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Close : critique boys don’t cry

Par Axelle Vacher
13 juin 2023
MAJ : 14 juin 2023
6 commentaires

Quatre ans après avoir reçu la Caméra d’or au Festival de Cannes pour Girl et s’être imposé comme l’un des jeunes cinéastes les plus prometteurs de sa génération, Lukas Dhont revient avec Close, une chronique sensible sur l’amitié entre deux jeunes garçons (incarnés par Eden Dambrine et Gustav De Waele). Présenté cette fois-ci en compétition officielle et récompensé du Grand Prix, ce second long-métrage est-il à la hauteur du premier ?

affiche (2)

to be or not to be

Rapidement érigé au statut de jeune prodige suite à un premier passage cannois bouleversant en 2018, Lukas Dhont a su proposer, du haut de ses vingt-six printemps, un premier long-métrage sensible, âpre, et viscéral. Retraçant avec une infinie bienveillance le parcours de Lara, aspirante danseuse étoile transgenre aux prises d’une anatomie discordante, Girl déployait un discours tout en délicatesse sur le passage à l’âge adulte, l’identité et les questions de genre.

Par le prisme de cette deuxième oeuvre, tout aussi intime que sa prédécesseuse, le jeune cinéaste se réapproprie ces mêmes thématiques afin d’en explorer un autre versant. Largement inspiré de son propre spleen pré-adolescent, il sonde sans ambages les retors de la masculinité à l’aune de la puberté.

 

Close : photoJardin d’Eden  

 

Pour mieux mettre en exergue le drame à venir, Lukas Dhont prend d’abord soin de déployer durant les quinze premières minutes de son métrage toute l’ampleur du lien fusionnel unissant ses deux protagonistes, Léo (Eden Dambrine, véritable révélation), et Rémi (Gustav De Waele, brillant d’une sensibilité à fleur de peau).

Âgés de treize ans, âge charnière dans l’évolution des rapports entre le soi et le monde, les deux garçons jouissent encore innocemment du cadre bucolique de la ferme florale dirigée par la famille de Léo. Là, ils se rêvent chevaliers, frères d’armes, se lancent à corps perdu dans des courses à dos de bicyclette et multiplient sans retenue les démonstrations d’affection physique sous la caméra résolument attendrie du cinéaste.

 

Close : photo, Eden Dambrine, Gustav De Waele, Émilie DequenneUne alchimie évidente entre les acteurs 

 

Néanmoins, la relation va connaître un point de rupture violent dès lors que les deux personnages font leur entrée au collège, où le caractère organique de leur complicité ne tarde pas à attirer l’attention de leurs camarades. À travers les propos tantôt curieux, tantôt franchement cruels et insistants des autres adolescents, visiblement confus, voire indisposés par cette transgression flagrante des codes sociaux traditionnels, le cinéaste introduit à son récit les prémices d’un rejet instinctif de l’intimité pour mieux apaiser le regard d’autrui.

 

Close : photo, Gustav De Waele, Igor Van Dessel, Gustav De Waele« Parce que c’était lui, parce que c’était moi »

 

un homme, un vrai

Soucieux à l’idée que son amitié avec Rémi soit perçue comme quelque chose de sexuel, Léo prend la décision de s’éloigner de ce dernier et s’inscrit promptement dans une logique de performativité masculine factice. Sur les conseils d’un camarade dont il cherche à imiter la virilité (si tant est que le terme soit de mise), l’adolescent rejoint alors le club local de hockey sur glace.

Le choix de ce sport par le cinéaste est loin d’être anodin, et sous-tend intelligemment la brutalité et la compétitivité attendues des jeunes hommes en devenir. Le casque grillagé plaqué sur le visage de Léo illustre quant à lui l’autocensure émotionnelle que s’inflige le personnage, matérialisant de surcroit les barrières nouvellement érigées entre son intériorité et le monde qui l’entoure.

 


Close : photo,, Eden DambrineComme un oiseau en cage

 

Avec Close, Lukas Dhont dirige donc un film fondé sur le non-dit au sein duquel l’émotion ne passe plus, par pudeur et par nécessité sociale, par le dialogue, mais par le corps. Véritables réceptacles de cette vulnérabilité sèchement sacrifiée sur l’autel de la norme, les corps des deux personnages se laissent progressivement accabler sous le poids de leur sensibilité rompue et d’une culpabilité naissante.

Blessé par cette distance abrupte dont il ne saisit pas le raisonnement, Rémi exulte tout d’abord son mal-être par la violence, avant de finalement commettre l’irréparable. Léo, quant à lui, compense ses tourments intérieurs par l’éreintement physique, une thématique déjà observée dans le film précédent du cinéaste.

Toute la mise en scène du métrage est ainsi axée selon les regards et les mouvements de Léo. Le personnage officie de point d’ancrage au dispositif cinématographique du cinéaste, lequel confirme ses talents de chorégraphe aguerri. À l’instar des pas de danse de Lara dans Girl, chacun des gestes, chacun des regards, chacune des intentions corporelles du personnage sont frontalement scrutés par l’oeil de la caméra pour mieux en retranscrire le langage contraint.

 

Close : photo, Gustav De WaelePerte de l’innocence imminente

 

so close

De son propre aveu, Lukas Dhont a éprouvé une difficulté certaine à faire le deuil de son premier film, tant et si bien que celui-ci semble ouvertement hanter son successeur. Outre les thématiques et motifs récurrents par lesquels se caractérise la filmographie pourtant concise du cinéaste, le traitement des dynamiques entre les personnages et même certains plans semblent parfois reproduits à l’identique entre les deux films.

On pense par exemple à la scène où Léo rejoint son frère aîné dans son lit, écho évident à celle où Lara rejoignait le lit de son père au beau milieu de la nuit, ou encore celle où la mère de Léo (brillamment interprétée par Léa Drucker) enlace son fils par-derrière tandis que celui-ci, en proie à ses émotions, se débat furieusement pour échapper à son étreinte. Un moment d’humanité cru déjà observé à l’identique entre Lara et son père.

Si ces récurrences visuelles n’enrayent nullement la qualité globale du métrage, elles témoignent néanmoins d’une certaine bévue du réalisateur à s’affranchir de potentiels tics de mise en scène.

 

Close : photo, Émilie Dequenne, Eden DambrineÉmilie Dequenne, absolument brillante

 

Autre bémol et pas des moindres, là où le jeune cinéaste était parvenu à s’écarter des pistes maintes fois éprouvées du drame moralisateur avec Girl, Close succombe quelquefois à ces retors malheureux, lesquels affaiblissent l’expérience et le propos du film. Après une première partie lumineuse, le récit cherche un peu trop à forcer l’émotion du spectateur, et ne résiste que difficilement aux codes du mélodrame.

Le métrage multiplie ainsi les recours à une bande sonore saturée de violons lancinants, les plans contemplatifs sur les visages fermés de ses protagonistes, et les symboliques complaisantes. En résulte une oeuvre certes plus aboutie que Girl sur le plan technique, mais plus fabriquée, et moins authentique que ce dernier. 

 

Close : photo, Émilie Dequenne, Eden Dambrine, Léa DruckerQuelques instants de lumières

 

Il ne s’agit toutefois pas de jeter la pierre à Lukas Dhont pour ses quelques effets de fabrique. Somme toute, si Close est loin d’être aussi organique que le premier né du cinéaste, il n’en demeure pas moins un joli testament d’intimité. Portrait délicat (dans tous les sens du terme) d’une amitié aliénée par les codes archaïques du conformisme hétéronormé, le nouveau film de Lukas Dhont renferme au sein de son écrin maladroit un message précieux.

 

Close : affiche officielle (2)

Rédacteurs :
Résumé

Moins viscéral que le premier film de Lukas Dhont, Close présente malgré tout une chronique émouvante sur l'amitié, l'intimité et l'innocence à l'épreuve des codes traditionnels hétéronormatifs.

 

Autres avis
  • Alexandre Janowiak

    Close est loin d'être raté, notamment grâce à son jeune duo d'acteurs. Mais son scénario suit tellement un chemin calibré pour toucher la corde sensible et provoquer des crises de larmes qu'il en devient décevant, voire contrariant.

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Sanchez

Critique Boys Dhont Cry !
Rarement un film aura été aussi tire larme, c’est presque comme si on nous mettez un flingue sur la temps et qu’on nous hurle « pleurez bordel » , mais le Real a le talent pour nous faire ouvrir les vannes grâce à un savant dosage de blancs et de regards. Sauf qu’au bout de la 7eme scène de pleurniche , on bascule presque dans la caricature. Il y a quand même des moments poignants , surtout concernant le rôle des proches (le frère, magnifique et puis évidement Léa Drucker qui est au sommet depuis Jusqu’à la garde). Le début est d’une niaiserie pas permis et tous les dialogues semblent avoir été improvisés sur le moment tant ca ne paraît pas abouti. D’ailleurs on nous ne gratifiera pas d’humour belge mais d’un humour pas drôle , c’est étonnant vous verrez. En résulte une sensation de s’être fait un peu arnaqué par une sensiblerie exacerbé, peut aidé par un scénario de téléfilm qui n’approfondît pas ses sujets, mais on retient tout de même des scènes très fortes.
6/10

The insider38.

@Sanchez
Mes plus plates excuses, c’est vrai que nous avons des différents mais faisons la paix et discutons.
Vous avez l air d’être une belle personne.

Sanchez

@the insider en carton
Qu’est ce que tu ne comprend pas dans mon post qui regrette que les BA gâchent le plaisir ?
C’est pas le gars qui m’insultait parce que j’ai écrit une critique négative sur les nuit de mashad ? Tu brilles encore une fois mon guignol

The insider38

@Sanchez ; chacun de tes post est une invitation à dîner , t’as pas vu le film mais tu l’ouvre ! J adore

On va voir

Auront ils le courage de faire une scene de sexe entre les 2?? Ils en meurent denvie

Sanchez

On a déjà vu tout le.film dans la bande annonce.