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Dune : critique d’un vrai grand spectacle de cinéma

Par Alexandre Janowiak
6 février 2024
MAJ : 22 mars 2024
148 commentaires

En septembre 2021, après des reports incessants et une production bousculée par la Covid-19, Dune débarquait enfin dans les salles en messie du cinéma. Les cinéphiles attendaient en effet désespérément leur grand spectacle riche et intelligent, mené par un casting de rêve entre Timothée ChalametZendayaRebecca FergusonOscar IsaacJosh Brolin ou encore Stellan Skarsgård. Cela dit, le blockbuster SF réalisé par Denis Villeneuve (déjà derrière les impressionnants Blade Runner 2049 et Premier contact côté SF) adapté du cycle écrit par Frank Herbert était-il l’épopée salvatrice ou un nouvel échec d’adaptation ? À quelques jours de la sortie de Dune: Deuxième Partiele film revient en salles et c’est l’occasion parfaite pour se (re)faire un avis !

critique d'un vrai grand spectacle de cinéma

LA MALÉDICTION DE DUNE

Nombreux sont ceux qui se sont cassé les dents en voulant adapter Dune derrière la caméra, laissant même à penser que le roman écrit par Frank Herbert était maudit. Ainsi, Arthur P. Jacobs, Alejandro Jodorowsky puis Ridley Scott ont échoué un à un, avant que David Lynch réussisse à concrétiser le challenge. Malheureusement, son long-métrage est conspué par la presse et reçoit un accueil terrible au box-office, refermant pour plus de trente ans les portes d’Arrakis au cinéma (on évitera de parler de la série de 2000 dont personne ne se souvient).

 

 

Entendre alors en 2017 qu’un nouveau film était lancé par Warner et Legendary Pictures, avec l’excellent Denis Villeneuve (Sicario, Enemy et surtout la suite Blade Runner 2049) aux commandes était plus qu’un nouvel espoir pour la communauté fan de l’épice et également les aficionados de science-fiction. Enfin, les progrès numériques pourraient probablement donner vie à l’univers foisonnant et complexe d’Herbert.

Après quatre ans d’une production mouvementée, l’équipe du film a tenu bon et Dune Part One (son titre officiel) est bel et bien réel. Pour éviter de faire durer le suspense plus longtemps, autant rassurer tout le monde en disant que Denis Villeneuve a réussi son pari haut la main malgré cette réputation de livre inadaptable.

 

 

Dune repose en effet sur un univers complexe, à l’intrigue simple en apparence et pourtant si riche, et disposant de si nombreuses particularités (la manière dont les pensées de chaque personnage sont transposées dans le récit, entre autres) que parvenir à n’en capter que la substantifique moelle était déjà un défi de taille. Judicieusement, le projet a donc tout de suite été annoncé comme un diptyque, permettant de mieux développer les personnages, d’éviter les raccourcis ennuyeux et finalement, de mieux honorer l’envergure du récit.

Le choix de Warner d’accompagner la titraille de Dune d’un discret Partie 1 rassurait quant à la volonté du studio à ne pas stopper l’aventure en cours de route (et ce, quoiqu’il arrive). La suite étant d’ores et déjà en préparation. Il faut dire qu’il serait idiot de ne pas compléter l’oeuvre de Denis Villeneuve tant elle est tout ce dont le genre du blockbuster manquait ces dernières années.

 

Photo Timothée ChalametÀ genoux devant Denis Villeneuve

 

10191, SPICE ODYSSEY

Loin des simplistes Marvel et autres films super-héroïques, Dune est porté par une densité déboussolante. Avec subtilité, le scénario co-écrit par Eric Roth, Jon Spaihts et Denis Villeneuve décrit à la fois les difficultés politiques d’un univers immense, tout en n’oubliant jamais de réfléchir à l’impact de l’Homme et sa façon de vivre avec ou contre l’environnement qui l’entoure. Des questionnements typiquement actuels (pour la partie écologique) qui donnent évidemment au récit une pertinence d’autant plus passionnante, dont la résonance vêtit les personnages d’un défi tout aussi grand (plus même) que le nôtre.

Toutefois, il aurait été bien futile de développer les sujets du roman culte si le scénario de Dune ne prenait pas la peine de présenter les spécificités des différentes Maisons, planètes et autres tribus. Et aussi fou que cela puisse paraître, c’est ici que repose l’un des coups de maître du long-métrage : cette facilité à contextualiser son univers.

Sans jamais tomber dans la voix-off redondante (sauf pour son prologue opportun), le long-métrage esquisse un peu plus sa rudesse au fur et à mesure des séquences : cours de Paul Atréides, discussion naturelle entre personnages, rencontres… Chaque seconde, le récit s’enrichit sans jamais cesser d’avancer. Sauf que son opulence est si grande qu’elle finit presque par devenir un vice.

 

photo, Rebecca Ferguson, Oscar IsaacDes dialogues simples, utiles et spontanés

 

C’est bien simple, le long-métrage n’omet quasiment aucune séquence majeure du premier livre du cycle de Dune (ou tout du moins, de ces deux premiers chapitres) et lui est presque trop fidèle, l’empêchant d’avoir pleinement sa personnalité. Mais plus encore, le long-métrage se veut un complément du bouquin. De fait, certaines scènes viennent s’ajouter au programme déjà très chargé de l’adaptation elle-même et si certains choix font mouche, d’autres sont quelque peu préjudiciables à la bonne compréhension des profanes de Dune.

Par exemple, si l’introduction plus fastueuse de la maison Atréides menée par le Duc Leto (parfait Oscar Isaac) sur la planète Caladan est seyante, l’absence quasi-totale de caractérisation du Docteur Yueh (Chang Chen) est malheureuse au vu de son rôle de tournant. La profusion de l’ensemble est d’ailleurs particulièrement déconcertante. Si c’est loin d’être un défaut réel (on ne va pas cracher sur un film aux enjeux complexes et à l’univers aussi riche, au contraire), en revanche, cela a un véritable impact sur le rythme du long-métrage.

Impossible de s’ennuyer devant les 2h35 de Dunemais possible de ne pas tout assimiler quand on est novice de l’univers. Entre les visions de Paul, les coutumes Bene Gesserit, la prophétie Fremen et le bombardement d’action régulier, rares sont les moments où le spectateur peut reprendre son souffle pour mieux intérioriser et donc s’émouvoir. Un léger accro qui n’empêche toutefois pas le long-métrage de convaincre, et pas seulement à ce niveau.

 

photo, Jason MomoaJason envoie du pâté

 

BATTLESAND GALACTICA

En effet, en plus d’être conçu avec habileté, Dune est également un spectacle visuel et épique hors-norme. Difficile de dire quel est le dernier long-métrage à avoir réussi à transporter son auditoire avec une telle majesté. Ne se refusant pas quelques plans spatiaux somptueux après son ouverture sur les terres de Caladan, le long-métrage devient surtout une claque phénoménale dès qu’il vient se frotter aux étendues de sables d’Arrakis (le travail de Greig Fraser à la photo est précieux, même si parfois trop sombre). Avec un savoir-faire qui force le respect, Denis Villeneuve transforme alors les dunes en véritable océan de sables aux vagues poussiéreuses, danger de tous les instants.

Il faut dire qu’il est bien aidé par les effets spéciaux supervisés (entre autres) par Paul Lambert (oscarisé pour First Man – Le premier homme sur la Lune, Blade Runner 2049 et Dune désormais), capables de donner vie à n’importe quelle création de Herbert. Tout au long du film, rien ne déborde et il n’y a aucune trace de fonds verts mal calibrés ou CGI surdosés. De quoi transformer cette planète imaginaire en désert réaliste, palpable et inquiétant à bord des ornithoptères (quelle folie !) et faire des confrontations avec les redoutés Shai-Hulud (ou vers des sables) quelques-unes des plus belles scènes du film.

 

photo, Timothée ChalametUn Gom Jabbar comme on les aime

 

On se souviendra ainsi longtemps du sauvetage d’une chenille en perdition. Rappelant légèrement la séquence aquatique de Interstellar, probablement en partie à cause de (grâce à) la musique de Hans Zimmer (qui n’avait pas été aussi inspiré depuis le film SF de Christopher Nolan justement), elle confine à l’excellence à l’ère des blockbusters aux scènes d’action charcutées.

Orchestrée avec précision par Villeneuve, la scène s’intensifie grâce au montage minutieux de Joe Walker (fidèle du cinéaste depuis Sicario), parvenant à allier le danger de la situation, les visions de Paul et la découverte d’un nouveau monde (pour le spectateur et les personnages) sans jamais perdre en lisibilité et envergure. Le travail de Walker est d’ailleurs d’une complétude ahurissante durant tout le film (cette ingéniosité dans les montages parallèles, les juxtapositions réalité/vision…), et la maestria de cette séquence épique n’est pas une exception. Au contraire, chaque scène semble avoir reçu la même exigence.

Qu’ils répondent à un imaginaire de jeu vidéo, éclosent des lignes descriptives du livre ou convoquent des influences fantastiques, voire extraterrestres (la manière dont Villeneuve filme les Bene Gesserit est tout bonnement fabuleuse), chaque costume, chaque pièce, chaque concept (le sound-design de la Voix ; les boucliers ; cette marche du sable chorégraphiée par Benjamin Millepied, rien que ça) bénéficient d’une précision et méticulosité tenant du parfait miracle.

 

photoLes passages dans le désert sont les plus impressionnants

 

STAR TROOPERS

Reste alors un point à aborder, et non des moindres pour une adaptation de roman : le casting. Beaucoup s’inquiétaient de voir Timothée Chalamet enfiler le costume de Paul Atréides. N’en déplaise à ses détracteurs, le jeune comédien est parfait dans le rôle de cet héritier idéaliste, poussé par une aspiration messianique dont il ne comprend pas encore tout à fait les enjeux et conséquences, et assurément, son personnage en sortira grandi dans la suite.

Pour le reste, on peut regretter de ne pas voir beaucoup Dave Bautista en Glossu Rabban et Stephen McKinley Henderson en Thufir Hawat, ou de constater à quel point Piter de Vries (David Dastmalchian) est inexistant (entend-on seulement son nom ?), mais une chose est sûre, aucun acteur ou actrice n’a été mal choisi.

Josh Brolin est parfait en Gurney, Jason Momoa ne fait qu’un avec la puissance de Duncan Idaho tout comme Javier Bardem avec la sagesse de Stilgar. À côté, Oscar Isaac excelle encore dans la sobriété, la noblesse et l’humanisme de Leto Atreides, Sharon Duncan-Brewster reprend avec efficacité le flambeau de Liet Kynes quand Charlotte Rampling hypnotise en Révérende Mère et Zendaya foudroie de son charme les visions de Paul en Chani, non sans une certaine espièglerie.

 

photo, Timothée Chalamet, Rebecca FergusonUn duo parfait

 

Outre Paul, deux personnages se distinguent plus que les autres dans ce Dune Part One. D’abord, Stellan Skarsgård en Baron Vladimir Harkonnen. Si son temps de présence est assez faible (à l’image du bouquin), chacune de ses apparitions marque la rétine de par son physique hideux et surtout son charisme rappelant par intermittence un colonel Kurtz d’Apocalypse Now dont la boue des jungles vietnamiennes aurait fini par faire corps avec sa peau.

Mais c’est surtout Rebecca Ferguson en Lady Jessica qui retient l’attention. En plus de former un duo magnifique avec Chalamet, elle vient apporter une vraie dimension à son personnage. Conservant bien des secrets et sachant bien des choses inaccessibles aux autres grâce à son éducation Bene Gesserit, elle est assurément l’un des personnages les plus passionnants du premier roman. La comédienne suédoise parvient à habiter la délicatesse de cette mère aimante angoissée tout en lui octroyant une force guerrière (surnaturelle) savamment dissimulée derrière sa beauté et son élégance pour se prémunir de l’avenir.

De quoi présager d’un grand et beau Dune Part Two dont il était probablement impossible de faire mieux pour espérer l’obtenir.

 

Affiche US

Rédacteurs :
Résumé

Dune n'est pas parfait et souffre notamment d'un trop-plein de rythme, mais c'est bien le grand spectacle précieux espéré, devenu si rare aujourd'hui. Une adaptation de l'épopée d'Herbert savamment conçue et pensée, à la densité impressionnante et folle visuellement.

Autres avis
  • Geoffrey Crété

    Dune n'est que le début d'un grand voyage, et c'est à la fois son atout et sa limite. Mais même si le film s'enlise dans des problèmes de narration difficiles à éviter, et étouffe un peu l'émotion en cours de route, il s'impose comme un décollage magique et hautement cinématographique.

  • Mathieu Jaborska

    Villeneuve et ses coscénaristes adaptent si scrupuleusement l'univers d'Herbert qu'ils accouchent d'un récit programmatique et aussi aride que les déserts d'Arrakis. Mais l'ampleur indéniable du long-métrage, l'un des plus spectaculaires de ces dernières années, lui octroie sa force de frappe thématique.

  • arnold-petit

    Dune promet un voyage fascinant au sein d'une fresque épique et singulière, mais même si l'esthétique épurée et les cadres de Denis Villeneuve génèrent un spectacle ahurissant, la richesse et l'émotion se perdent au milieu d'un récit trop dense, trop froid.

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VBO

Un article inutile, avec un titre bait-click.

De la belle presse poubelle en l’occurrence.

Marc en Rage

Dans ce Sneak Preview L’ultime épreuve de PAUL monter sur un Ver des Sables.

Marc en Rage

DUNE: Part two Exclusive Extented Sneak Preview 2024

L’ultime épreuve de PAUL monter sur un verre de Sable.

rientintinchti2

@Greg1402
Oui c’est vraiment une scène marquante, la puissance du regard. Un film incroyable.

Emmanuelle

Les avis des internautes sont très contrastés. Pour ma part, je n’ai pas vu le film. Et même si je lis une mauvaise critique sur un film que j’ai envie de voir, j’y vais quand même. J’essaie de me forger ma propre opinion. Je n’aime pas la science-fiction et je n’aime pas la violence. Nous vivons dans un monde très violent. Je suis une femme timide et angoissée.

greg1402

@rientintinchti2 Complétement d’accord, rhha cette scène d’intro avec le son de Radiohead en fond, grandiose !

Deeker

Villeneuve… ce Dune est juste vidé de sa substance, complétement creux.
Vivement l’avènement de l’IA, que ce genre de type n’ait plus aucune raison d’être.

rientintinchti2

Le grand film de Villeneuve c’est incendies. à ne surtout pas rater. Un des meilleurs films de l’histoire à mon humble avis

Marc en Rage

Je ‘ai pas changé d’avis DUNE un Chef d’Oeuvre et DUNE 2 sera encore plus épique on va en prendre les yeux du sable de ARRAKIS

Sol666

Un film ennuyeux, mou et lent. Tout ce qui faisait le charme, la force et la laideur esthétique du Dune de Lynch a été édulcoré, effacé, nivelé. Les méchants sont tellement gentils qu’a côté eux, les bisounours passent pour des êtres sanguinaires et sans scrupules. Les personnages y parlent tellement lentement que j’ai cru que c’était la version suisse du film que j’étais en train de regarder. Comble du ridicule, cette scène où Paul Atréides saute dans les bras de Duncan Idaho tel un petit enfant alors que c’est un jeune homme. Qui ferait ça ? La seule chose bien faite, ce sont les effets spéciaux. Ce qui n’a rien d’étonnant pour notre époque. Le pire se trouve à la fin, quand vous découvrez au bout de 2h30 qu’il y aura une suite. Un supplice auquel heureusement on peut échapper.