MAT DIAMOND
On avait laissé Tom McCarthy sous la pluie d’Oscars de Spotlight, drame journalistique efficace, mais scolaire, sans attendre grand-chose de cet honnête conteur au style un peu trop propre sur lui. Ça, c’était jusqu’à ce qu’il revienne par le tapis rouge cannois, où il présentait en 2021 Stillwater, récit dont les prémices ne sont pas sans évoquer un certain Taken, auxquels il greffe plusieurs éléments issus de faits-divers réels. Matt Damon s’y glisse dans la peau de Bill, ouvrier de l’Oklahoma débarquant à Marseille dans l’espoir de sauver sa fille, accusée du meurtre de sa petite amie et incarcérée dans la cité phocéenne.
Et c’est bien Damon qui constitue l’atout premier du long-métrage. Dès l’ouverture, alors qu’on le suit dans ce qui ressemble encore à une chronique naturaliste de l’Amérique prolétaire, le comédien impose une présence, un tempo, très éloigné de ses plus récentes performances. Son corps, massif, occupe l’écran, tout comme il semble encombrer cet homme dont on sent que le système de valeurs a été inexorablement sapé.
On le découvre au travail, participant au démantèlement de maisons, roulant le long d’interminables langues d’asphaltes, priant sur le burger qu’il a commandé au milieu d’un fast food aux airs de ruche dépressive. Caractérisé avec empathie et une distance jamais glaciale ou sardonique, Bill est peut-être le premier écho de l’Amérique qui fit l’élection de Donald Trump, que Hollywood traite sans agenda politique sous-jacent ou mépris satisfait.
Le comédien habite parfaitement cette physionomie massive et contrainte, simultanément en proie au doute et pétrie de contradictions. Travailleur acharné aux convictions ancrées, Bill est aussi un père qui doit se déraciner pour espérer retrouver sa fille, dont le caractère et la vie sont aux antipodes des siens. Avant que le scénario bifurque du côté de l’investigation et de la colère, l‘intrigue prend soin de donner le plus d’espace possible à ce type qui s’efforce de comprendre un univers à rebours du sien, et durant le premier tiers du film, l’attention avec laquelle la caméra scrute la politesse humble de cet homme fracturé est saisissante.
Son dos voûté, sa voix embuée de larmes quand il s’excuse d’exister devant une juge d’instruction qui ne saisit pas sa vulnérabilité, font idéalement écho à une autre existence embarrassée tant par son environnement que les circonstances. Celle de Virginie, incarnée par une Camille Cottin moins volcanique qu’authentiquement à fleur de peau. Le spectacle de ces deux êtres que tout oppose, sauf peut-être leurs déambulations erratiques, est un petit précis de justesse, tant en matière d’interprétation que d’écriture.
TAKEN ET BARBIE
Et c’est bien l’écriture qui permet à Stillwater de laisser une empreinte sur son spectateur. Si Tom McCarthy et Marcus Hinchey ont été les principaux maîtres d’oeuvre du long-métrage, ce dernier a eu la bonne idée de faire appel aux excellents Thomas Bidegain et Noé Debre. Une manière d’encadrer le tout de visions plus en prise avec la réalité marseillaise, conférer à l’ensemble un point d’équilibre entre protagonistes américains et français, une mesure et une prise solide dans le réel. La réussite du dispositif est évidente, tant le film parvient à embrasser la cité dans ses multiples facettes, ses contradictions, ses élans, de vie comme de mort.
D’où une immersion puissante, d’autant plus intéressante qu’elle place le public hexagonal dans une situation passionnante, où il peut simultanément constater la pertinence du regard, tout en expérimentant le profond trouble qui étreint Bill, alors qu’il se retrouve en butte à des institutions, mais aussi des habitus, des traditions, des rites sociaux, qu’il ne comprend pas. C’est dans cette seconde partie que l’interprétation de Damon se fait plus intense encore, quand nous observons ce corps monolithique, que l’espace même, ses ruelles et ses impasses, renvoient à sa notion d’étranger radical, proche et pourtant irréconciliable.
En témoigne une scène saisissante, alors que Bill évolue tant bien que mal au coeur du stade Vélodrome, pendant un match de l’olympique de Marseille. Englué dans la foule, imperméable à la fièvre, mû par un autre régime de tension que les supporters alentour, il nous immerge dans sa subjectivité, laquelle contamine cette séquence filmée sur le vif, dont l’intensité croît un peu plus à chaque plan. En cet instant, le réalisateur trouve la distance idéale pour se décaler des attendus du film de vengeance, ou du thriller parano tel qu’Europacorp l’a dans un même mouvement dépoussiéré et caricaturé. Ce sera malheureusement la seule opportunité de ce genre saisie par le cinéaste.
En effet, et c’est la grande faiblesse de cette histoire souvent émouvante, Tom McCarthy n’est que trop rarement à la hauteur de ses comédiens ou de son scénario. La photographie foisonnante et organique de Masanobu Takayanagi fait parfois illusion, tant elle confère à Stillwater une atmosphère accrocheuse, tour à tour mélodramatique et poisseuse, mais une nouvelle fois, le cinéaste comme son découpage se révèlent tristement illustratifs.
On peine souvent à déceler un point de vue véritable, un propos, comme si le maître d’oeuvre ne se questionnait jamais sur ce qu’il filme, sur le sens de son découpage. Tout ce que l’ensemble y gagne en lisibilité, il le perd en puissance, notamment quand l’histoire se voit contrainte de quitter les calanques du drame pour accoster sur le vieux port du thriller.
UN FILM TRES HUMAIN AVEC DES DOUTES ET BEAUCOUP D ESPERANCE.
CAMILLE COTTIN ET MATE DAMON TRES BIEN POUR LEUR INTERPRETATION . J AI ADORE
Un film lent qui nous laisse le temps de nous attacher à ses acteurs. On attend le moment où Matt casse du voyou et sort les guns mais il ne vient pas. C’est étrange car le réflexe pavlovien bien bourrin inculqué par Hollywood chez le spectateur se manifeste mais rien ne vient. A la place, un Matt minimaliste reprend goût à la vie et on se prend à rêver d’un Happy end tout en sachant que celui-ci ne viendra pas. Un beau film, lent et déchirant à la fin, sans que rien ne soit surjoué.
Pas mal, un peu lent, un peu long, mais en fait le film prend son temps.
La BA est trompeuse, ce film n’est pas vraiment un thriller, j’aurai le plus grand mal à le qualifier. Une sorte de voyage rédempteur réaliste avec un petit choc des cultures sympathique à la clef..
C’est un joli petit film sans prétention avec un Matt Damon bourru et taiseux impeccable ainsi qu’une excellente Camille Cauttin. Un film mignon, sensible, assez frais en fait et inattendu . Il y a un coté assez fascinant à voir Matt Damon perdu évoluer dans cet environnement avec un rôle à mille lieu de ce qu’on connait de lui au ciné. Son look me fait penser à Josh Brolin.
Franchement ceux qui ont fait la BA ont été totalement à coté de la plaque je trouve.
Mais pourquoi ne pas avoir assorti ta barbe à tes magnifiques ongles ??
Matt Damon est un acteur exceptionnel, merci de l’avoir souligné !
bof, scenarion fortement inspiré de l’histoire d’Amanda Knox.
Dans la critique la partie de ce qui ne va pas n’est pas illustrée par des exemples concrets contrairement à la première partie ! Du coup on a l’impression que c’est un très bon film sans vraiment saisir ce qui ne va pas
Matt Damon au stade vélodrome, je ne peux pas rater ça !
@Kinothon
Ah oui thanks, je me souviens de ce moment bien w*f.
Ca vient peut être de là en effet ! Il est vraiment cool ce Matt.
@Hank Hulé
Je pense que tu as raison, il est mal vendu, je m’attendais à la fin de la BA à ce que le perso se réveille et finisse par casser du méchants façon Bourne mais rien. Comme quoi une BA mal faite peu faire un peu planter un film.
moi, j’ai bien aimé : le film est (mal) vendu comme un thriller mais c’est plutôt un drame assez réaliste qui évite les clichés sur les rapports entre deux étrangers. les acteurs sont au poil (enfin une gamine qu’on a pas envie de tarter).
Scolaire ? sans doute mas efficace, d’autant que Damon est parfait en taureau têtu.
@Saiyuk
Il n’a jamais été dit nulle part qu’on n’avait pas le droit d’apprécier quelque chose de scolaire.
Ce qui me paraît assez bien définir le film, tant il s’applique, scolairement, à dérouler un programme établi depuis des décennies et à n’en jamais varier.