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Creed 3 : critique meilleure sans Rocky ni Stallone

Par Déborah Lechner
1 mars 2023
MAJ : 25 septembre 2023
28 commentaires

Quatre ans après le faiblard Creed II, Creed IIIle nouveau volet de la franchise spin-off, est enfin sorti en salles. Si le film a dû pour la première composer sans Rocky à l’écran (ni Sylvester Stallone en coulisses), l’absence de l’Étalon italien dans ce troisième volet lui a finalement fait le plus grand bien notamment grâce au talent de Michael B. Jordan et à la présence de Jonathan MajorsAttention : légers spoilers 

affiche

ROCKY ko

Après plus de quarante ans à incarner le mythique Rocky Balboa, Sylvester Stallone est pour la première fois absent d’un volet de la saga qui l’a porté aux sommets. Même si la fin de Creed 2 semblait vouloir préparer le public au départ définitif de l’Étalon italien en bouclant une bonne fois pour toutes son arc narratif (celui-ci ayant quitté Philadelphie pour rejoindre son fils et son petit-fils), son absence dans Creed 3 relève plus d’une querelle de droits et des incontournables différends créatifs que d’un choix narratif.

 

 

Stallone a beau avoir écrit le premier Rocky en s’étant inspiré de sa propre vie, avoir ensuite écrit ou co-écrit tous les scénarios des films (à l’exception du premier Creed), avoir joué dans les huit précédents films et réalisé quatre d’entre eux, il ne détient aucun droit de propriété sur la licence. Depuis le premier Rocky, c’est le producteur Irwin Winkler qui a la main sur la franchise, ce qui a créé pas mal de tensions entre les deux hommes. 

L’année dernière, la question épineuse des droits de Rocky et Creed est revenue publiquement sur la table avec un règlement de compte (à sens unique) sur Instagram et la confirmation que Rocky ne serait pas aux abords du ring dans Creed 3 qui, d’après lui, aurait pris une tournure bien différente de ce qu’il avait en tête. En novembre 2022, l’acteur a ainsi confié qu’il trouvait la situation regrettable. Cela dit, son retrait forcé est une bénédiction pour le film et plus globalement la nouvelle franchise qui prend enfin la relève de Rocky après deux spin-offs en demi-teinte.

 

Creed III : photo, Michael B. JordanUn Creed qui s’est musclé

Les deux premiers Creed ont eu du mal à poser les bases d’une franchise à part entière, capable d’exister par elle-même et pour elle-même. Aussi charismatique qu’il soit, le personnage d’Adonis Creed n’avait jusqu’ici pas réussi à s’élever à cause de Stallone dont l’ombre planait toujours sur le ring (et dans l’imaginaire du public). Les deux films ont voulu ériger un nouveau héros et créer une nouvelle légende, mais en se raccrochant d’une façon ou d’une autre à Rocky.

Le scénario du premier Creed (sous-titré L’héritage de Rocky Balboa au cas où il y aurait un doute sur la finalité du film) tournait encore trop autour de Rocky, de son cancer à son rôle de coach, pour finir sur les deux personnages qui montent symboliquement l’escalier du Philadelphia Museum of Art. Dans le deuxième volet, Stallone a participé à l’écriture, mais le film n’avait plus grand-chose à offrir au septuagénaire, transformé en papy sage conseiller ; ce qui a renforcé le sentiment d’un entre-deux figé, d’une franchise qui n’était pas encore celle d’Adonis, ni vraiment celle de Rocky. Mais avec Creed 3, la franchise prend son envol

 

Creed III : photo, Michael B. JordanL’oeil du tigre, le vrai

 

CREED TIME

Sans devoir partager le podium avec Rocky, le personnage d’Adonis, jusqu’ici très lisse, a plus de place pour exister et s’affirmer comme tête d’affiche. Et cette réappropriation de la franchise passe aussi par le nouvel adversaire du boxeur et le contexte autour de leur combat. Après l’acceptation du nom de son père, la volonté de suivre ses traces et la victoire symbolique contre le fils Drago, Adonis affronte son ennemi (à lui) et par extension son propre passé, indépendamment de celui d’Apollo ou de Rocky. Même si elle est parfois bancale, cette histoire est pleinement celle d’Adonis Creed, sans aucune autre figure iconique pour la parasiter.

Au-delà de l’émancipation du rôle-titre, Creed 3 marque aussi celle de Michael B. Jordan. Pour son premier passage derrière la caméra en tant que réalisateur, l’interprète d’Adonis a clairement voulu se distancer du reste de la saga pour imposer sa vision. Il apporte des idées neuves, qui ne sont pas forcément toutes pertinentes, mais qui ont un parti-pris et essaient de faire quelque chose de différent, notamment lors du combat final, plus stylisé, introspectif et même onirique. Quitte à frôler l’excès, le réalisateur s’affirme et offre une identité plus marquée au film.

 

Creed III : Photo Jonathan Majors, Michael B. JordanPour une fois qu’on envie l’arbitre

 

C’est parfois un peu grossier encore, mais Michael B. Jordan veut faire parler les images, donner un sens à ce qu’on voit et développer son langage cinématographique, sans rester passivement derrière la caméra. Cette distanciation se remarque même au niveau de la musique, avec le thème original qui n’est utilisé qu’une seule fois et un montage d’entraînement un peu différent et moins exalté, car moins central dans la narration.

En revanche, Creed 3 tombe dans les mêmes écueils que ces prédécesseurs, et a toujours autant de mal à maintenir l’attention sur les personnages secondaires, en particulier la famille d’Adonis. Comme d’habitude, le scénario tente de s’intéresser à Bianca, de lui offrir ses propres combats et ses propres enjeux pour en faire un personnage suffisamment riche et indépendant, avant de la laisser aux vestiaires faute de temps. Il en va de même pour sa fille Amara, dont les problèmes (de harcèlement scolaire, entre autres) sont laissés sur la touche dès que son père s’apprête à monter sur le ring. Le dernier plan s’efforce cependant de rassembler la famille pour une fin simple et appréciable étant donné la grandiloquence assumée de la saga.

 

Creed III : photo, Michael B. Jordan, Tessa ThompsonDe beaux moments un peu trop rares

 

MEILLEUR ENNEMI

Damian Anderson, l’ami d’enfance d’Adonis, est quant à lui un des adversaires les plus captivants de la saga. Pourtant, lui et sa confrontation avec Adonis ont inévitablement des airs de déjà-vu. On pourrait considérer le personnage campé par Jonathan Majors comme une fusion entre Rocky, Clubber Lang de Rocky 3 et Tommy Gunn dans Rocky 5, mais la comparaison est trop réductrice. Ce boxeur est plus qu’une simple variante de ce qui a déjà été vu dans les autres films, ne serait-ce que pour la rage et la vulnérabilité qui l’animent.

Contrairement à Viktor Drago qui était un personnage riche sur le papier, mais inconsistant à l’écran faute de développement, Damian est un personnage suffisamment travaillé pour être intéressant et susciter l’empathie, parfois même plus que le protagoniste lui-même.

 

Creed III : photo, Jonathan Majors, Michael B. JordanAvec son jogging miteux, on pense tout de suite au premier Rocky

 

Damian est le pendant sombre d’Adonis, celui qui lui tend un miroir et l’oblige à assumer ce qu’il est devenu et ce à quoi il a tourné le dos. C’est un personnage qui a passé 18 ans en prison, qui se fait vieux et doit tenir la distance face à la nouvelle génération de boxeur. C’est un homme qui veut faire ses preuves en devenant champion parce qu’il n’a que ça, n’a jamais rien envisagé d’autre, et n’a de toute façon rien à perdre. Il n’est pas difficile à cerner, mais reste touchant, autant dans sa détresse que sa détermination sans faille.

Cette dualité est par ailleurs bien illustrée lors de plusieurs scènes, dont une, simple mais éloquente, où il nettoie vigoureusement ses chaussettes de sport dans le lavabo d’une chambre aussi miteuse que celle de Rocky dans le premier film. À plus grande échelle, le fossé entre Adonis et Damian (autant que la fracture sociale dont ils incarnent chacun un extrême) est représenté avec plus de subtilité qu’attendu. Lors d’un diner entre amis ou un gala, l’ex-taulard a toujours l’air d’un éléphant dans un magasin de porcelaine et le malaise se renforce à chaque remarque acide, qu’on met d’abord sur le compte de leur complicité, avant que l’amertume et la rancoeur de Damian deviennent limpides.

 

Creed III : photo, Jonathan MajorsMieux là que dans Ant-Man 3

 

De son côté, le train de vie désormais démesuré d’Adonis est également bien illustré. S’il n’est pas devenu un flambeur insupportable, la mise en scène insiste par moments sur sa fortune et la déconnexion qui en découle, comme lors d’une scène de ménage a priori lambda si elle ne se déroulait pas devant un chef privé qui complète le luxueux décor. Malheureusement, cette lutte presque fraternelle perd de sa force en milieu de course. La raison ?Une « révélation » foireuse qui mue Damian en un méchant caricatural, vidé de toute nuance, afin de justifier le match final et leur échange de regard pas content sur l’affiche.

La promesse d’un match entre deux outsiders (un novice trop vieux et sans palmarès contre un champion retraité qui n’a pas boxé depuis trois ans) était plutôt attirante et « neuve » au sein de la saga, mais les raisons qui les mènent à s’affronter sont trop factices. L’évolution de leur relation aurait pu et dû être plus déchirante avec l’idée qu’un des deux doit, à contrecœur, briser le rêve de l’autre pour réaliser le sien. Ce manichéisme est cependant déjoué avant la ligne d’arrivée, avec une séquence finale plus émotive et apaisée qui colle bien avec le jeu presque hypersensible de Jonathan Majors. 

En revanche, si ce troisième Creed est une bonne surprise après un deuxième volet bien moins convaincant, le Creed 4 déjà teasé par Michael B. Jordan ne semble pas une évidence. Creed 3 sonne plutôt comme le Rocky Balboa de Creed, autrement dit une conclusion qui n’a aucunement besoin de suite.

 

Creed III : affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Aussi imparfait qu'il puisse être, Creed 3 est la preuve que la franchise spin-off devait s'éloigner de Rocky et de Sylvester Stallone pour avancer dans sa propre direction.

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Renan

A une heure et neuf minutes, c’est bien la femme d’Adonis qui s’énerve et Adonis s’énerve en retour mais c’est lui le fautif, vous abusez les meufs, vous provoquez et après vous retournez ça contre les mecs, dans la réalité, idem, ça me fatigue, heureusement pas toutes les femmes mais un bel exemple romancé ici avec leur fille pour témoin, bravo, belle manipulation ! Pour le reste, aucune nouveauté, du réchauffé et perso, j’apprécie l’antagoniste revenchard que l’on peut comprendre car même sans avoir reçu ses lettres depuis la prison, il pouvait se bouger par lui même pour s’enquérir de sa santé à minima donc oui Adonis a bien laissé tomber son ami qui lui a sauvé la mise étant plus jeune. Et suis-je le seul à trouver la musique pas géniale pour quelqu’un qui a eu des disques d’or, boring comme chansons, à peine de la musique d’ambiance de lounge bar, désolé, mais non merci !

C.Kalanda

Les gars d’EL comment pouvez vous trouve que c’est le meilleur Creed…
Je rejoins complètement BSami du tchat. Creed redonnait du souffle, creed II tirait déjà sur la corde mais redonnait du sens aux Drago, un antagonisme puissant et plus subtil, et magnifiait les bons points de réal et de DA du premier. Là pour moi tout sonne faux et automatique. Les clichés de la saga sont rincés, les clichés du cinéma américain encore plus (franchement cette histoire du grand traumatisme d’une vie qu’on a jamais entendu jusque la tout ça pour justifier une suite, l’antagoniste qui se transforme en Dr Devil monolithique en un claquement de doigt, ces montages MTV des années 90, ces plans iconiques dignes d’une pub Nike…). Même la mise en scène des combats sonne faux pour moi, bcp trop robotique et chorégraphié, les boxeurs attendent leur tours pour placer leur combo, tout sauf ce qui se passe dans un combat de boxe….Et la DA….(c’est quoi cette très mauvaise réal du combat final dans la fumée et les portes de prison….). J’étais « fan » des deux premiers, la je tombe de très haut…

Dougie Jones

j’ai été surpris de voir que plusieurs scènes de la bande annonce sont absentes du film dont une qui avait surement son importance dans l’histoire puisqu’on y voyait Creed en prison !

Marc en RAGE

CREED 3 on a déjà vu les thèmes similaires dans la saga ROCKY la vengeance raccrocher les gants et revenir. J’ai pensé à ROCKY 3 mais CREED est la continuité d’une des plus grande Saga du Cinéma. Je vous le conseille sans prendre des gants foncez le voir.

gogo

Rocky n’a pas été dégagé sans raison. Creed 2 marque la fin de Rocky, clairement. A la fin du combat contre Drago, Rocky et Adonis se lancent un regard qui veut tout dire, Rocky en a fini, Adonis est un champion accompli, il n’a plus rien à lui apprendre. Et il a Duke en entraineur.
Puis, Rocky s’en va, va retrouver son fils et retournera surement à Piladelphie, tandis que Adonis vit désormais à Los Angeles.
La fin de Creed 2 est assez claire sur ça, Rocky est parti. Et cela n’aurait pas vraiment eu de logique que Rocky soit toujours là dans le 3, surtout que Adonis est a la retraite.
On reverra surement Rocky plus tard car il reste proche de Adonis et le parrain de Amara. Mais en tant qu’entraineur de Adonis, c’est terminé, Rocky est vieux maintenant.

BSami

Espérant de ne pas passer pour le vieux c…,, Je suis allé voir rocky en 1985 au ciné , rocky 5 en 1990, et des VHS…etc…

Creed avait donné un nouveau souffle à la saga avec des personnages profonds
.
Creed 3 est le premier de la saga ou je ne ressens absolument aucune emotion…
Les séquences passent d’événements à un autre sans transition, c’est froid.

Seul Jonathan Majors m’a bluffé.

Déjà Creed 2 était un mc do ( on sait a quoi on s’attends et on est pas déçu )… ,Creed 3 est le restaurant dont on attends rien et on sort déçu..

La BO de Rocky ( Bill Conti sauf le 4 ) et Creed 1/2 ( Goransson ) ont été des piliers… Le 3 ne génère aucune emotion…

Mon fils de 13 ans a aimé… Peut-être que la saga n’est plus pour moi ..

Je suis moi et pas vous

Très très bon film
Personnellement j’ai adoré
A VOIR ABSOLUMENT !!!!
Et l’absence de rocky tiens la route

Mich-242

Sa sera sans moi.
J’accroche pas du tout à la saga creed.
Pour moi les meilleurs c’est la saga Rocky en oubliant bien sûre le 5.

Et de plus je trouve sa débile que Stallone ne soit pas dans creed 3.

C’est lui qui a lancé la franchise.

Flo

Attention Ethan, tu tombes toi-même dans le « cliché du scandalisé » en ne comprenant pas ce que j’écris : les anciens acteurs avaient de la gueule, plus que MBJ ou Tessa (ils font encore un peu « bébés »), et on comprenait aussi bien à l’époque qu’ils n’avaient pas une vie facile, sans empêcher qu’il y ait de la tendresse. Ainsi la comparaison entre les deux générations a bien eu lieu pour plusieurs fans dès la sortie du premier « Creed », au détriment des petits nouveaux, on connaît la musique.
Sans comprendre qu’il va être ici question de se réapproprier le nom de Creed, qui jusque là restait au service de l’évolution de Rocky. En le mettant plus au service de la communauté noire américaine, voir même de certains thèmes intimes un peu plus violents qui sont du genre à faire tiquer Stallone, qui a reconnu qu’il n’aimait pas trop la direction dans laquelle ça allait… alors qu’en fin de compte ça ne va pas si loin que ça – dans le passé trouble de Adonis et Damian il n’y a aucun meurtre, les machinations de cet antagoniste ne tombent pas dans le harcèlement criminel, et tout est pardonné à la fin.
Ça va, on ne mélange pas l’univers optimiste de Rocky avec celui de sa face sombre, Rambo…
Mais en même temps, de quoi se mêle Stallone ? Il avait précisément annoncé en 2018 qu’il ne reviendrait plus jouer Rocky, dont il n’a cessé de raconter la fin encore et encore pendant des années, remettant une pièce dans la machine, gagnant le cœur du public à chaque nouveau film avec ou sans victoire sur le ring, pendant que ses proches disparaissent les uns après les autres contrairement à lui. Il a même eu droit à un opus, « Creed II », qui est le seul dans lequel il ne se bat pas physiquement, et c’était original pour le coup. On a même eu l’élégance de ne pas le tuer, même si sa première apparition dans ce film le représente presque comme un fantôme.
Il peut donc très bien laisser le nom de Creed à une autre équipe créative, et s’occuper finalement des dividendes qu’il pourrait ramasser en regagnant sa franchise, en espérant qu’il arrête de le faire via les réseaux sociaux parce-que ça c’est pas très classe. Enfin, moins qu’un clash public et testostéroné en tête à tête, même mis en scène (ça resterait ainsi dans la lignée du business de la Boxe).
Dommage que l’affiche française laisse inscrite la mention à Rocky, contrairement aux USA. Pour le coup, c’est inélégant, ça confine cette trilogie dans le Passé, mais ça dénote peut-être d’un truc marketing sans risques.

Ethan

@Francken
on est d’accord mais cette saga n’est pas Rocky c’est Creed. Il ne faut pas confondre saga et franchise

Cette mention sur l’affiche est un doigt d’honneur à stallone je trouve