THE SHOW MUST GO ON
Sorti la même semaine que le décevant Varisu, Thunivu fait partie des événements majeurs de ce début d’année en Inde. Cette super-production de Kollywood est un pur blockbuster d’action qui nous plonge au cœur d’un braquage ultra-médiatisé. Petite particularité, notre héros n’est ni un policier ni un négociateur, mais bien le génie du crime qui se cache derrière l’opération. Quelques semaines après le casse décousu de Kaleidoscope, on espérait bien que l’Inde nous réconcilie avec le genre.
Il y avait cependant une raison de se méfier de Thunivu, à savoir son réalisateur H. Vinoth. En effet, il nous avait offert l’année dernière une véritable douche froide avec Valimai qui mettait également en scène le célèbre Ajith Kumar. Au-delà de ses séquences d’action assez folles, notamment l’attaque inoubliable d’un bus de police, le film souffrait d’une écriture catastrophique au message moralisateur, à la limite du réactionnaire.
Viser la thune, ça lui fait pas peur
Avec ce nouvel essai, le cinéaste ne retrouve jamais totalement la virtuosité de Valimai lorsqu’il s’agit de filmer l’action. Le talentueux responsable des cascades Dhilip Subbarayan n’est pas de l’aventure et on le ressent clairement. Cela n’empêche tout de même pas Thunivu de nous offrir quelques très beaux moments de bravoure, que ce soit grâce à ses fusillades ou ses combats globalement bien chorégraphiés – notamment ceux de l’actrice Manju Warrier. Comme souvent dans le cinéma indien grand public, le film est capable d’une violence redoutable.
Autre spécificité indienne qui s’applique particulièrement au cinéma tamoul, on retrouve avec plaisir cette façon unique d’iconiser le héros. Dès la première apparition à l’écran de l’excellent Ajith Kumar, tout est fait pour le glorifier et nous rappeler qu’il s’agit d’une légende vivante. Pas étonnant d’ailleurs que ce soit cette séquence qui ait provoqué les fameux jets de fumigènes qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours. La mise en scène furieuse, les dialogues percutants, ces quelques minutes incarnent à elles seules la pop culture indienne dans toute sa splendeur.
Mais au-delà de l’action et du braquage, Thunivu fait un choix assez étonnant en misant très souvent sur le registre de la comédie. On pourrait craindre que l’humour ne vienne totalement désamorcer chaque situation critique et ne vire à l’auto-sabotage cauchemardesque façon Taika Waititi. Fort heureusement, il n’en est rien.
Non seulement le tempo comique est généralement très efficace, mais H. Vinoth parvient même à l’utiliser pour servir le propos de son film. Sans être une leçon de comédie, force est de reconnaître que la recette fonctionne. Excellent dans les moments sérieux, l’acteur Ajith Kumar gère également la comédie avec brio. D’autant plus qu’il peut compter sur Mahanadhi Sankar dans un second rôle mémorable pour créer des situations décalées franchement réussies.
On ne dirait pas comme ça, mais on se marre bien
TROP C’EST TROP
Premier problème conséquent, H. Vinoth semble considérer que son public est incapable de se concentrer plus de cinq minutes si rien de fou ne se passe à l’écran. Afin de compenser son manque de confiance, il opte pour un rythme étrange qui s’avère beaucoup trop rapide. Rien qu’avec le premier quart d’heure, il nous noie sous tellement d’informations qu’on pourrait les répartir intelligemment sur une demi-heure de récit, voire plus.
Le scénario semble s’obstiner à nous dévoiler une bonne dizaine de retournements à la minute. Difficile de nier l’efficacité de certaines surprises, cependant un meilleur équilibre narratif aurait été considérablement bénéfique. En voulant capter désespérément notre attention, le cinéaste finit paradoxalement par nous fatiguer.
Est-ce qu’on a prévu une pause ?
Avec un tel parti-pris dans l’écriture, la mise en scène doit logiquement suivre la même cadence. Certaines séquences potentiellement intéressantes se retrouvent totalement gâchées par les mouvements de caméra trop rapides, le découpage trop agressif ou encore les plans bêtement accélérés. Si vous rêviez de découvrir à quoi ressemble un Michael Bay sous MDMA, alors H. Vinoth exauce vos vœux à l’écran.
Autre déception technique regrettable, la bande originale de Ghibran ne tient pas la route. Le compositeur avait déjà raté le coche avec Valimai et il ne s’en sort pas mieux ici. Les thèmes musicaux sont trop envahissants et n’atteignent jamais l’intensité et la folie qu’on attend d’une super-production tamoule. Sans demander au compositeur d’avoir le génie d’un Anirudh pour Vikram, il y avait tout de même largement mieux à faire avec un tel projet.
Un numéro musical qu’on a déjà oublié
SEUL CONTRE TOUS
Plus qu’un divertissement particulièrement intense, Thunivu veut également s’attaquer de front à de nombreux problèmes qui troublent la société indienne. Le film aborde notamment la corruption policière, le rôle des grands médias dans la désinformation massive ou encore les arnaques des banques et des assurances. Là encore, il y a bien trop d’angles abordés pour que l’écriture soit totalement digeste. Un écueil mineur qui n’enlève rien aux nombreuses idées intéressantes que propose le long-métrage.
Dans cette logique de se confronter aux réalités sociales, Thunivu va même complètement suspendre sa narration le temps d’un deuxième acte inattendu. Notre anti-héros va alors mettre en scène de l’information en temps réel, ce qui crée une ingénieuse mise en abyme de son propos sur les médias. C’est d’ailleurs cette critique-là qui reste la mieux développée, notamment lorsqu’en cours de récit le terme « terroriste » est utilisé pour décrédibiliser toute cause s’opposant au gouvernement. Une stratégie bien trop familière dans l’Inde contemporaine.
Dans un troisième et dernier acte qui renoue totalement avec le grand spectacle, Thunivu parvient même à créer un pont direct entre propos politique et divertissement. H. Vinoth fait tout pour que son personnage principal devienne une icône populaire prônant la rébellion. Une ambition prometteuse, mais qui frôle parfois le ridicule, notamment le temps d’une séquence qui emprunte (trop) généreusement chez La Casa de Papel.
Cette constante ambivalence et l’équilibre précaire qui en découle seront finalement à l’image de tout le film. Un numéro d’équilibriste avec la finesse de cinquante tonnes de TNT. Et c’est peut-être aussi cette maladresse qui rend le film si attachant et si efficace dans ce pur divertissement populaire qu’il nous propose.
Effectivement personne ne dit que c’était le film du siècle…par contre personne ne dit non plus que le box-office est forcément indicateur de qualité. Varisu fait peut-être plus d’entrées en Inde mais ça n’en fait pas automatiquement un meilleur film.
@Ra-tou
Qui a dit que c’était « le super bon film du siècle » ?
C’est un film qui peut être vu une fois, histoire de… mais faut pas exagérer en disant que c’est un super bon film du siècle.
D´après les info thunivu est en 2eme place après varisu, qui peut être vu 2 3 fois, en Inde.