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Don’t Breathe 2 : critique qui vrille dans le noir

Par Geoffrey Crété
18 août 2021
MAJ : 20 janvier 2022
4 commentaires

Cinq ans après la bonne surprise Don’t Breathe – La Maison des ténèbres (notre critique par ici), retour en enfer, en reprenant presque les mêmes pour presque recommencer dans Don’t Breathe 2. Prédateur aveugle dans le premier, Stephen Lang devient ici la proie, au centre d’un nouveau cauchemar. Réalisée par Rodo Sayagues, co-scénariste du précédent, la suite peut-elle reproduire l’effet de surprise ?

photo, Stephen Lang

DEUXIÈME INSPIRATION

Raison d’être numéro 1 des suites de films d’horreur : le succès du premier. Et Don’t Breathe 2 avait 157 millions (de dollars) de raisons d’exister après son succès phénoménal en 2016. Le prétexte est venu plus tard, avec un choix radical : retourner la formule, et transformer l’antagoniste en héros. Soit un sacré challenge puisque ce Nordstrom est un vétéran aveugle, qui séquestrait la femme ayant accidentellement tué sa fille, pour la violer et attendre qu’elle accouche.

Mais tout est pardonné. Le monsieur a retrouvé goût à la vie, et à Dieu. Il n’y croyait plus dans le premier film, histoire d’expliquer sa cruauté, mais annonce dès sa première apparition dans Don’t Breathe 2 que Dieu est juste, finalement. De quoi remettre les pendules à l’heure de la morale pour le deuxième cauchemar dont il sera le héros, aux côtés d’une petite fille nommée Phoenix – symbolique de renaissance incoming, incarnée par Madelyn Grace. Et il faudra bien une attaque de loubards envahissants pour remettre Nordstorm sur les rails de la violence, mais du bon côté de la ligne cette fois.

Sauf que ce malin renversement de valeur est la seule idée originale du film, qui emprunte sinon des chemins bien plus classiques que le premier Don’t Breathe. D’où une suite qui flirte avec la série B de bas étage, et s’éparpille sans jamais retrouver la force simple et brute du précédent.

 

photo, Stephen LangContraint de voir la suite d’un film qu’on a aimé : allégorie

 

HOME EVASION

Le problème est simple : Don’t Breathe fonctionnait déjà sur un renversement des valeurs. Le groupe de jeunes voleurs entrait par effraction dans la maison du vieil homme pour dérober son argent ? Ils s’y retrouvaient piégés, transformés en proies malgré eux. Le papy aveugle était une victime idéale ? Dommage, c’était un vétéran particulièrement énervé, et qui se révélait nettement plus dangereux qu’eux.

Renverser la formule dans Don’t Breathe 2 équivaut donc à revenir à un point de départ bien plus classique. D’emblée, Nordstorm et Phoenix sont présentés comme les bons, avec en face une bande d’affreux vilains plus ou moins anonymes, sorte de Guerriers de la nuit aux coiffures de footballers qui se retrouvent dans une version vener de Maman j’ai raté l’avion. Ils sont bêtes et méchants, mais Nordstorm est coriace, et a entraîné Phoenix à l’art de la guerre.

Don’t Breathe était pensé comme un train fantôme en quasi huis clos, où Fede Alvarez jouait des contraintes de son film (conçu en réponse à Evil Dead) comme avec le handicap de Nordstorm. Don’t Breathe 2 bat une autre mesure, bien plus spectaculaire, explosive mais attendue. Entre le home invasion dans les clous et la vengeance sanguinaire, le sentier est balisé. Et c’est là le deuxième problème du film : en multipliant les affrontements et les décors, Don’t Breathe 2 privilégie la surenchère à la brutalité simple et efficace du premier, et devient un film bien plus banal dans ses mécanismes et coups d’éclat.

 

photo, Stephen Lang, Madelyn GraceThe Last of Us : New Generation

 

ACTION-RÉACTION-DIVERSION

Le scénario devient alors une gigantesque diversion, qui rebat régulièrement les cartes pour maintenir l’attention à tout prix. L’effet de surprise ne passe plus par une scène malicieuse, une angoisse silencieuse ou une brutalité sournoise, mais par de multiples surprises et péripéties étalées à la face du public. La bande de loubards-drogués, tout droit sortie d’un épisode des Contes de la crypte, en est la meilleure démonstration.

C’est particulièrement flagrant dans la dernière partie, qui flirte avec le gros Z, la faute à quelques choix détonants – et grotesques. Une dernière ligne droite qui achève de faire de Don’t Breathe 2 un cauchemar plus simplet et facile, comme en témoigne la conclusion bien trop douce et moralisatrice comparé à la fin (perverse) du premier film.

 

photo, Stephen LangLe marteau va piquer

 

Ne reste alors plus que le plaisir de la mise en scène pour apporter quelques couleurs à ce programme trop convenu pour véritablement exciter. Et pour son premier essai derrière la caméra, Rodo Sayagues s’amuse, à tel point que le film semble avoir été pensé autour de quelques scènes où la caméra, la lumière et les effets prennent le dessus sur tout le reste.

Une intrusion silencieuse en plan séquence (petite pensée pour Assassination Nation), un affrontement électrique au sous-sol, un climax enfumé : le protégé de Fede Alverez (avec qui il a co-écrit Evil Dead et Don’t Breathe) joue avec les couleurs, les décors et les mouvements avec un plaisir manifeste. La photo léchée de Pedro Luque (déjà sur le premier Don’t Breathe) assure le service dans une somme de plans sensationnels, tandis qu’une poignée d’images violentes viendra doucement satisfaire les amateurs de chairs maltraitées.

Cette approche est parfois tellement extrême que la scène n’existe alors que pour l’image (Nordstrom couché dans l’eau comme un prédateur), preuve que le film repose sur bien peu de choses. Ce petite cirque tourne en rond, et Fede Alverez et Rodo Sayagues ont l’air d’en avoir parfaitement conscience. Seule option de l’autre côté de l’écran : s’en amuser, prendre ça comme un plaisir modeste, et espérer qu’il n’y aura vraiment pas de Don’t Breathe 3.

 

Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

En renversant la formule du premier, Don't Breathe 2 se tire une balle dans le pied. Le film perd en malice et efficacité pour glisser vers un spectacle plus bruyant et spectaculaire, mais moins féroce et mémorable.

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j en prendrais pour 1 d

au contraire c’est en renversant la formule du premier qu’il en devient très efficace!

spidy

Suite moins bonne que le 1er film mais ca reste diablement efficace!!
On reste captivé jusqu’à la toute (toute) fin, et ca c’est plutot bon signe.

ElGeeko93

Totalement d’accord avec cette critique du deuxième volet. Le film est un enchaînement de scènes d’action pour maintenir le spectateur en place, à tél point que le film, dans son orientation, se tire une balle dans le pied.

Tophyze

Autant j’ai aimé le premier opus (découvert par votre intermédiaire), autant une suite me paraît improbable.

C’est normal que les intervenants soient TOUS ET TOUTES des experts ???
Je ne suis pas un expert et pourtant, je suis.
Je vous lis, je suis abonné et je ne me sens représenter sur ce site.