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Tetris : critique du phénomène qui a tué le game sur Apple TV+

Par Geoffrey Fouillet
31 mars 2023
MAJ : 1 mai 2023
15 commentaires

Vous l’aurez sans doute remarqué, les génies « geeks » ont aussi droit à leurs biopics depuis quelques années. The Social Network et Steve Jobs, pour ne citer que les plus emblématiques (et réussis), ont permis à d’autres de surfer sur la vague, et Tetris vient justement s’ajouter à la liste. Réalisé par Jon S. Baird, qui avait célébré le duo Laurel & Hardy dans Stan & Ollie, et porté par Taron Egerton, Tetris est à découvrir sur Apple TV+ et revient sur la bagarre juridique qui a conduit à l’exploitation de la licence par le géant Nintendo. Un programme donc plutôt ambitieux, mais est-ce que tout s’imbrique aussi bien que les fameux « tétrominos » du jeu vidéo ?

Photo Taron Egerton

DOUBLE JE(U)

« J’ai joué à Tetris seulement cinq minutes. Je vois toujours des blocs tomber dans mes rêves. Ce jeu n’est pas juste addictif. Il reste avec toi« , clame Henk Rogers (Taron Egerton) au tout début du film. Une telle entrée en matière semble indiquer que l’on va assister au récit des origines, à la révolution et au succès incontournable du phénomène vidéoludique. Pourtant, très vite, on réalise qu’il n’en est rien. Non pas que ce soit un défaut en soi, au contraire même, rien ne vaut un peu d’originalité dans le genre ultra-cloisonné du biopic.

Sauf qu’ici, le réalisateur choisit une voie certes intrigante sur le papier, mais étrangement déconnectée de son objet principal. Non content de reléguer le créateur de Tetris, Alexey Pajitnov (Nikita Efremov), au rang de personnage secondaire, le film s’attarde sur des enjeux de propriété et de droits qui pourraient valoir pour n’importe quelle autre marchandise à la mode (l’aspirateur sans fil, les lunettes anaglyphes 3D… bref, vous avez l’embarras du choix). Évacuer ainsi les spécificités du jeu vidéo et l’utiliser comme un vulgaire MacGuffin n’a donc pas grand intérêt.

 

Tetris : photo, Taron Egerton« Je veux mon shoot de tétrominos, là, maintenant ! »

 

S’il donne l’impression de passer à côté de son véritable sujet, Tetris reste aussi très superficiel dans ses emprunts au film d’espionnage. Allergiques aux clichés vieux comme le monde s’abstenir ! Entre les méchants Russes à la mâchoire serrée, le défilé de voitures noires aux vitres teintées et les punchlines du type « Bâtards de cocos » (traduction : « satanés communistes« ), on ne sait plus vraiment où donner de la tête. Alors quand le climax final remake paresseusement celui d’Argo de Ben Affleck, on se dit que les plaisanteries les plus courtes sont encore les meilleures.

Hélas, l’ensemble dure presque deux heures et se complaît dans les négociations sans fin des différents personnages, au risque, dans un premier temps, de l’indigestion (trop d’informations tuent l’information), puis d’un ennui carabiné ensuite. Dès que le cinéaste accepte de sortir des rails, notamment à l’occasion d’une rave-party où se rendent Henk et Alexey, on entrevoit alors un autre projet, un peu plus libre et fou. Dans le même genre, Charlie Countryman parvenait à allier intrigue criminelle et respirations oniriques avec brio, et Ordure !, le premier effort de Baird, était pourtant bien déjanté.

 

Tetris : photo, Taron Egerton, Nikita EfremovL’un d’eux ne joue pas franc jeu (et c’est gros comme le nez au milieu de la figure)

 

LA GUERRE TIÈDE

Cela ne vous aura bien sûr pas échappé, le film se déroule principalement en URSS dans les dernières années de la Guerre froide. Là où on aurait été en droit d’attendre un minimum d’âpreté au regard du contexte historique, toute la violence, avérée, du système soviétique est édulcorée ici, au point de ne jamais dépasser le stade de la menace infantile (quand l’antagoniste, un agent du KGB, éduque les enfants d’Alexey aux conséquences de la gravité terrestre par exemple).

La faute en incombe sans doute à la caractérisation du héros, Henk, dont la naïveté est encore plus surréaliste que la bataille pour les droits du jeu. Même s’il est décrit comme un honnête entrepreneur, donc étranger aux stratégies d’intimidation chères à l’URSS, le voir se faire duper ou piéger à répétition a de quoi sérieusement agacer. Mais le retour de boomerang se fait surtout ressentir à travers l’absence totale d’ambiguïté du film, d’emblée manichéen, cernant ses personnages à la première occasion sans autre marge d’interprétation possible pour le spectateur.

 

Tetris : photo, Taron EgertonUne manette, un écran, des petits carrés et le tour est joué !

 

Allez, reconnaissons malgré tout à Tetris quelques fulgurances esthétiques. Plutôt que d’employer des intertitres classiques, le réalisateur opte pour des panneaux de transition animés à la façon du célèbre jeu vidéo. C’est le cas notamment lorsqu’il illustre les déplacements en avion du héros, entre le Japon, la Russie et les États-Unis, ou les étapes de son parcours (un petit avatar créé à son effigie apparaît alors à l’écran). Ces idées graphiques sont parfois directement intégrées à l’action, ce qui donne lieu à une course-poursuite en voiture vaguement psychédélique en fin de film où chaque collision pixelise l’image.

De même, les décors contribuent à entretenir l’analogie visuelle entre les « tétrominos » du jeu et les blocs d’immeubles rectilignes du paysage moscovite. On évolue ainsi d’un lieu à un autre avec le sentiment de progresser sur une carte, et l’agilité de Taron Egerton, décidément très à l’aise pour accaparer l’espace (son rôle particulièrement physique dans les deux premiers Kingsman l’y encourageait déjà), permet de doper un ensemble bien morne sinon. Eh oui, réjouissons-nous, certains choix de casting sont encore en mesure de minimiser les dégâts.

Tetris est disponible sur Apple TV+ depuis le 31 mars 2023 en France 

 

Tetris : Affiche US

Rédacteurs :
Résumé

Si Tetris a le mérite de lever le voile sur un pan méconnu de l'histoire du célèbre jeu-vidéo, il s'embourbe malgré tout dans une intrigue archi-rebattue, qui n'a même pas le luxe d'être bien racontée ou un peu poil-à-gratter. Heureusement, l'aisance toujours impeccable de son interprète principal et une poignée de trouvailles ici et là aident à faire passer la pilule, mais on préfèrera évidemment ressortir notre vieille Game Boy plutôt que de s'imposer un nouveau visionnage de ce film tout à fait oubliable.

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La Classe Américaine

Très bon film qui raconte la petite histoire vraie dans la vraie grande histoire. Energique, sympathique, touchant et souvent flippant lorsqu’il montre l’URSS d’antan. Derrière ce petite jeu Tetris se cache un récit et des enjeux qu’on est très loin d’imaginer.

Eddy Fiant

Vraiment excellent, je n’ai pas vu les 2h passer alors que je m’attendais à une grosse daube.
Vous êtes franchement trop blasés à Ecran Large… :))))):

Senior D.P.

Film très bon
Scénario également
‘On ne peut pas faire plus fort que l’Histoire’
f**k dat’ ça ramène à loin la G.B mais je crois qu’on a tous adoré et voilà ‘ l’explication  »

Lets Make lots of Money »

Pirelli

Personnellement, j’ai trouvé le film génial. les 2 heures sont vites passées, la réalisation top (avec les petits insert geek notamment la course poursuite en voiture).
Casting: Top 5 étoiles
Réalisation : Top 5 étoiles
Scénario: Dépendant du biopic: au moins 3 étoiles

HalaVARdrid

« Une telle entrée en matière semble indiquer que l’on va assister au récit des origines, à la révolution et au succès incontournable du phénomène vidéoludique. Pourtant, très vite, on réalise qu’il n’en est rien. » , malheuresement tout est dit (décrit)… 🙁

Neji .

L’histoire est folle, qui aurait pu soupçonner un tel scénario pour les droits de ce jeu et la création du jeu sur plusieurs plateformes.
Surtout regarder le générique de fin on voit de vraie vidéos un court instant de nos deux protagonistes a Moscou .
Avec un petit remix électro du thème de Tetris..
D’ailleurs tout le long du film le thème est saupoudré avec parcimonie, la musique est très sympa du coup.
Film très agréable plutôt bien produit une mise en scène très correcte petit film d’espionnage sur fond d’histoire vrai autour de la culture pop et d’un jeu mythique et ave un arrière plan géo politique.
Et pour tous les amateurs de jeux vidéo quand il entre chez Nintendo, ensuite lorsqu’il découvre la game boy, c’est magique !!

Dopseu

Il y a une scène dans le film qui est similaire à une autre dans une série (Mythic Quest: Raven’s Banquet S2 Ep 6).
Bien plus espionage que Tetris…

fred0007

Ie critique a buggé, le film est bon

M4

Bon film, critique à chier pour pas changer

Lydamis

Ça donne 4 étoiles a avatar 2 qui e a chier je me suis fait chier comme jamais, ou pendant 3h le seul sujet du film c’est la famille la famille la famille Cameron doit avoir un complexe c’est pas possible.Et 2 étoiles a ce film qui est pour moi très bon avec une pointe d’humour sans jamais tombé dans la débilité. Et réussir à faire un film presque d’espionnage avec Tetris et un exploit ou tout les autres tiré de JV tombe dans les pires travers de débilité. Combien déjà a Uncharted 3 étoiles ahaha vous êtes plus crédible sérieux.