Gucci Gang
À chaque nouveau film, le cas Ridley Scott devient de plus en plus fascinant à psychanalyser. Prometheus et Exodus étaient portés par un besoin maladif de se confronter à Dieu, à la manière d’un ado en plein rejet athéiste, tout en cherchant par orgueil à damner le pion à de grands noms du septième art (Kubrick et DeMille). Avec une géométrie on ne peut plus variable, le cinéaste n’a cessé d’enchaîner les tournages, comme pour combattre sa propre finalité d’artiste et d’être humain.
Plutôt que d’accepter avec sérénité que ses plus grandes heures soient derrière lui (Alien, Blade Runner, Thelma et Louise…), Scott semble désormais englouti par sa propre mégalomanie, qui le pousse même à revisiter plus ou moins explicitement ses glorieux chefs-d’œuvre (Le Dernier Duel n’est-il pas une façon de prolonger Les Duellistes ?).
Au vu de ses peurs et de ses obsessions, on peut comprendre ce qui a attiré le réalisateur vers House of Gucci, qui prend pour centre névralgique l’un des faits divers les plus retentissants des années 90 : le meurtre de Maurizio Gucci. Cet héritier discret de la famille toscane est aujourd’hui connu pour avoir permis à la marque vieillissante de remonter la pente, et de devenir l’une des entreprises de luxe les plus importantes au monde.
Dès lors, en ouvrant et en terminant le long-métrage sur cet assassinat, Ridley Scott présente son film comme une pure tragédie, celle d’un homme d’affaires ambitieux emporté par la Faucheuse avant que l’œuvre de sa vie ne puisse pleinement éclore. Tiens donc…
Le problème, c’est que ce postulat assez classique de rise and fall se voit plombé par son trop-plein d’envies et de points de vue. Car en réalité, House of Gucci est moins un film sur Maurizio (quand bien même il est le personnage qui intéresse le plus Scott) que sur sa femme Patrizia, qui va progressivement s’imposer dans l’empire familial.
Le bout du rouleau de Scott
Sur le papier, House of Gucci est ainsi porté par une ambiguïté fascinante, celle d’un portrait de femme qui oscille entre vénalité et soif de respect. Malheureusement, cette dimension féministe se voit dynamitée par le systématisme avec lequel Scott filme Lady Gaga et son accent italien à couper au couteau. L’actrice a beau se démener pour donner corps à un personnage qui perd pied, elle se voit réduite à une marionnettiste, tirant dans l’ombre les ficelles au gré de scènes répétitives et didactiques.
Ce va-et-vient permanent de la narration révèle d’ailleurs à quel point House of Gucci est un projet mal dégrossi, qui enquille ses séquences sans entrain, le tout sur une durée franchement déraisonnable de 2h40. Là où les pires films récents de Scott avaient au moins le mérite de jouir d’une technique irréprochable, le cinéaste a mis son formalisme au placard pour des suites interminables de dialogues filmés en champ-contrechamp avec du multi-cam.
Une proposition qu’on a bien envie de refuser
Résultat, en plus d’engendrer un montage brouillon qui se cherche une identité à chaque scène, cette platitude ne fait que mettre en avant les carences de son dispositif, à commencer par ce choix très discutable de donner des accents italiens à des comédiens globalement américains. Ce n’est sans doute pas un hasard si Al Pacino, assez réjouissant en papy gâteux et manipulateur, est le seul à vraiment s’amuser dans cette valse de pantins désarticulés, où Scott peine même à exploiter le talent habituel d’Adam Driver, ici assez éteint.
Le pire dans tout cela, c’est qu’House of Gucci est un film dont on fantasme bien vite les embranchements exaltants qu’il pourrait prendre, alors que Scott se contente de rester au point mort tout du long. Son drame familial a des élans de fresque opératique inspirée par Le Parrain ? La mise en scène n’a jamais les épaules pour en tirer la même puissance. Son contexte bling-bling pourrait amener à de grands moments de décadence et de grotesque ? On a juste droit au pathétique Jared Leto, plus que jamais ridicule sous ses prothèses et son cabotinage agaçant.
Jared Leto a soit le meilleur ou le pire agent d’Hollywood pour pouvoir faire des trucs pareils
À vrai dire, avec un sujet pareil, le réalisateur de Cartel et de Tout l’argent du monde semblait tout indiqué pour y apposer la griffe misanthrope qui le caractérise. Pourtant, s’il se moque quelque peu de certaines situations, le long-métrage n’a jamais les crocs assez acérés pour mordre ses protagonistes. Et comme Scott n’est pas non plus un grand cinéaste de la compassion, House of Gucci se voit piégé dans un entre-deux, au point où certaines séquences-clés se contentent de laisser le spectateur dans un niveau embarrassant d’apathie, comme lors d’une cession de parts de l’entreprise jamais bouleversante ou cinglante.
C’est sans doute la plus grande tragédie du film que de sembler aussi terne. Certes, Ridley Scott a pu nous perdre à de nombreuses reprises avec des postulats aberrants, mais on ne pouvait pas leur enlever leur jusqu’au-boutisme. House of Gucci est, pour sa part, un encéphalogramme plat. Un projet soporifique qui ne fait qu’écorner un peu plus la légende d’un réalisateur mythique. Paradoxalement, à force de combattre la vieillesse et la mort via son art, Scott ne nous donne plus qu’une envie : l’envoyer à l’EHPAD.
House of Gucci est un film plein de charme, qui restitue, par son déploiement narratif, le style Gucci figé des années 80 que Tom Ford transformera. L’interprétation des acteurs est incarnée, habitée et prenante : c’est une histoire de déclin et de difficulté d’adaptation. Le film associe tragique et comique dans une combinaison qui sait dire le naufrage des années 80.
Il est vrai que tout dépend de la façon dont on prend le film. Pour ma part, c’était une énorme farce outrancière. Le moment passé était plutôt sympa mais rien de bien fou non plus. Le genre de film où on ne s’ennuie pas et qui n’est pas déplaisant mais qu’on ne garde pas forcément en tête. The Last Duel m’a fait une bien meilleure impression.
J’ai beaucoup d’affection pour lady Gaga en tant qu’actrice, je trouve les propos des gens très critiques à l’égard de ce film…
Certaines personnes n’ont décidément aucune retenue parfois…
Plutôt bien aimé le film. Il a un sérieux soucis de rythme, sa durée est trop longue mais l’histoire vaut vraiment le coup surtout pour ceux qui ne la connaissait pas comme moi.
Une gallérie de persos haut en couleurs interprétés avec brio si l’on adhère au coté farce du film.
L’accent de Gaga ne m’a pas gêné, ça va avec son perso, je trouve son investissement total et même si ça manque un peu de finesse j’apprécie. Cette femme entière et ambitieuse, manipulatrice mais vraiment amoureuse qui voulait être de celle qui fait les grand homme et qui pourtant va se faire humilier. Elle est touchante. Driver est parfait, rien à redire. Et c’est toujours un plaisir de voir le grand Al Pacino en parrain sur la pente descendante savonné par sa famille, son propre fils. Il dégage une grande humanité. La mise en scène est en deçà de ce à quoi on pouvait s’attendre mais encore une fois, l’histoire et l’interprétation a su garder mon intérêt tout du long, ainsi que la BO qui colle très bien aux images. Un Scott dans la bonne moyenne, c’est déjà pas si mal et un bon succès à la clef. Et puis on a eu auparavant son superbe The Last Duel alors …
J’ai redouté la performance de Jared Leto, entendant ici et là qu’il cabotinait comme jaja et encore traumatisé par son Joker, mais franchement je l’ai trouvé très bon dans ce film.
Sacree galerie d actrices et d acteurs. Mais, étrangement, presque tous (hormis Camille Cottin) oscillent entre le grosteque, le surjoué, le cabotinage et le bon jeu d acteur. Un fil tenu mais qui, bizarrement, fonctionne tellement les personnages sont énormes
Un bon moment malgré le grand classicisme du film.
Bon je crois que je vais quand même me laisser tenter rien que pour les acteurs.
Dans le tonight show de Fallon récemment ils ont diffusé un extrait de 2 minutes, 2 très longues minutes de cabotinage en roue libre entre Lady « je suis une grande actrice » Gaga et Jared « le meilleur Joker de l’histoire c’est moi et personne d’autre » Leto.
2 minutes terriblement embarrassantes qui m’ont suffit à comprendre que je n’étais définitivement pas prêt pour presque 3 heures (!!!) du même calibre.
Mais de qui parlez vous avec tant de délicatesse et d’à propos ?
Y en a qui laissent un long chemins de chef d’oeuvres qui marquent l’histoire du cinema , même a 83 ans , et d’autres qui ne peuvent et ne savent que ch*er sur eux . A chacun ses capacités.