DE DEBILE EN SYLLA
C’était l’une des fiertés du lol des internets (s’il n’a jamais existé des fiertés dans le domaine), mais la troupe comique Broute annonçait il y a peu sa dissolution. Sauf que pas complètement, puisqu’une tentative de recyclage au cinéma semble avoir lieu. On a pu ainsi voir Bertrand Usclat et Pauline Clément au second plan du chef d’oeuvre du rire Menteur. Et cette fois, c’est bien au centre de l’affiche que l’on peut les voir – avec en plus quelques apparitions du comparse Johann Cuny – et, comme dans Menteur, le groupe se vautre dans les clichés, les stéréotypes sociaux, et les travers de l’humour bas de gamme qu’ils croquaient autrefois. C’est même pire ici.
Jumeaux mais pas trop, c’est un peu notre Nadine Morano à nous autres qui aimons le cinéma, un film qui se permet de dire toutes sortes d’horreur et d’images consternantes sur vous-savez-qui, mais comme elle a une pote Tchadienne, ça va. Ici, c’est pour rire et on a carrément un frère plus noir qu’arabe, donc ça va, ne leur faites pas le coup du racisme, on en a vu d’autres. D’ailleurs, c’est Ahmed Sylla le protagoniste, donc chat perché, circulez y’a rien à voir. Si c’était raciste, il aurait refusé de jouer ce travelling compensé hilarant où il réalise que Bertrand Usclat est vraiment son jumeau en versant son lait blanc dans son café noir – qui donc, littéralement, passe crème.
LES BANANES DE BANANIA
Bon, vous voyez le topo, et puis de toute façon, la présence fugace mais bien entendu irritante et bruyante de Medi Sadoun dès le premier plan du film – un accouchement du point de vue du vagin en courte focale, faut-il le préciser – laissait peu de place au doute quant à la cible et à la qualité de l’humour de la croûte du jour. Un tableau si évidemment déplorable qu’on se demande ce que toute l’équipe de Broute a fait au Bon Dieu pour devenir exactement ce qu’elle parodiait avant, s’il s’agit d’un grand remplacement retournement de veste, ou s’ils ont toujours fait de l’humour de droite Banania en secret.
Car oui, le personnage de Bertrand Usclat affirme au cours d’une réplique au premier degré dans une scène sérieuse : « Je ne vais pas m’excuser d’être de droite, blanc, catho et gosse de riche ». Ce qui tombe bien, personne ne le lui demandait, mais tout le monde n’a pas les mêmes angoisses matérielles.
Alors puisque le film définit lui-même son personnage en ces termes, reprenons-les, assumons-les également et regardons-les en face, car ces préoccupations en disent long sur la panique morale qui habite Jumeaux mais pas trop, héraut macroniste de la cause de l’oppressé Bernard-Henri Lévy. Ce n’est pas le problème, et il a le droit de se faire plaisir en passant ses journées à chanter du Natasha St-Pier en dansant (oui c’était interminable).
On avait pourtant mis l’option silencieux sur BlaBlaCar
DE QUI SE MOQUE-T-ON
Le problème du personnage de Bertrand Usclat c’est qu’il est une ordure cynique opportuniste et le sait, qu’il joue au gars du terroir alors qu’il sort des grandes écoles. Il méprise et déshumanise les prolos et parle des pauvres racisés comme de « ces gens-là », nécessairement délinquants. Et Jumeaux mais pas trop, qui lui accorde la trajectoire narrative et émotionnelle la plus approfondie, en faisant de lui le héros du film (alors qu’Ahmed Sylla en est le personnage principal, on le rappelle, ce qui là aussi en dit long), est une tentative d’acceptation forcée et d’auto-absolution de cet infect qui ne s’excuse pas et rejette ses fautes sur son identité, au moyen du rire, si innocent.
Sauf que Dieudonné a prouvé depuis longtemps que ce n’était pas possible. Foutue cancel culture. Et c’est d’autant moins possible quand le rire se limite à pointer du doigt la couleur de peau d’un homme noir quinze fois par minute et via une dizaine de personnages différents, avec force exclamations effarées. Tout de même, quelle drôle de situation, cet homme n’est pas blanc. Rendez-vous compte, il est même noir. NOIR ! Une situation si anormalement ubuesque qu’elle sera le moteur comique de 95% de Jumeaux mais pas trop. Les 5% restants pesant lourd sur les épaules des guignolades de Marc Riso, qui ne peut porter seul la charge de péter et trouer son slip pour aérer l’odeur empestée qui plane sur l’humour du film.
Sur petit écran ça passe mieux
TÉLÉ MAIS PAS CINÉ
Mais bon, au moins ses interventions sont moins racistes, c’est déjà ça. Drôle de sensation tout de même que d’aller découvrir chaque comédie française en se demandant si elle versera dans l’ignominieux ou pas, alors qu’on devrait se demander tout simplement si l’on va rire et voir une bonne histoire ou non. Mais prenons le temps tout de même de ce recul pour revenir à cette préoccupation première, normalement prioritaire quand elle n’est pas supplantée par la préoccupation zéro de la discrimination. Rassurez-vous, Jumeaux mais pas trop ne vous posera pas de dilemme moral du type Naissance d’une nation ou Triomphe de la volonté.
Car, sans l’abject, Jumeaux mais pas trop ne ferait que passer de mauvais à nul. Il nous resterait alors sur les bras un film prodigieusement mal assemblé et monté. Un film incapable de raconter correctement une histoire pourtant extrêmement élémentaire même dans son versant sérieux, incapable de développer un univers graphique, ou de mieux caractériser ses personnages qu’un épisode de Salut les musclés. Eux au moins avaient l’explication de l’époque et du manque d’argent. Mais en 2022, avec 6 millions d’euros, et dans un monde où Franck Dubosc arrive à le faire, c’est impardonnable.
#Quisquose Qui est-ce, mon jumeau caché ?
#Rueur. C’est bon Ahmed Sylla on t’a reconnu.
Je me disais tout à l’heure que j’aurais du reconduire Sarkozy au pouvoir en 2012 plutôt que le gaucho neuneu.
Vous nous refaites le coup de « Les 7 vies de Léa », que vous avez massacré quand c’était un approfondissement rare et bouleversant du thème du voyage dans le temps familial (loin des pitreries fétichisées de Retour vers le futur) ! A croire que vous avez trop fixé pendant des heures les histoires permutables entre elles des Super Héros et trop disséqué les tortures à la Scie sauteuse des films d’horreur.
Pas possible que dans votre équipe, il n’y est pas une personne apte à distinguer de grosses merdes comme les séries à la chaîne sur Netflix que vous encensez souvent ou caressez d’n gentil 2 ou 3 étoiles, et ce film qui fait dans la nuance et tient le fil sans tomber entre ce qui serait de la caricature ridicule et du gros rire sur les facilités du ressort scénaristique des jumeaux qui se découvrent.
La scène face à la mère biologique est tout simplement magnifique !
La direction d’acteurs est exceptionnelle de finesse, vraiment !
Le traitement de la banlieue évite l’excitation mauvaise des films habituels, genre cowboy chez les indiens, et même (c’est dire) le politicien de droite n’est pas dans le cliché caricatural.
je vais plus loin : plus que dans En Place, pourtant souvent intelligent malgré le scatologique et la provoc courte, ce film qui n’est ni comédie française habituelle avec amitié forcée communautaire dont notre pays se fait la spécialité (Qu’est-ce qu’on a fait, etc) ni drame sur l’adoption… JUMEAUX MAIS PAS TROP réussit à métaphoriser l’abandon de la jeunesse par un Pays qui croit devoir renoncer à l’universalisme de la République.
Carrément.
Quelque chose vous aveugle, et ça me fait trop de la peine car j’ai envie de soutenir l’aventure de votre site, que j’apprécie.
@Lé Z « (« un homme de droite »: à croire que ça devient une tare d’être de droite. L’horreur gauchiste a encore de beaux jours devant elle …) »
Ben oui, c’est une tare. Comme l’égoïsme ou la cupidité.
L’équipe de broute suit le même chemin lisse et politiquement correct que tous les autres jeunes youtubeurs que Canal+ a acheté.
« un homme de droite »: à croire que ça devient une tare d’être de droite. L’horreur gauchiste a encore de beaux jours devant elle …
Ce film ce sera sans moi l’humour raciste mais qui fait mine de ne pas l’être j’en ai marre faisant parti de la communauté visée c juste chiant on en a bouffé avec qu’est ce qu’on a fait au bon dieu flemme de cet humour naze on est en 2023 n’y a t’il pas d’autres sujets d’humour dans notre pays hormis pointe la différence ?
Ouaou… Ça c’est une critique hyper objective…
Je viens de le voir, ce n’est effectivement pas la comédie du siècle (française de surcroit donc forcément…) et me suis inscris spécialement pour commenter tant cette critique me semble profondément violente, injuste et « bizarre ».
Y aurait-il une sorte de règlement de compte entre le rédacteur et des intervenants de l’équipe technique du film ? En quelques clics sur Google on peut s’interroger sur ce sujet… #parano
Néanmoins, j’ai l’impression que la critique se base sur la bande-annonce ou quelques extraits vidéo piochés ici et là. Il manque plein d’éléments « factuels » du long-métrage non recensés dans cette critique, c’est très étrange.
Je ne sais pas si les comptes défendant le film sont des profils fakes créés lors de la sortie du film pour le défendre un peu (#parano bis) mais je les rejoins malgré tout, y a une violence verbale assez dingue envers cette fiction – j’ose – inoffensive. J’ai du mal à comprendre cette espèce de haine pour un truc moyen et convenu, touchant et assez émouvant malgré tout.
On vous a connu nettement moins incisif et virulent envers des productions plus douteuses (moralement et esthétiquement).
Bref, une anomalie, un parti pris, une sincérité, une revanche ? Le mystère reste entier…