est sur que ce n’est pas évident de faire vieillir tout ce beau monde en même temps avec la même progressions, ça manque de précision et de rigueur. Dommage car il y a quelques jolies moment quand l’hystérie collective retombe notamment avec les parents avant qu’ils ne meurent. La toute fin et ce twist que l’on devine depuis un moment fait tache. La BA se suffisait à elle même. Je n’aime pas le dessin de la BD, un dessin plus classique m’aurai tenté.

ElGeeko93

Quel dommage ! Je voulais croire au retour de Shyamalan mais force est de constater que ce film est totalement raté !
Tout est bâclé : jeu d’acteurs , direction etc.
On ne saisi même pas vraiment où veut en venir le réalisateur … quel dommage moi qui suis fan d’Incassable et Le sixième sens.

Arbalète 79

Les plus grands peuvent avoir leurs moments de faiblesse créatrice. Même Victor Hugo a écrit et publié des daubes entre deux chefs-d’œuvre. Donc faisons preuve d’indulgence envers Night Shyamalan.

Jérôme A.

@euh Split est un chef-d’œuvre absolu au même titre que Sixième Sens et Incassable.

Euh

Fan devant l’éternel du Sixième Sens, Incassable, même Signes, je ne crois plus au « retour » de l’enfant prodige depuis Split et Glass, pas trop mal torchés mais à des années lumière du talent démontré par M. Night à ses débuts.
Malgré un tas de défauts, ce Old conserve tout de même quelques moments de grâce visuelle, des plans séquence et idées (le bébé vite devenu poussière) qu’on voit trop peu au cinéma de nos jours (et sûrement pas dans les DC et Marvel avec lesquels on veut nous gaver comme des oies)