ALL THE MONEY IN THE WORLD
L’ascension d’Anthony et Joe Russo a de quoi donner le tournis. Initialement réalisateurs de sitcoms (Community) et de comédies générique (Toi et Moi… et Duprée), techniciens métronomiques devenus directeurs de chantier pour Disney, les frères sont sur le point de se hisser au sommet de la chaîne alimentaire hollywoodienne. Si les possesseurs de globes oculaires savent depuis quelques années que leur association engendre des ravissements esthétiques aussi épanouissants que des ruptures aortiques, leur talent de producteur n’a jamais été pris en défaut.
Hyperactifs sur le grand comme le petit écran. Capables de jouer les bonnes fées de créations indépendantes comme l’Australien Relic, tout en travaillant à l’adaptation prochaine en live action du Hercule de Disney, sans oublier de revisiter en format sériel Les Guerriers de la nuit, pendant qu’ils mettent ici et là en scène leurs propres longs-métrages, tous deux ont manifestement un flair remarquable, doublé d’un don certain pour l’ubiquité. Entre curiosité, stakhanovisme de studio, opportunisme remakeur et taylorisation des tropismes culturels en vogue, leur réussite professionnelle est indiscutable, pour ne pas dire éclatante.
Après un Cherry pensé comme un tremplin à Oscars, accueilli par la critique et le public avec un mélange de consternation et de cruelle hilarité, les Russo ont donc changé de braquet. Ils reviennent au divertissement grand public, entre pure bourrinerie d’action et figures imposées d’un certain cinéma d’espionnage, le tout mélangé à plusieurs identités remarquables des grosses machines super-héroïques. Un alliage stratégiquement pertinent, qui permettra à certains spectateurs d’oublier leur mort prochaine, à moins qu’il ne provoque la fusion immédiate de leurs cerveaux.
Dr MOUSTACHE VS ETHAN DRUNK
Absent des écrans depuis 2018, Ryan Gosling n’est pas là pour enfiler des perles, mais plutôt interrompre l’existence de quantité de figurants interchangeables, en enchaînant les répliques supposément iconiques. Non pas que celles-ci soient immortelles (au contraire, le comique de répétition inspiré de la caractérisation de Snake Plissken, tournant autour de la pointure du personnage est d’un rare embarras), mais l’acteur y introduit une indéniable énergie. Plus que sa partition connue de Droopy meurtrier, il s’amuse ici avec l’indéniable dimension cartoonesque de son personnage.
Invincible, mais infoutu d’échapper à ses poursuivants, capable de transformer en tourte aux gencives n’importe quel butor à condition qu’une copine lui sauve les miches, “Six” se prête autant au premier degré musculeux qu’au pastiche potache. Or, le comédien excelle dans ses deux registres, comme le rappelle le toujours indispensable The Nice Guys. Il parvient donc souvent à tirer son épingle du jeu, notamment grâce au soutien de Chris Evans, manifestement désireux de nuancer son image de poireau patriote.
Moustache de douanier incestueux, sourire plus carnassier qu’une réforme de l’assurance chômage, jubilation manifeste dans l’accomplissement de maintes exactions, le guy est bad. L’antagoniste auquel l’interprète de Captain America prête ses traits est une source perpétuelle d’excès, qui réussit à impulser quelques saillies drolatiques au récit. Le tout étant écrit de manière à moquer sans sermonner, plusieurs traits traditionnels du virilisme hollywoodien, le pas de côté est plus d’une fois appréciable. Rien de bien folichon certes, ou de franchement original, mais un engagement de la part du duo d’acteurs qui compense par endroits la nullité de l’écriture ainsi que l’absence d’enjeux.
LEXO MILLE
Ceux dont l’ambition est prioritairement de laisser leur cerveau au garage pourront retirer quelques satisfactions du visionnage, grâce à un tempo soutenu, et une volonté manifeste de mettre au chômage l’essentiel des offices du tourisme européens. C’est bien simple, on se demande parfois si le blockbuster n’est pas un prétexte permettant à ses initiateurs de faire un petit tour du marché immobilier de l’espace Schengen, histoire de spéculer ou de renouveler leurs résidences secondaires.
La conséquence : une grande variété dans les lieux visités, et un plaisir tantôt ludique, parfois sadique, mais toujours immédiat, dans la découverte des espaces où s’agitent les personnages.
De même, le budget, qu’on devine très confortable, autorise le film à s’amuser comme un gosse hyperactif avec les moyens à sa disposition. Le filmage au drone est en passe de devenir une mode ? Vite, The Gray Man en intègre dès qu’un de ses protagonistes retient un pet sauce. Le spectateur aime les explosions ? Vite, dépensons l’équivalent du P.I.B. du Nevada en kérosène ! Les gens ont des goûts douteux en matière de style capillaire ? Vite, teignons Ryan Gosling en blond ! Cet enthousiasme, plutôt que de verser dans la bourinnerie qu’on pouvait redouter, rapproche l’ensemble d’une tonalité innocente, presque cartoonesque.
Jusque dans ses costumes plastiquement grossiers, mais plaisamment tapageurs, The Gray Man a des airs de James Bond mongoloïde, d’évocation fantasmée et régressive de ses propres références. On y pense bien évidemment lorsque Six fait la rencontre d’un allié grimé n’importe comment, traître évident, dont le cabotinage devient une source de plaisir instantanée. Tous ces plaisirs pris individuellement sont bien minces, mais additionnés, ils permettent au long-métrage de s’écouler sans engendrer de trop lourdes séquelles. Après coup, il semble que ces quelques points plaisants soient à mettre au crédit des compétences de producteurs des frangins Russo, qui confirment ici leur capacité à saisir l’air du temps, s’y conformer et en identifier les éléments les plus appréciés par le public.
BEAU COMME UN CAMION
Leurs qualités de metteurs en scène demeurent inchangées et les frères prouvent une nouvelle fois que la division par zéro n’a rien d’impossible. On se souvient déjà que dans Captain America : le Soldat de l’Hiver, ils parvenaient à gâcher une série de chorégraphies efficaces grâce à un montage abscons de plans immondes, pensés pour sur-stimuler un spectateur considéré comme un débile léger. Sans retrouver les sommets d’ordurerie filmique de leurs précédents écarts, les frangins font une nouvelle fois montre de leur incapacité à comprendre les enjeux de la narration par l’image.
Leur usage des drones en est la vibrante illustration. Il y a quelques mois, Michael Bay les précipitait au milieu des scènes d’action d’Ambulance, proposant ainsi des images jamais vues et une grammaire de l’action aussi affolante qu’inédite. Pour les Russo, il s’agit au mieux d’un joker permettant de compenser une gestion spatiale défaillante (au risque d’aplatir l’action), au pire d’une coquetterie stérile, brandie pour faire office de transition sitôt les personnages visitant un nouveau décor. Si l’ensemble est traversé d’images « cools », parfois marquantes, à aucun moment tout cela n’est pensé à la manière d’une série d’éléments tenus de s’assembler.
Chaque protagoniste est désormais un super-héros en puissance, à ce point au-dessus de toute forme d’enjeux ou de menace qu’il n’est même plus nécessaire de les aborder par le biais du découpage. On demeure ainsi sidéré par le morceau le rabotage de Vienne, au centre du film ainsi que de sa promotion. Quantité d’idées rigolotes défilent devant nos yeux, d’une poursuite à contretemps, dopée par les surfaces réfléchissantes environnantes, en passant par une fusillade immobile quand notre héros se retrouve menotté à un banc, pour ne citer que ces deux petites trouvailles.
Mais aucune n’est jamais contextualisée, découpée, mise en perspective, le montage ainsi que les cadrages ne se demandant jamais quel est le sens de ce qui est raconté. Qui sont les antagonistes ? Combien sont-ils ? Pourquoi n’arrêtent-ils pas de devenir morts ? On s’en bat les steaks. Producteurs compétents et filmeurs incapables, les Russo ont commis un film qui leur ressemble : confortablement inconsistant.
The Gray Man est disponible sur Netflix depuis le 22 juillet 2022
@Akata
« c’est du cinéma du divertissement »
C’est tout le problème, justement. Désolé d’apprécier le divertissement justement.
Encore des critiques ciné qui s’écoutent écrire certe rien de nouveau sous le soleil mais on passe un bon moment n’est-ce pas le but du cinéma ? Ah mais oui j’avais oublié pas de s*x de grossièretés pas de sujet à la mode ou d’histoire tordue ou l’on crie au génie alors que personne n’as vraiment compris le sens du film et là un scribouillard pond une critique huileuse et narcissique sûrement écrite face à sont miroir où il congratulait chaque fin de phrase par un regard admiratif échangé avec lui même et au miracle on se prend pour des intellos du cinéma on crie au scandale mais ouvrez les yeux c’est du cinéma du divertissement on cherche pas l’Oscar ni la palme juste du divertissement sur netflix , je pense que c’est un frustré aussi ça sent bien le frustré ça demi journaliste va !
J’ai laissé mon cerveau au garage et j’ai été satisfait du film.
Bon, il n invente rien de nouveau mais il est dynamique et efficace.
De toute maniere, difficile de trouver mieux aujourd’hui dans ce genre de film et sur cette plate-forme. Tout est calibré au millimètre près à l instar des Marvel. Le cahier des charges est rempli.
Le premier film américain où je sens l’influence des films d’action indiens. Je me suis fait la remarque au moment de la scéne du tramway et deux minutes après débarque un acteur indien.
Bon, on est encore loin de RRR, va falloir penser à mettre de l’histoire et de vrais personnages dans tout ça.
Visionnage terminé.
Vaut surtout le coup pour Chris Evans méconnaissable en bargeot total. Sinon, beaucoup de voyages façon James Bond, des grosses bastons, des scènes d’actions surréalistes, le tout au profit d’un scénar proche du néant. Une série B divertissante mais qui sera aussi vite oubliée que vue.
Bon la critique en fait un peu des caisses, mais mise à part l’assurance chômage il faut admettre que c’est très juste…Mais par contre : c’est quoi le bail avec la prétendue teinture de Ryan ? Il a toujours était blond le garçon.
J’avoue que je n’ai pas pu le voir jusqu’au bout. C’est un bouillon d’inculture cinématographique.
Grosse purge indigeste et sans âme dès les premières secondes, derrière une avalanche d’image indigeste, un film qui n’as rien à dire ou à montrer, froid, plat…
Bon ben ça y est, Ryan commence lui aussi à partir en couilles…
Sympathique et agréable a regarder .
Un vrai superman