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Corsage : critique qui libère Sissi l’impératrice

Par Chloé Chahnamian
14 décembre 2022
MAJ : 1 janvier 2023
8 commentaires

Grande figure de l’histoire, mais aussi du cinéma, grâce à Romy Schneider qui l’interprète à trois reprises dans la trilogie Sissi de Ernst Marischka, Élisabeth de Wittelsbach suscite toujours l’admiration et la fascination. Après la série autrichienne Netflix intitulée L’Impératrice, Sissi se voit dresser un nouveau portrait avec Corsage, long-métrage de la cinéaste autrichienne Marie Kreutzer. La plus célèbre des impératrices est interprétée par la fascinante Vicky Krieps, qui trouve ici un rôle qui lui semble taillé sur mesure. Corsage remanie et modernise l’histoire de Sissi pour en dévoiler un pendant beaucoup plus tragique, bien loin des représentations magnifiées et glamourisées de l’impératrice Élisabeth d’Autriche.

Photo Vicky Krieps

Une Sissi pas comme les autres

Comme Catherine de Médicis, Marie Stuart ou encore Marie-Antoinette, Élisabeth Amélie Eugénie de Wittelsbach ou « Sissi », fait partie de ces femmes qui ont marqué la grande histoire. Après son mariage avec l’Empereur d’Autriche François-Joseph Ier en 1854 (âgée de 16 ans), la duchesse est devenue impératrice et l’une des femmes les plus célèbres du monde par la même occasion. Admirée pour sa prestance et sa beauté hypnotisante, Sissi a depuis occupé les écrans, devant un véritable objet de cinéma notamment grâce aux films d’Ernst Marischka avec Romy Schneider. 

Une question se pose obligatoirement à chaque nouvelle œuvre consacrée à l’impératrice : comment raconter à nouveau la vie d’une femme aussi connue que Sissi ? Marie Kreutzer, la réalisatrice de Corsage, a bien conscience de cette problématique et a donc fait des choix audacieux, comme celui de ne jamais prononcer le nom « Sissi » ou encore de nous présenter l’impératrice à l’âge de quarante ans, bien loin donc des représentations plus juvéniles et habituelles de Sissi.

 

Corsage : Photo Vicky KriepsAu-delà des conventions

 

La Sissi de Vicky Krieps, qui prouve encore une fois l’étendue de son talent, n’est pas le personnage romantisé et glamourisé traditionnellement représenté. Ici, nous sommes spectateurs de la vie d’Élisabeth, une femme terriblement seule, constamment observée, épiée, et qui ne s’épanouit plus dans sa fonction. Cette femme admirée pour sa beauté, sa chevelure immense et ses robes majestueuses est montrée sous un angle différent.

Corsage a pour ambition de dévoiler la personnalité de l’impératrice, de révéler ses angoisses, ses ambitions, mais aussi de la montrer dans son quotidien et d’insister sur ce qui faisait d’elle une femme si différente, moderne et intelligente. Ainsi, le film réécrit l’histoire et décide de remplir son récit d’anachronismes plus ou moins pertinents.

 

Corsage : Photo Vicky Krieps, Finnegan OldfieldUn objet de cinéma avant l’heure

 

Enfermement impérial

En soi, si le téléphone sur un mur et le panneau de sortie de secours lumineux n’apportent rien à l’histoire, certains anachronismes arrivent à apporter des touches de modernité prouvant que Sissi était bien en avance sur son temps. Et c’est peut-être ce qui constitue toute la tragédie du personnage.

L’anachronisme le plus intéressant est peut-être celui de sa rencontre avec le pionnier du cinéma Louis Le Prince, qui filme l’impératrice et ainsi, fige son image dans le temps. La musique moderne s’accorde étrangement au récit et vient révéler la poésie qui se dégage du tragique destin de Sissi l’impératrice. Sissi est représentée comme une femme ayant envie de s’investir dans la politique de son pays, mais qui est sans cesse écartée par son mari. Constamment renvoyée à sa condition de femme d’empereur, elle est une « femme de » avant d’être elle-même. Sissi est un visage et un corps avant d’être une personne, elle n’est rien d’autre que la vitrine de l’empire d’Autriche.

 

Corsage : Photo Vicky KriepsUne femme comme une autre, ou presque

 

La mise en scène s’applique à faire ressentir cette impression de contrainte constante en la montrant souvent en train de se faire coiffer, apprêter, étirer. Son corps vieillissant, Sissi pourrait feindre à son devoir premier, celui d’être un physique avant tout. Escrime, équitation et gymnastique, le sport est le seul moyen pour Sissi de garder le pouvoir sur son corps qui vieillit. 

L’enfermement constant de Sissi est explicité par une métaphore visuelle chargée de sens. Comme Alice au pays des merveilles après avoir mangé le gâteau qui fait grandir, Sissi déborde de la pièce dans laquelle elle se trouve et touche le plafond. Elle étouffe. Sissi est bien trop grande pour ce monde archaïque et pourrait bien faire exploser la boite dans laquelle elle a été rangée.

 

Corsage : Photo Vicky KriepsSissi au pays des horreurs

 

Arracher le corset

Si Corsage reste plutôt classique dans son approche du « portrait de femme », il déjoue les attentes des biopics actuels comme récemment Blonde mais aussi les films de Pablo Larraín, en refusant de ne montrer que l’emprisonnement et en concentrant une grande partie de son récit à la libération de Sissi. D’ailleurs, la mort célèbre de l’impératrice est réécrite pour lui offrir une issue tout aussi tragique certes, mais moins arbitraire.

Après des années de conformisme, au tournant de ses quarante ans, elle décide de reprendre le pouvoir sur sa vie en s’éloignant de sa vie publique et peut ainsi s’épanouir dans ses voyages, ses rencontres, ses aventures. En réécrivant l’histoire de Sissi et en accordant une place importante à sa vie privée, Corsage permet à Sissi d’échapper à son funeste destin et lui accorde un temps de répit.

 

Corsage : Photo Vicky KriepsBreak Free

 

La libération temporaire de Sissi passe aussi par le fait qu’elle arrive à disparaitre de l’espace public, déjà en cachant son visage d’un voile puis en se faisant remplacer de plus en plus fréquemment par ses dames de chambre. Elles aussi cachées par un voile, elles peuvent parfaitement jouer le rôle de Sissi à qui il est simplement demandé de faire acte de présence.

Une séquence reste en tête, celle où sa femme de chambre porte à son tour le corset de Sissi et donc, se retrouve à devoir porter un poids bien plus écrasant, celui qui est constamment mis sur les épaules de Sissi. Malgré ses efforts, Sissi n’arrivera jamais à se libérer totalement alors la réalisatrice arrache son corset à sa place. Elle lui accorde le droit de fumer, jurer et surtout de se couper les cheveux, l’emblème de sa beauté et par conséquent, de son oppression.

 

Corsage : affiche

Rédacteurs :
Résumé

Marie Kreutzer et Vicky Krieps réinventent habilement l’histoire si connue et si romantisée de Sissi l’impératrice en lui permettant d’échapper à son tragique destin le temps d’un film.

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Alexandre  Janowiak

@Tous

« Romanisée » est simplement le mot romantisée sans le « t », le « t » s’étant fait la malle, tout comme le « u » de « glamourisée »

Merci pour vos signalements

Marcorele

Romanisé et glamorisé ? A vouloir se donner un style… On en oublie le sens des mots…
Mais cela n’aurait peut être pas été assez romancé ?

dominik75

« Romanisée  » Romancée peut-être ?

impostors

rendez nous Romy Schneider!

L'autre

« romanisée » ? Ben j’ai encore appris un mot mais pas sur de comprendre dans le contexte là….

Eusebio

@Geoffrey, ah, au temps pour moi, je n’avais pas vu passer cet article. Merci ! Quand j’ai cherché des infos, il n’y avait aucun lien à l’onglet « Critique Ecran Large » sur la page qui est consacrée à ce film.

Geoffrey Crété

@Eusebio

On en a parlé la semaine dernière dans nos conseils des sorties ciné :
https://www.ecranlarge.com/films/news/1459274-sorties-cinema-du-7-decembre

Eusebio

Ah ben une très bonne idée de sortie pour cette semaine.
Dites, Ecran Large, quand vous serez revenus de Pandora, vous pourrez nous parler de Nos Frangins ?