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Vortex : critique au bord de la mort

Par Alexandre Janowiak
12 avril 2022
MAJ : 20 novembre 2024
10 commentaires

Présenté dans la catégorie Cannes Première du Festival de Cannes 2022, Vortex raconte l’histoire d’un couple de personnages âgés victimes de sa propre dégénérescence (Dario Argento et Françoise Lebrun) et s’approchant inlassablement de la mort devant leur fils (Alex Lutz) totalement impuissant. Une longue marche funèbre signée Gaspar Noé, qui casse complètement ses codes après ses néoneux Climax et Lux Æterna.

Photo Dario Argento, Françoise Lebrun

spirale mentale

Surprenant et déprimant. Ce sont peut-être les deux mots qui décrivent le mieux l’expérience du nouveau film de Gaspar Noé. Surprenant d’abord parce qu’on n’avait pas encore vu Gaspar Noé délaisser les effets de styles épileptiques, les musiques bruyantes et l’énergie fougueuse caractéristique de son cinéma depuis plus de vingt ans. Entre Enter the VoidIrréversible ou plus récemment Climax, l’Argentin a toujours fait la part belle à une certaine virtuosité visuelle (parfois un peu tape à l’oeil) enchaînant les séquences impressionnantes (l’ouverture de Climax, la traversée subjective de Enter the Void…), quitte à négliger quelque peu son récit.

Dès les premières minutes de Vortex, la surprise est donc grande lorsque le film nous plonge au-dessus du lit d’un couple âgé, à quelques instants de leur réveil matinal. On comprend rapidement que Gaspar Noé va s’éloigner de ses standards pour proposer une oeuvre bien différente. Elle sera peut-être toujours aussi cruelle, toujours aussi funeste… mais cette fois, elle sera portée par un dispositif beaucoup plus minimaliste à l’écran et une lenteur troublante, venant accentuer l’engourdissement physique et mental de ses personnages.

 

Vortex : Photo Françoise Lebrun, Dario ArgentoÀ la recherche du temps restant

 

Du haut de ses 57 ans, Gaspar Noé quitte ainsi son cinéma survitaminé et tripant, le temps d’un film, pour regarder plus loin qu’auparavant, du côté de la mort. Certes, le cinéaste avait déjà étudié la mort avec son Enter the Void à travers une longue errance post-mortem subjective. Ici, cependant, terminé les néons et tropismes habituels, le cinéaste s’engouffre dans une longue déambulation pré-mortem au coeur d’un appartement parisien.

Cet appartement, c’est celui d’un couple âgé, un homme et une femme. Lui est un ex-critique de cinéma et désormais écrivain (Dario Argento) ; elle est une ancienne psychiatre complètement sénile, perdant la mémoire et ses repères (déchirante Françoise Lebrun). Avec une sobriété inattendue, son Vortex va alors raconter les longs derniers jours de leur existence.

 

Vortex : Photo Dario Argento, Françoise LebrunUn premier regard vers la mort ? Un dernier regard vers la vie ?

 

mort irrévocable

Après une intro relevant presque du surréel, Noé démarre son long-métrage de manière très ingénieuse : le réveil du couple âgé pour mieux les séparer. Splittant l’écran en deux par une bande noire, la caméra va ainsi suivre les pérégrinations des deux seniors en parallèle et en quasi-temps réel. Le dispositif est assez déconcertant au premier abord et l’idée même de le tenir sur 2h22 était un défi plutôt ambitieux, voire casse-gueule. Pour être véritablement honnête d’ailleurs, si l’ensemble est vraiment maîtrisé, le temps est parfois un peu long sur la durée.

Malgré tout, cette idée dépouillée est un moyen malin de ne pas s’enfermer à travers un seul regard et de mieux fouiller les lassitudes, les craintes, les mesquineries (in)volontaires ou les errances et démences respectives des deux personnages principaux. Si la mise en scène est dénuée d’effets, elle n’en reste donc pas moins fascinante, l’ensemble se déroulant au trois quarts dans un appartement étriqué où livres, paperasses et babioles en tout genre jonchent les couloirs et meubles vieillis par le temps, comme une allégorie des cerveaux malades du couple en décrépitude.

 

Vortex : Photo Françoise Lebrun, Dario ArgentoEnfermés, encerclés, exténués

 

Par conséquent, Gaspar Noé saisit avec un réalisme désarmant (et déprimant) le délitement de ce couple. Un duo marqué par le temps (Noé nous avait prévenus, il détruit tout) dont le cinéaste capte le désarroi à travers leur regard vide dévastant, leur désolation de vivre (les excuses du personnage de Françoise Lebrun achèvent tout). Et en les enfermant dans ces cadres exigus, il capture surtout leur attente désespérée d’une mort certaine, menaçante et pourtant patiente, comme si elle se complaisait de leur souffrance.

Alors si Gaspar Noé réalise sûrement son film le plus mature de par son sujet et son traitement (et aussi son plus grand public, malgré sa rudesse), Vortex est peut-être aussi son film le plus triste et émouvant. Car Vortex dépeint un état que l’on pourrait tous connaître personnellement (ou à travers un proche comme l’expérimente le fils interprété par le très juste Alex Lutz) et devient littéralement ce que le panneau d’ouverture nous annonçait en préambule : une oeuvre saisissante sur la vieillesse et ceux dont « la mort du cerveau arrivera avant celle du coeur ».

 

Vortex : Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Avec un dispositif minimaliste inhabituel et une lenteur troublante, Gaspar Noé filme la tragédie de la vieillesse avec une sobriété bouleversante dans Vortex, captant la dégénérescence d'un couple entre solitude, crainte, mesquinerie, désolation de vivre et attente désespérée de la mort. Déprimant.

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Bob nims

Bouleversant le choc de cette année pour l’instant avec à plein temps

The insider38

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 poule : Alors si tu avais la moindre connaissance sur Gaspard Noé , tu saurais qu il à toujours fait exactement l’inverse de ce que tu décrit , et Vortex c est tout sauf tire larmes ! Donc cesse de dire des bêtises plus grosse que toi, Merci

Carne et sang pour sang viandard

Carne et seul contre tous avec l’immense Philippe Nahon, quand on regarde ado( pour Carne) çà fait l’effet d’une grosse taloche dans la gueule,
Gaspar Noe nous fait un cours de droit magistral,dans la scene d’intro de « seul contre tous »: un type explique au boucher errant un peu incesteux et glauque,que le « Droit » c’est le flingue, la Republique et les etats occidentaux vous ont demontre depuis 5 ans c’est qu’est l’etat de droit, hein

Poule

Il ya un nom pour caractériser la façon dont certains artistes cherchent coûte que coûte à tirer des larmes de leurs spectateurs ? Mettre en scène des vieux en train de mourir ce n’est pas un peu obvious/obscene ??

Oli L

Vous soulignez beaucoup le côté tapageur et les effets de style de Gaspar Noé, mais c’est oublier un peu vite qu’il avait déjà oeuvré dans la sobriété et la lenteur sur LOVE.

Schtroumpfette

J’avais adoré Amour mais en étais sortie bouleversée car mon père avait, comme le personnage principal, été victime d’un AVC. Maintenant que ma propre vieillesse approche, je suis sûre que ce film va me toucher droit au coeur. Je suis impatiente de le voir et de retrouver en tant qu’acteur Dario Argento , dont les films ont enchanté mon adolescence.

The insider38

Je dois être parmis les fans les plus hardcore de Gaspard Noé depuis Carne.
J ai vu et revue tout ses films, et celui-ci y compris. Et c est gagné une fois plus.

Il va chercher la ou personne ne l’attendais. Pas d’effet de lumière, je trouvaille filmique.
Gaspard Noé va bousculer le chaland avec un split screen de 2h20, en posant la caméra et c est tout.
Il vole 2h de la vie de ce couple sur la fin, les deux sont expetionnel de justesse , Alex lutz est décidément le meilleur acteur de sa génération.
Encore une fois , on ne sort pas choqué mais sévèrement bousculé par ce nouvel uppercut, qui ne fera pas scandale. Voir ne trouvera pas son public .

Simon Riaux

@Hank Hulé

Oui, c’est juste la vie.

Et c’est bien pour ça que tout le monde est bien content de mourir, et de traverser ce petit moment de vie.

Julien

Je crois que je suis totalement passé à côté du film… J’adoré Gaspard noé mais là j’ai trouvé le temps très long… Je n’ai pas du tout réussi à accrocher aux personnages (à part peut-être celui du fils).
Des dialogues improvisés pourquoi pas, mais on sentait trop que Dario Argento chercher ses mots.
Je pensais être ému mais j’attendais juste qu’ils meurent pour pouvoir rentrer chez moi :/ D’ailleurs les applaudissements à la fin de l’avant première étaient assez tièdes malgré un public de fidèles.

Hank Hulé

« la tragédie de la vieillesse » : ben non, c’est juste la vie…