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Piggy : critique d’un film dans lequel (presque) tout est bon

Par Simon Riaux
3 novembre 2022
MAJ : 7 novembre 2022
9 commentaires

Comment réagir quand un tueur sanguinaire s’en prend à vos tortionnaires ? C’est l’un des dilemmes auxquels sera confrontée l’héroïne de Piggy, premier film de Carlota Pereda, une metteuse en scène qui impressionne par sa puissance et sa sensibilité, mené par Laura Galán.

photo, Laura Galán

BOUCHERIE BOUCHÈRE  

L’été que Sara passe dans son village natal a tout du calvaire, malmenée par les habitants qui désignent son surpoids comme une tare à moquer. C’est à ce chemin de croix que se consacre d’abord la scénariste et réalisatrice Carlota Pereda. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’artiste n’y va pas de main morte. Humiliée, piégée dans un filet de pêche, les sévices subis s’enchaînent et on craint un temps que le récit n’adopte un trait si forcé, outré, qu’il ne bascule rapidement dans la complaisance.

 

Piggy : photo, Laura GalánL’été de tous les dangers

 

Il n’en est rien, justement parce que pour extraire Piggy de tout discours artificiel, ne pas circonscrire cette relecture du slasher à un projet de petit malin, au discours opportuniste, Pereda embrasse la grossophobie décomplexée qui s’abat sur son héroïne avec une emphase certes génératrice de malaise, mais indispensable tant pour nous faire pénétrer dans son esprit malmené et accueillir avec empathie les dilemmes qui seront les siens. Et quand Sara découvre, après une énième gifle symbolique, une scène d’une violence presque irréelle, vient le temps pour le film de nuancer considérablement son propos.

La fille du boucher, avilie et animalisée par ses pairs, sans cesse renvoyée à la symbolique de la viande, réifiée en permanence, va soudain bénéficier d’un pouvoir gigantesque sur ses semblables. Surgit alors une deuxième appréhension, celle de voir Piggy jouer la carte simpliste de la vengeance, comme si toute victime filmique ne pouvait s’accomplir comme personnage qu’en reproduisant ou prolongeant les violences qui lui ont été assénées. C’est à cet instant que l’ensemble évite cet écueil, pour nous immerger dans une fable ô combien plus radicale et ambiguë.

 

Piggy : photo, Laura GalánDe la viande sur les murs

 

NATURAL MEAT KILLER 

Jusqu’à sa conclusion, le long-métrage choisit de ne pas choisir. Non parce qu’il serait incapable de se positionner ou de caractériser suffisamment ses personnages, mais bien parce qu’il embrasse avec énormément d’humanité et un art chirurgical de la mise en espace, cette chronique d’un univers de violence, auquel se soustraire est une épreuve complexe et parfois contre-intuitive. Pour nous guider dans ce labyrinthe (a)moral, la réalisatrice soigne tout particulièrement le traitement de sa comédienne principale. 

Sa collaboration avec Laura Galán impressionne dans presque chaque scène, tant la caméra trouve systématiquement l’axe et la distance idéaux pour magnifier la prestation de sa comédienne, sans atténuer ni surmultiplier l’intensité de ses souffrances, ou les vertiges éthiques, moraux, humains, voire sensuels, qui la traversent. L’actrice, pour sa part, tient la dragée haute à un casting d’une belle tenue, grâce à une composition tour à tour précise et sensible.

 

Piggy : photoDécouper, c’est tromper ?

 

C’est sa présence, parfois miraculeuse, alliée à la finesse du découpage, qui permet aux quelques déferlements de violence de ne jamais sombrer dans le grotesque ou la fascination déplacée, tout en représentant leur magnétisme venimeux avec une réelle force.

Les ruptures de ton de Piggy n’apparaissent ainsi jamais comme des manœuvres scénaristiques, mais plutôt comme les conséquences évidentes, les soubresauts qui agitent son héroïne. On regrettera simplement que l’intrigue ainsi que la mise en scène, en dépit de leur intelligence et de l’impact durable qu’elles laissent sur le spectateur, n’explore pas plus avant la piste onirique qu’elles dessinent par endroits. À l’instar de cette première rencontre avec le meurtrier, dont le statut de rêve, cauchemar éveillé ou pure vision fantasmagorique, la relative timidité de l’ensemble en matière de brouillage des pistes demeure sa seule véritable limite.  

 

 

Piggy : Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

On aurait rêvé que Piggy s'autorise à aller encore plus loin dans l'ambiguïté, mais il constitue déjà un premier film d'une rare audace et intelligence, qui sème le trouble au fur et à mesure de son parcours de révolte et de violence.

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Commentaires
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MystereK

NIKKO2LYON c’est du bon français qui s’auto-comprend sans effort particulier , le françois a évolué depuis 1835.

@Marc-Aurèle

Sur tous les sites typiac qui se respectent. Il n’y a plus guère que sur ces sites qu’on ne fait pas de discrimination entre les films. Et ça permet encore de palier aux insuffisances des programmations en salles qui en sont réduites à diffuser du blockbuster pour survivre.

Loozap

Des films comme ça qui donne des frissons

@Nikko2Lyon

On peut traduire pour toi si tu veux parce que la langue française semble t’être une énigme.

La haine des gros.ses.

Ça te va mieux ?

Nikko2Lyon

Vous êtes obligés ici aussi de nous imposer ces termes de novlangue comme grossophobie ?

Mouais Bof...

Ca m’a l’air interessant tout ça

Chuck lorre

Il y a bcp de critiques sur senscritique qui date de la mie octobre c’est plus un film de cinéclub avec deux trois projot je pense

Doudwoud

C’est dispo en salle… Dans UNE seule sale mdr.

Marc-Aurèle

Où est-il disponible ce chouette film ?