THE FATHER
Six ans après son sublime Mother!, Darren Aronofsky retrouve les salles de cinéma avec The Whale. Adapté de la pièce de théâtre éponyme écrite par Samuel D. Hunter, le film suit la tentative de réconciliation de Charlie, un homme en état d’obésité morbide, avec sa fille. Un sujet complexe et délicat, qui avait tout pour verser dans le mélo académique taillé sur mesure pour les Oscars. C’était évidemment sans compter sur le caractère atypique des œuvres de Darren Aronofsky.
Comme tout long-métrage adapté d’une pièce, le défi principal était tout d’abord de ne pas tomber dans du simple théâtre filmé. Sur certains aspects, The Whale ne parvient pas à éviter les pièges de l’exercice. Les dialogues verbeux, souvent trop explicatifs, alourdissent particulièrement le début du récit. Difficile également de ne pas trouver une certaine artificialité dans la façon qu’ont les personnages d’entrer et sortir du cadre sans raison, comme s’ils traversaient une scène.
Laissez-moi vous expliquer toute l’intrigue par un long monologue
Au-delà de ces quelques grosses ficelles, Darren Aronofsky parvient tout de même à faire une œuvre purement cinématographique qui dépasse rapidement la sobriété de son dispositif. À l’image de ce que Florian Zeller parvenait à faire en adaptant The Father, le cinéaste tire profit du décor unique comme d’un défi théorique particulièrement stimulant. Il joue ainsi avec les espaces, déforme nos perspectives.
Une fois la pièce de vie présentée, on traverse alors un couloir étroit qui se referme sur notre protagoniste, semble l’écraser comme les murs du Répulsion de Roman Polanski. C’est dans ces moments là que le cinéaste déploie tout le savoir-faire dont on le sait capable pour les huis-clos et la claustrophobie. Il confronte le gigantisme de son personnage à la petitesse de l’appartement. L’éclairage sombre et anxiogène vient renforcer cette spirale infernale qui évoque Mother! à plusieurs reprises.
Un labyrinthe mental sans issue
Afin de mieux tirer profit de la dimension purement cinématographique de cette adaptation, le réalisateur peut compter sur la partition déchirante de Rob Simonsen. Le compositeur dévoile une bande-originale subtile, qui n’envahit jamais la narration, mais permet de décupler l’émotion des séquences cruciales. Une collaboration réussie qui rappelle une fois encore à quel point Darren Aronofsky a le don de présenter un cinéma musical puissant, de Requiem For A Dream à The Fountain sans oublier l’évidence Black Swan.
Plus réussi encore, le design sonore donne au film une profondeur organique fascinante. On entend chaque sifflement dans la respiration de Charlie, les bruits de mastication et de déglutition qui viennent perturber le silence de l’appartement vide. La pluie extérieure devient pratiquement une bande-originale assourdissante par instants. The Whale présente un univers visuel et sonore charnel, une putréfaction qui semble aussi inévitable que désespérée.
PATHOS PORN
Si l’on a souvent reproché à Darren Aronofsky de produire un cinéma trop théorique et désincarné, il offre avec The Whale une réponse évidente. Non seulement le cinéaste livre ici son film le plus sensible depuis The Wrestler, mais il dévoile également une facette inattendue de son art dans le traitement qu’il réserve au drame et aux sentiments humains.
Comme toujours chez le réalisateur, difficile de ne pas voir dans son film une certaine forme de complaisance dans la représentation du morbide et de la déchéance. Le ton du long-métrage, plus misérabiliste qu’un Lars Von Trier privé de Prozac, va très probablement exclure d’entrée de jeu ceux qui sont hermétiques à son cinéma. Et ce dès la séquence d’ouverture.
Mais The Whale dévoile progressivement un cinéaste plus en retrait, qui laisse les émotions exploser à l’écran. Le drame psychologique prend rapidement le pas sur la démonstration technique. Loin de son style habituellement cynique et sophistiqué, Darren Aronofsky s’autorise un pathos premier degré particulièrement déstabilisant. Mais il semble impossible de nier que les émotions finissent par l’emporter sur le dernier tiers du récit.
L’état dans lequel on sort de la séance
La grande force du long-métrage est de pouvoir se reposer entièrement sur la performance de Brendan Fraser pour porter toute la force dramatique du récit. L’acteur transforme un rôle à Oscars en un exercice d’une sincérité désarmante. Son jeu pur et naïf permet aisément d’excuser toutes les outrances du personnage. Bien évidemment, le parcours intime chaotique et tragique de l’acteur n’y est pas pour rien. Mais il incarne Charlie avec une telle douceur que l’on peine à imaginer qui que ce soit d’autre dans ce rôle.
L’acteur peut également compter sur un casting secondaire solide. Mention spéciale à Hong Chau qui joue constamment sur un registre plus subtil et donne vie à certaines des séquences les plus émouvantes du film. La jeune Sadie Sink incarne à la perfection une adolescente dont l’apparente cruauté sans limites pouvait aisément verser dans la caricature.
REQUIEM FOR A FILM
À la lecture du synopsis, on pouvait se demander ce qui pouvait bien motiver Darren Aronofsky à se lancer dans une telle aventure. Pas franchement réputé pour ses mélodrames larmoyants, le cinéaste ne se range pas non plus dans la catégorie des réalisateurs académiques attendus sur ce type de projets. Mais bien au-delà de sa passion évidente pour l’enfermement et la perte de repères, il trouve avec The Whale un terrain d’expression qui lui correspond parfaitement.
On retrouve ainsi ses habituels questionnements théologiques et spirituels. La question d’une force divine face au deuil se posait déjà dans The Fountain. Le rapport au divin était plus que jamais remis en question dans Noé et Mother!. Cette fois-ci, il aborde la thématique de manière très frontale par le biais d’un missionnaire religieux qui se donne pour mission de sauver l’âme de Charlie. La démarche manque parfois de finesse, cependant la conclusion vient apporter une profondeur ambiguë et passionnante à cette question.
Mais c’est surtout ce héros atypique, à contre-courant, qui semble passionner le réalisateur. On le sait, Darren Aronofsky est un cinéaste à la filmographie imprévisible, qui n’a jamais peur d’être mal-aimable ou excessif dans ses partis-pris. On comprend alors aisément l’affection qui le lie à ce protagoniste marginalisé, qui pousse ses étudiants à sortir du cadre. Un homme pour qui l’honnêteté dans le rapport à l’art prévaut sur toutes les analyses intellectuelles les plus poussées. Un homme capable de déceler le bien et l’optimisme même face aux plus cyniques.
C’est cette démesure-là qui rend The Whale bien plus touchant qu’il n’y paraît. Toujours tiraillé entre dolorisme et espoir, Darren Aronofsky continue de tisser une œuvre sans concession et jusqu’au-boutiste. Quitte à déplaire. Et c’est sûrement cela qui rend son cinéma si passionnant, quand bien même il s’avère parfois inégal.
Globalement j’aime pas les pièces de théatre (trop statique) et pas trop non plus les films inspirés de pièces de théatres.
Mais la j’ai avoué que c’était pas aussi désagreable que ce que je craignais. l’histoire est interessante, les dynamiques de personnages et leurs interactions également. Par contre toute la symbolique et reflexion derriere, la par contre c’est du pathos, et ça fatigue.
Puis surtout, qu’on n’appelle pas ça un suicide à petit feu ça me gène aussi. Des fois il ne faut pas avoir peur des mots face à ce type de pathologies.
Bref 3/5
Brendan fraser, Michèle yeoh…. Deux acteurs récompensés et coïncidence, ils étaient les têtes d’affiche de la momie 3
Bien aimé ce film, je ne le trouve pas si lourd, ni manquant de subtilité, il est frontal comme souvent avec ce cinéaste, je le trouve dur dans son désespoir qui mène vers une fin inexorable. Fraser est très juste dans sa performance malgré son lourd maquillagen tout en douceur avec ce positivisme désarmant, ses yeux montrent beaucoup, un très beau retour mais tout le cast est très bon notamment Hong Chau et Sadie Sink qui j’espère aura une belle et grande carrière. La fin m’a vraiment fait craquer comme je ne l’avais pas fait depuis très longtemps, je ne pensais pas que cela aller être si puissant chez moi. Aronofsky est un cinéaste passionnant.
Je l aime beaucoup ce type et peut importe sa condition physique . c est toujours lui un grand acteur au grand cœur… Vraiment .
Comme Mother! en son temps, c’est joli, mais fait sans aucune finesse ou subtilité, toujours à prendre le spectateur par la main, lourdingue et putassier, le tout servi avec une bonne dose de christianisme qui titillera l’américain de base (et Aronofsky).
En plus de ça, le film reste prisonnier de son matériau orignal, impossible de ne pas sentir la pièce de théâtre derrière, que ce soit par le huis-clos, les dialogues et les entrées et sorties de personnage incessantes.
Reste du bon maquillage et un Brandon Fraser convaincant qui aura peut-être le droit à son Oscar..
Qui est ce Brandon Fraser ? 😉
Lourdingue, pas été ému un Instant, pourtant j’aime beaucoup l’acteur. Du Aronofsky.
C’est quoi le probléme de faire du théatre filmé ? Le théatre filmé est un sous genre à part entiére, the whale c’est du cinéma, du grand. Même si tout se passe dans un seul appartement. Le film est pensé comme du et pour le cinéma, les cadres sont réfléchis, la lumière est travaillé. Pourquoi The whale serait moins du cinéma qu’un parasite, un heightfull height ou son inspiration the thing, qu’un fenêtre sur cour ? Qu’un juste la fin du monde de Dolan, aussi adapté d’une pièce de théâtre et aussi grandement cinématographique. Qu’un the father plus récemment !!!!!!!
@Quisquose: ce qu’il y a de surestimé c’est ses supporters qui font passer une pièce de théâtre filmée dégoulinante de pathos pour un objet de cinéma unique. Ce qui est prétentieux c’est quand un réalisateur vient proposer une pièce de théâtre filmée pour un objet de cinema. Faire passer des vessies pour des lanternes, en somme. Et avec standing ovation, en prime.
Et pendant ce temps et pour les 25 ans d’anniversaire de son premier long métrage, Pi, ressort aux USA (en imax ! )
#La Classe Americaine. C’est toujours le même type de remarque plate et sans argument pour Aronofsky…Prétentieux, se regarde faire, surestimé…Quel réalisateur ne se regarde pas faire ou n’a pas un minimum de prétention quand il propose sa propre vision dans un film.
Je préfère un mec comme Aronofsky qui propose quelque chose de nouveau au cinéma, au risque de déplaire qu’un réalisateur qui se contente de proposer un film linéaire à chaque nouveau film.
Après je ne cherche même pas à défendre The whale que je trouve pour le coup assez plat et conventionnel par rapport à ce qu’il nous a proposé précédemment. Alors faudra juste me préciser ce qu’il y a de surestimé ou de prétentieux sur ce dernier film, car là je ne vois pas.
Mais je veux bien qu’on m’explique..