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Adam à travers le temps : critique retour vers le turfu par Netflix

Par Geoffrey Crété
10 mars 2022
MAJ : 3 avril 2022
36 commentaires

Ryan Reynolds doit voyager dans le temps pour sauver le monde (et lui-même), mais trouve le temps pour quelques blagues et bastons aux côtés de Zoe Saldana, Mark Ruffalo, Jennifer Garner et Walker Scobell. C’est Adam à travers le temps, pur produit Netflix assemblé par Shawn Levy (producteur et réalisateur de Stranger Things, également réalisateur de Real Steel et Free Guy), qui a tout pour devenir un carton de l’algorithme du géant de la SVoD. Mais vous savez très bien que ça ne veut pas dire que c’est un bon film.

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le visiteur du futur imparfait

Adam à travers le temps, c’est un peu le bingo hollywoodien des bons sentiments et mauvaises idées, qui donne envie de renier sa mère, piétiner des lapins nains et asperger d’essence toute affiche avec Ryan Reynolds. C’est l’excellence du fameux dépôt de cerveau, censé garantir le divertissement et l’amusement. Et comme c’est parfaitement adapté à l’algorithme de Netflix, meilleur ami des soirées à meubler, c’est en réalité une réussite à peu près totale – et totalement désespérante.

 

 

Adam à travers le temps revient pourtant de loin, et semblait même bien parti. C’était une idée originale du scénariste T.S. Nowlin qui, avant de commettre Pacific Rim : Uprising et la saga Le Labyrinthe, avait rêvé dans son coin de cette histoire de voyage dans le temps. Tom Cruise et le studio Paramount ont mis la main dessus en 2012. Puis, plus rien. Jusqu’à ce que Netflix ne ressorte le cadavre du placard en 2020, avec Ryan Reynolds et Shawn Levy, acteur et réalisateur de Free Guy. Un an et demi après, la superproduction arrive sur les écrans, preuve encore une fois de la force de frappe de Netflix.

Finalement retapé par trois scénaristes supplémentaires, Adam à travers le temps ressemble à un chiffon trop essoré. C’est un film sur le voyage dans le temps qui compile tellement de clichés du genre qu’il ressemble à un sketch de luxe. C’est un film sur la sacro-sainte famille, qui donne envie de foutre le feu au prochain sapin de Noël. C’est une histoire d’amour, aussi vivante qu’une quatrième de couverture. Bref, c’est une merveilleuse petite horreur sans conséquence, aussi efficace qu’une poignée de pruneaux sur le transit – une action certaine, mais automatique et primaire.

 

The Adam Project : Ryan ReynoldsE.T. téléphone vaisseau

 

adam et mièvre

Prenez un shot de vodka pomme (d’Adam) à chaque idée cliché, dialogue ringard ou facilité scénaristique, et vous finirez sous le tapis à chanter la Carioca avant le deuxième acte. Il y a l’insupportable môme qui parle comme un adulte, et qui est trop malin et verbeux pour ressembler à un être humain. Il y a la maman, sortie d’une comédie romantique et donc évidemment incarnée par Jennifer Garner, qui hurle le cœur émotionnel du film dès sa première apparition (« SON PÈRE VIENT DE MOURIR DONC IL EST EN SOUFFRANCE ! »), avant de vomir la note d’intention (« IL FAUT QUE TU PENSES AU FUTUR, ADAM, PARCE QUE LE FUTUR ARRIVE HEIN »).

Il y a le beau héros blagueur et musclé, dont les muscles sont le sujet de plusieurs scènes, et même la méchante qui explique qu’elle est méchante parce qu’elle est célibataire et ambitieuse.

Adam à travers le temps est tellement écrit, pensé et produit comme un burger que toutes les couches semblent avoir été posées à la va-vite. Rien que le casting est une belle démonstration de la non-imagination, avec Ryan Reynolds en héros sarcastique et un peu gauche, Zoe Saldana en guerrière coriace, et Mark Ruffalo en nerd scientifique. Ne manquaient plus que leurs costumes de Deadpool, Gamora et Bruce Banner pour rire un peu plus encore.

 

Adam à travers le temps : photo, Ryan Reynolds, Jennifer GarnerNiaiserie level 38

 

Si le deuil de la moindre finesse était fait d’office, Adam à travers le temps se vautre également dans sa destination émotionnelle. Cette histoire de voyage dans le temps est bien entendu une fable magique sur la sacro-sainte famille, permettant à un fils de renouer avec ses parents pour réparer ses erreurs. Adam a perdu son papa tellement tôt qu’il ne s’en est jamais remis, et a mené la vie dure à sa fantastique maman. En recroisant leur route, et en étant confronté au miroir de son enfance, il va apprendre, et grandir, et trouver une forme de paix. Adam va donc apprendre à dire je t’aime à papa et maman, comme un bon héros de boîte de céréales.

Une idée certainement pas originale, mais qui aurait pu être touchante, si le scénario ne pissait pas dessus à la moindre occasion. Chaque intention est soulignée en fluo par des dialogues sirupeux et surexplicatifs, dans des scènes parfois hilarantes de bêtise, voire quasiment parodiques. D’une rencontre dans un bar où le fiston rassure sa maman, à une session de baseball digne d’une publicité Ricoré, Adam à travers le temps ne recule devient rien pour foncer tête la première dans un niais qui rappelle les heures sombres de Disney.

Pour ne rien arranger, l’histoire défile à toute vitesse, si bien que personne n’a le temps de respirer et exister entre trois blagues et deux scènes d’action. Il y a beaucoup trop de personnages et pas assez de talent dans l’écriture pour qu’Adam à travers le temps tienne la route avec cette bande, et un personnage au moins pourrait être éjecté sans grand impact sur l’intrigue.

 

Adam à travers le temps : photo, Mark Ruffalo, Ryan ReynoldsTrois hommes et un coup pas très fin

 

dans les couloirs du temps (long)

Restait alors un dernier espoir : celui du spectacle. Adam à travers le temps pouvait être bête et basique, avec des personnages en carton-pâte et une intrigue débile au possible (la télécommande du vaisseau qui refuse l’ADN d’Adam blessé, quelle aubaine pour forcer le rôle du gamin). Mais avec son gros budget, ses gros acteurs, ses gros vaisseaux et ses gros flingues de SF, il devait assurer la mission popcorn. C’était sa seule issue pour ne pas sombrer comme une enclume de connerie.

Là encore, c’est un désert fabuleux. Shawn Levy a trois babioles dans son coffret à jouet SF, et les ressort à chaque scène. Le vaisseau invisible apparaît et disparaît régulièrement pour animer le décor, l’effet de poussière rainbow des sbires est recyclé dans tous les sens pour apporter quelques couleurs, et le bâton-sabre laser n’est finalement qu’un machin utilisé en joker. Les combats se comptent sur les doigts d’une demi-main, avec des chorégraphies vues mille fois, et une mise en scène sans éclat (mais un découpage décent, ce qui mérite malheureusement d’être relevé).

 

The Adam Project : photo, Ryan Reynolds, Zoe SaldanaStar Presque

 

Adam à travers le temps souffre surtout d’une direction artistique très pauvre, qui bouffe à tellement de râteliers qu’il n’y a finalement que des références à picorer. Entre les maigres hommages à un certain cinéma des années 80 (maison dans la forêt et lumières bleutées), les touches de science-fiction banales (la grosse boule magnétique dans le QG de la méchante), et les clins d’œil parfaitement inutiles (une réplique sur les multivers par ici, une autre sur les super-héros par là, une mention de Retour vers le futur et Star Wars au milieu), le film ne trouve jamais son identité.

Tout le monde gesticule pour camoufler ce vide, à commencer par Ryan Reynolds, légèrement endormi dans ce rôle tellement taillé sur mesure qu’il pourrait le jouer en gueule de bois. Ce qui est presque aussi amusant à admirer que le rajeunissement affreux de Catherine Keener, semblable à une Sims.

 

Adam à travers le temps : photo, Ryan Reynolds, Walker ScobellLe Dernier Jedi

 

Le pire étant que tout ce cirque ne mène finalement nulle part, la faute à une intrigue maigrelette qui se contente d’une ligne droite. Malgré l’esbroufe d’une scène d’action (nulle) sur Foreplay / Long Time, de Boston, le climax est d’une platitude inouïe, la faute à un pilotage automatique de l’action, et des enjeux réglés en deux minutes et une implosion. Le happy end atterrit ensuite avec la grâce d’une guimauve de supermarché, pour redonner le sourire à tous ces pantins qui ont de toute façon passé 1h40 à rigoler.

De quoi introniser ce Adam à travers le temps comme parfait représentant d’une certaine idée du divertissement, assemblé sur une chaîne d’usine, avec un manque de passion, d’imagination et de savoir-faire qui ressemble à un niveau supraluminique de cynisme. Circulez, y’a vraiment rien à voir, sinon le vide de cette planète Hollywood.

Adam à travers le temps est disponible sur Netflix depuis le 11 mars 2022 en France
 

Adam à travers le temps : Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Adam à travers le temps incarne à merveille la douce inutilité du divertissement sans prétention ni ambition, qui se contente de compiler toutes les idées usées et éprouvées, en les camouflant avec deux trois effets tape-à-l'œil et une montagne de niaiserie automatisée. Nul doute qu'il saura occuper une soirée pluvieuse. Et nul doute qu'il sera oublié à jamais dès le lendemain.

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Andarioch2

J’ai pas pu finir red notice, c’était trop pénible
Celui là si
Ma critique s’arrête là

Lynskey

Merci à Sprig d’avoir encore témoigné de l’incapacité de certaines personnes à accepter l’avis des autres, en mettant en scène exactement ce qu’il voit dans le papier (vraie amertume, fausse malice des mots, faux recul sur sa propre émotion, souplesse rouillée vis-à-vis du débat, avec en filigrane l’originalité d’un mépris de la critique, quel punk !).

Sprig

Jolie galipette. Çà change de « l’infirmière a changé tes pilules ? » ou encore « on s’est levé du pied gauche ce matin ? » ou ……………………(je vous laisse remplir les pointillés) .Eh mais merci de vous inquiéter pour moi. J’adore le sel, c’est ce qui met du goût.

Simon Riaux

@Sprig

Ouhhh, on fait une petite intolérance au sel ?

🙂

Sprig

Je ne mettrai aucun commentaire du film. Chacun avec son avis argumenté a raison puisque nous n’avons pas tous la même approche et les éléments que nous cherchons en regardant des films sont diverses. Par contre, je me réjouis de la réaction du rédacteur de l’article. Comme dirait l’autre : tu nous fais ta cri-crise ? ta petite parano ?
C’est bon de voir que même les rédacteurs savent s’emporter dans leurs articles. Plutôt que de nous répondre philosophiquement régulièrement avec des « vous savez nous savons que nos articles font réagir et le feront toujours. Certains aimeront et d’autres non. C’est finalement la liberté de penser et d’échanger qui est le but du site » etc etc.
Là, dès le chapeau de l’article on sent que le rédacteur est colère. Il multiplie les jeux de mots pour tenter de simuler une cool attitude dans son amertume. Et vas y que l’on mette en gras toutes ses pensées qui se bousculent sans oublier les phrases en majuscules qui doivent être le summum de son pétage de câble. Cet acharnement de rentrer dans les détails alors que certains commentateurs ont mieux résumé leur déception plus succinctement montre bien que les « rédacteurs » du site n’ont pas plus de recul que le commentateur lambda. Merci donc encore à Shaun Levy d’avoir révéler au grand jour ces imposteurs qui manipulent (habilement c’est vrai) les titres de leurs articles pour générer des clics.

Tra

Clichés sur clichés un film très moyen voir ridicule par moment … Ryan Reynolds un super acteur qui ne fait plus que des navets a 100 millions de dollars c’est d’une tristesse . Dire qu’ils ont écrit le scénario à 4 pour nous pondre un truc pareil . Histoire absolument inintéressante , on comprend même pas les motivations de la méchante , dialogue écrit avec les pieds je savais que ça n’allait pas casser 3 pattes à un canard mais là c’est quand même pire que ce que je pensais . Ryan Reynolds est devenu comme son copain Dwayne Johnson la caricature de la caricature de lui même c’est fou . J’arrive même pas à me souvenir du dernier film bien qu’ils aient fait les deux

heavyjos

pas un mauvais film pourtant mais surtout amusante comme Ryan a l’habitude de le faire, critique un peu trop sévere

NonoTheRobot

Cela se laisse regarder…..c’est pas transcendant, mais on est dans le divertissement…..Netflix c’est essentiellement du film pour la maison., en mode  »Home Theater »
Pour ceux qui veulent du film d’auteur faut changer de registre et se rendre su Arte.
Et pour les grands films faut aller au ciné…..
Après, les acteurs ne sont pas toujours à leur meilleur niveau…..d’ailleurs beaucoup ont fait des  »ménages » soit pour arrondir leur fin de mois…ou juste pour payer leurs impôts.
Après si on regarde de près, et là je parle au  »geek », il y a des incohérences sur les voyages dans le temps…les fameux paradoxes temporelles…on ne peux rien changer…on ne peux se retrouver trop près de son double etc….mais ce sont des règles de style et rien n’est prouvé….puisque le voyage dans le temps n’existe pas…..enfin rassurez moi, je suis peut etre passé à coté, du fin fond de ma province…..

Ludodk59

Ecranlarge mais étroitesse d’esprit. C’est un film familial qui rempli bien son objectif. Il faut peut-être vous mettre dans la peau des enfants qui vont regarder. Ils ne vont pas chercher à décortiquer chaque scène pour savoir si le scénario est cohérent, si la finesse des effets spéciaux valent le coup. Non, ils vont rire, passer un bon moment sans se poser de question.
C’est peut-être cela qu’il vous manque, un regard d’enfant.

Jag47

Ok c’est pas un chef-d’œuvre, mais de là à le flingué de la sorte… Perso le passage en forêt version starwars m’a bien fait rire, je place ce film dans un divertissement familliale