murder party
Fond noir. Trois coups. Une porte s’ouvre. Glass Onion : une histoire à couteaux tirés semble débuter comme une pièce de théâtre d’un autre temps dans ses tout premiers instants. D’autant plus lorsque les premières notes de la musique de Nathan Johnson rappellent celles introduisant l’immense manoir qui renfermait l’intrigue du premier volet. Et puis, soudain, la musique s’envole, plus tonitruante, délaissant son orchestre grinçant pour des notes plus chaleureuses appelant au voyage, à l’aventure et donc à l’inconnu.
Rien d’anodin à tout ça puisque les personnages sont, au départ, tous confinés lorsqu’ils reçoivent un mystérieux casse-tête de leur ami milliardaire Miles Bron (Edward Norton) les conviant à venir passer un week-end sur son île privée en Grèce. Même Benoit Blanc, le célèbre détective, végète dans son bain en multipliant les parties de Among Us avec ses célèbres confrères (un précieux caméo de Angela Lansbury), patientant désespérément d’être embarqué dans une nouvelle enquête.
En seulement quelques notes et quelques minutes, le jeu de faux-semblant peut donc démarrer, Rian Johnson précisant déjà aux spectateurs qu’ils devront toujours se méfier des apparences. Adieu les open-spaces vides, interviews à distance et apéros-zooms entre amis ouvrant le long-métrage, le cinéaste réunit en effet tout ce beau monde loin des préoccupations du monde entier. Car s’il place son récit dans le contexte de la pandémie de Covid pour mieux rajeunir le genre, il parvient surtout à écarter d’un claquement de doigts la menace planétaire avec une belle pirouette biotechnologique (la satire commence très vite) pour mieux plonger ses personnages dans un whodunit ensoleillé.
Et si, sur le papier, l’intégration du Covid au sein de l’intrigue pourra paraître superflu (voire dérisoire au vu de la manière dont le virus saute de l’intrigue d’un coup de gâchette), c’est pourtant sans doute ici que se cache, en partie, un fragment du propos dissimulé derrière l’intrigue meurtrière de Glass Onion.
meurtre au soleil
Avant tout, À couteaux tirés 2 (pour les intimes) est en effet un whodunit réjouissant dans la lignée du premier volet, sans pour autant repomper la même recette. Ainsi, les multiples amis du milliardaire sont invités en week-end, à l’origine, pour résoudre un faux-meurtre monté de toute pièce par l’hôte de maison. Un petit clin d’oeil quasi-meta (le film est d’ailleurs très drôle à ce sujet entre le Cluedo, Among Us…) que le cinéaste va complètement chambouler, les attentes du groupe d’amis sur cette murder party se renversant avec la présence inattendue de Benoit Blanc.
Il ne sera pas question de simplement jouer à un jeu (littéralement) ici, mais bien au contraire de confronter chacun à son propre (double-)jeu. La fausse enquête amusante entre potes se transforme en véritable jeu du chat et de la souris entre faux-partenaires, nouveaux rivaux et véritables judas. Au fur et à mesure de l’enquête, sombres secrets, désirs inavouables et trahisons impardonnables se succèdent pour mieux exploser à la face des spectateurs et surtout des personnages, découvrant les intentions réelles de leurs acolytes de longue date et les mensonges qui ont façonné leur relation.
De cette manière, Rian Johnson continue à explorer le genre pour mieux intriguer, amuser et déstabiliser. Et en connaissant sur le bout des doigts les codes du whodunit, il s’amuse en permanence à les tordre, les pervertir, les reproduire ou carrément les balayer d’un revers de main. Si À couteaux tirés posait Benoit Blanc en quasi-antagoniste vu la structure du récit, l’enquêteur devient la personnification du public dans Glass Onion, découvrant l’endroit au même moment que les spectateurs. Glass Onion transmet ainsi une double belle sensation : celle de savoir où l’intrigue nous mène (on voit plusieurs rebondissements venir grâce à Blanc) sans jamais écarter le mystère du « comment elle va nous y mener ».
Et c’est là que Rian Johnson renverse alors les dynamiques puisque dès qu’on a le sentiment de résoudre un des nombreux puzzles, un nouveau mystère vient s’ajouter à l’équation. Dès l’instant où Benoit Blanc semble lui-même en passe de résoudre l’enquête, Johnson se permet de basculer de point de vue. Difficile d’en dire plus sans trop en révéler, mais ce changement de perspective dynamite le récit en plein milieu de métrage, bien aidé par son montage multipliant les temporalités et les horizons.
Bien sûr, il vient contrecarrer les certitudes des spectateurs, les menant là où ils ne s’y attendaient pas forcément. Mais encore mieux, ce twist des perspectives permet d’amplifier le jeu de poupées russes mis en place. Et en offrant une double vision des événements, voire en mettant en scène les mêmes séquences sous un autre angle, Rian Johnson décuple le plaisir.
piège de verre
Autant dire que Glass Onion est un sacré rollercoaster avec ses nombreux retournements de situations et un parfait divertissement pour le grand public. Une aventure jouissive qui manque parfois de rythme (notamment dans son premier tiers), mais qui peut largement se reposer sur son côté régressif et l’éclectisme de son casting toujours mené d’une main de maître par Daniel Craig (mention spéciale au génial Edward Norton, au retour hilarant de Kate Hudson et à la mystérieuse Janelle Monae) pour séduire.
Sauf que comme Rian Johnson joue toujours sur deux tableaux, son whodunit est bien plus que ça. C’est sûrement ce qui rend d’ailleurs aussi passionnant les deux films de la saga À couteaux tirés : derrière l’amusement primaire d’un simple jeu d’énigme, leurs deux récits contiennent une vraie satire et réflexion sur le monde moderne. Si le premier film pointait déjà du doigt une frange de la société américaine de l’ère-Trump et notamment les dynamiques de pouvoirs à travers le népotisme d’une grande famille bourgeoise, Glass Onion n’échappe pas à cette règle.
Au contraire, le cinéaste s’accroche ici à étudier plus en profondeur la lutte des classes. Et dès lors, la vérité qui naît de la résolution de l’enquête est surtout la révélation au grand jour d’une vérité sur notre monde. D’où ce petit manège d’ouverture autour de la Covid venant démasquer (littéralement encore) toute cette élite, Johnson obligeant les personnages à montrer leur véritable visage malgré eux, écrasés par leur propre lubie.
Alors qu’ils étaient cloisonnés dans des splits-screens dans les premières minutes du film, les empêchant de pleinement s’exprimer, de se défouler, Johnson leur donne la possibilité de se libérer en les plaçant dans un cadre de rêves. Et en brisant leur chaîne virtuelle, les soustrayant aux contraintes de la vie classique des mortels lambdas, Johnson les accule dans son piège. Une embuscade dont ils ne pourront pas sortir aussi triomphants et prétentieux qu’ils y sont entrés, aveuglés par leur amour-propre, leur hubris.
retour de flammes
Dès lors, ceux qui se font appeler les « perturbateurs » ou « francs-tireurs », affirmant vouloir dépasser les limites du système pour mieux les renverser, deviennent donc finalement une belle bande d’hypocrites, lâches ou voleurs. Des tartufes qui transgressent les règles établies tout en se servant de ce qu’ils prétendent combattre/haïr pour bâtir leur propre empire. Désormais marionnettes du cinéaste, Johnson étant le véritable maître du jeu de cette soirée mystère grandeur nature, les « fauteurs de troubles » se muent inexorablement en idiots.
Et c’est particulièrement le cas du démiurge à l’origine de cette fête (qu’on pourrait appeler Elon Musk), feignant de vouloir « garder les eaux saines » avec ses « jardins non fumeurs », mais dont toutes les contradictions dévoilent peu à peu sa stupidité et ses cachotteries au grand jour. Car ce que nous raconte in fine Glass Onion n’est pas sans rappeler le message de Don’t Look Up (sorti aussi sur Netflix) : il n’y a rien à aduler chez ces génies supposés et rien à craindre de leur prétendu pouvoir (politique, financier, scientifique, médiatique, d’influence…) parce qu’ils ne sont pas assez intelligents pour être aussi diaboliques qu’on ne peut l’imaginer.
« Je vois où vous voulez en venir »
Dans un chaos final flamboyant, Johnson vient par conséquent complètement annihiler le mythe que ses personnages se sont construit, exploser les a priori du peuple pensant devoir les écouter, voire remettant en question sa propre intelligence parce que cette élite lui a fait croire qu’elle était bien supérieure.
À ce moment-là, tout prend sens. Inutile de voir en un puzzle à l’allure sophistiqué, par exemple, une preuve de génie quand son contenu se révélera finalement si inconsistant lorsque vous l’aurez complètement démantelé. Et alors, dans un ultime geste profondément malicieux, caché dans la dernière couche de cet oignon de verre et derrière la franche rigolade de ce whodunit produit par Netflix (évident symbole de la décadence du capitalisme moderne par ailleurs), Rian Johnson livre un éloge de l’anarchie jubilatoire, un appel à la rébellion savoureux et une invitation vitale à l’éveil des consciences.
Glass Onion : une histoire à couteaux tirés est disponible sur Netflix depuis ce 23 décembre 2022
Lire cette critique positive après avoir subi 2h d’un navet mollasson jamais drôle, qui m’ont paru au minimum 3h, pas la même vision du cinéma j’imagine
« exploser les a priori du peuple pensant devoir les écouter, voire remettant en question sa propre intelligence parce que cette élite lui a fait croire qu’elle était bien supérieure.»
Faut savoir, ça critique une Amérique de l’ère Trump ou ça vend du populisme type Trump ? Parce que ce que vous semblez avoir aimé est exactement le message populiste véhiculé par les Trump et compagnie : méfiez-vous de l’élite et des gourous milliardaires qui vous vendent le progrès.
Je trouve que l’image est bruité. Certains ont-il remarqué ? Problème de mon côté ou volonté artistique du réalisateur ??
( Vu sur TV Samsung qn95a 55″ 4k )
Merci pour vos retours 😉
ce film est tout simplement inspire de « 10 petits nègres » de Agatha Christie
Sympathique mais sans plus, dans la continuité du premier, agréable à regarder et on passe un bon moment mais j’attendais mieux je dois dire.
Pour les habitués de romans policiers pas de grandes surprises sur le coupable mais l’humour est plutôt sympa et les acteurs sont bons, surtout Norton, Hudson et Craig.
J’aimerais bien savoir quel est le gag ou la référence du personnage style babacool qui habite sur l’ile sans qu’on sache pourquoi et qu’on voit de temps en temps en disant des trucs du style « faite pas attention à moi je fais que passer », c’est assez drôle mais bon.
2* bof bof le 1er était plus sympa
Moi aussi plutôt déçu même si j’ai passé plutôt un bon moment. La satire mouais, elle est faite à la truelle, le masculiniste qui se fait biffler par sa mère c’est marrant mais ça casse tout de suite le réalisme et la profondeur du personnage. Oui on peut caricaturer ceux qui sont différents de nous (les riches, les « méchants » qui votent à droite) mais à un moment une caricature n’est pas une bonne explication, pas plus qu’un miroir fidèle.
Pour ce qui est de briser les codes, je suis plutôt d’accord avec ce que j’ai lu dans un commentaire ici, c’est bien mais tu mets quoi à la place ? Une intrigue simplette qui ne se complexifie qu’un peu seulement en usant d’une chronologie tortueuse. Il ne me semble pas que whodunit et narration non linéaire fassent bon ménage. Remettez toutes les séquences dans l’ordre et vous verrez que bons nombres de réactions ou de comportements des personnages ne vont tout simplement pas.
Je comprends que le film nous amène sur une piste (l’un des « amis » profiteur du milliardaire va le tuer, lequel ?) et brise nos attentes puisque ce n’est pas ce qui va se passer. Ok mais si c’est pour laisser la place à un meurtre et une intrigue si peu travaillé, j’aurais préféré que la piste classique soit suivie.
Alors oui il y a quelques blagues sympa, mais attention ceci n’est pas une comédie comle j’ai pu le lire. Je sais que Netflix appelle comédie n’importe quoi, des dessins animés pour enfants aux blockbusters d’actions mais quand même. Il y a 2, 3 blagues dans Terminator 2 (« hasta la vista baby ») mais il faudrait être sacrément retors pour dire que c’est une comédie.
Le film a toutefois un avantage : la classe éternelle de Craig et ses tenues, du lasque sanitaire rouge à pois blancs, aux maillots de bains marinière accompagné de son petit foulard, le chino ample comme on ne les porte plus malheureusement, ça ça fait plaisir
Ce film est étonnant, il est un patchwork de styles, de jeux, il est irrévérencieux, et ceux qui s’attendent à de l’Agatha Cristie seront déçus.
Tout n’est pas parfait, on n’échappe pas à un côté artificiciel, tous les acteurs surjouent sauf Janelle Monae que j’ai trouvé parfaite !
Par contre, il y a un côté rock n’ roll fort agréable, quand ça part en couille, la vache c’est puissant !!
Pas le meilleur Le Blanc mais pas désagréable. Kiss
Et le coté satire que je vois dans certaines critiques j’ai quelques doutes également.
Il ne suffit pas de proposer des personnages utra caricaturaux (en l’occurrence ici des crétins finis), pour que cela le devienne selon moi, au contraire..
J’ai passé un moment agréable mais je le trouve loin du premier comme les déçus ici. Les perso à part Le Blanc et l’ex associée de Norton sont en effet très superficiels et pas du tout attachant. En fait on se contre fiche de ce qui leur arrive. De plus le message est très grossier, le film est surement une satire mais avec de très gros sabots. Heureusement qu’il y a Craig et Norton. Mais comme le message du film, tout est factice et ces personnages même s’ils sont des caricatures ne m’intéressent absolument pas. Le décor aussi après la première surprise fait faux et devient lourd. Le message en soit ne me gène pas, il désacralise les milliardaires et autres gourous « disruptif » qui cherchent tous à devenir le Steve Job du moment, mais c’est fait d’une manière assez grossière. Dommage parce que ce message est nécessaire, il n’y a qu’à voir tout ces wanabee millionaires, coach sur le net qui te donnent des conseils pour changer, être meilleurs, devenir un winner, gagner ton premier millions, en suivant leur conseils … payant. Les mecs ont bien appris leur leçon et gagne leur vie « de rêves » en vendant du rêves de changement qu’eux même n’ont pas vraiment réussit à faire puisqu’ils ne vendent que ça et rien d’autres. L’ère des coachs en tout genres. Et puis l’intrigue est assez tordue, avec des flashbacks qui montrent la faiblesse du scénario à mon sens. Un film qui ne marque absolument pas. Une sorte d’intrigue virtuelle, sur une ile factice, avec des personnages en cartons. Bref je vais l’oublier très vite.