Aster Hours
« Si vous envoyez un gosse de 10 ans bourré d’antidépresseurs faire des courses, voilà, c’est le film ». « Ce film vous fera ressentir toute une vie, toute une personne ». « Une épopée sombre et comique ». « C’est comme une version juive du Seigneur des anneaux ». Les inconditionnels d’Hérédité et Midsommar ne savaient pas quoi attendre de ce Disappointment Blvd., retitré Beau is Afraid à quelques mois de la sortie. Ce ne sont pas les contributions du cinéaste à la promotion qui vont les éclairer. Pas plus que le film lui-même.
Ni la critique, ni les bandes-annonces, ni l’artiste en personne ne sauraient décrire cette épopée protéiforme de presque 3 heures, cette anomalie industrielle estimée à 35 millions de dollars (le plus gros budget d’une production A24 !) et proprement invendable. Tout juste peuvent-ils vaguement énoncer ses prémisses, à savoir la quête de Beau pour retrouver une mère étouffante. Lui qui habite dans un appartement miteux, au sein d’un quartier vraiment, vraiment dangereux, il se résout à affronter le monde extérieur après s’être fait subtiliser ses clefs et sa valise.
Un postulat qu’il tient de son court-métrage Beau, sorti en 2011, sept ans avant la consécration critique et populaire Hérédité. Le scénariste part plus ou moins de la même idée, pour ensuite emporter son récit dans des extrêmes surréalistes divers, allant de la comédie absurde au bad trip psychanalytique, en passant par une étrange séquence d’animation.
Beau is Afraid est l’occasion pour Ari Aster de revenir à l’ambiance bizarroïde de ses premiers travaux, quitte à s’affranchir des codes de la fiction horrifique auxquels il avait dû se plier pour ses deux longs-métrages précédents, sans pour autant se séparer de ses obsessions (la drogue douce, la figure de la mère, l’architecture, les prémonitions, les décapitations…).
Et c’est même pas la scène la plus improbable du film
« Ce film me ressemble plus que tout ce que j’ai pu faire auparavant. Il contient ma personnalité et ma vision de l’humour », confie-t-il dans les notes de production. Il aurait d’ailleurs voulu en faire son premier gros projet, avant d’opter pour Hérédité et Midsommar. D’où la continuité avec ses courts-métrages, dans lesquels il pioche allégrement. À Beau, il emprunte une paranoïa obsessionnelle. À Munchausen, il emprunte une chronologie aléatoire. Au barré The Turtle’s Head, il emprunte un humour parfois outrageusement graphique et toujours décalé. Quant au fameux The Strange Thing About the Johnsons, il lui emprunte un hibou empaillé et un malaise continu.
Le dénominateur tonal commun à toutes ces péripéties, c’est bien ce malaise que le metteur en scène s’est employé à instiller dans ses huit premières oeuvres, contaminant jusqu’aux tréfonds du scénario, jusqu’aux gags les plus drôles. C’est justement la spécialité de Joaquin Phoenix, comédien habitué à tomber de Charybde en Scylla, ici plus chahuté que jamais dans son pyjama argenté. Les deux hommes étaient voués à collaborer et la performance de l’acteur ajoute encore à l’instabilité d’un monde en perpétuelle mutation.
La place du mort (de trouille)
Lost in translation
De son aveu même, Aster s’éloigne des trois actes conventionnels de la fiction cinématographique, qu’il avait déjà un peu malmenés dans Midsommar, pour se livrer aux expérimentations auparavant chères à son coeur. Et ce à travers quatre grandes parties toutes plus déconcertantes les unes que les autres, encadrées par deux scènes assez mémorables se répondant entre elles.
Libre à chacun, bien sûr, de mener son enquête sur les influences disparates qui s’entremêlent dans chaque segment. Les uns souligneront la dimension kafkaïenne et les relents dystopiques de l’hilarante première demi-heure, les autres les traces des auteurs qui ont de toute évidence influencé le cinéaste (Carl Jung, entre autres), voire les pastiches de certains archétypes hollywoodiens (le personnage de Denis Ménochet). L’attention portée à l’esthétique visuelle, aux décors balayés par les mouvements de caméra amples, ou aux tas de détails qui s’amoncellent dans chaque scène, qu’il s’agisse de graffitis ou d’accessoires méticuleusement disposés ici et là, impressionne.
On dresserait presque un parallèle avec le labyrinthe angelin du génial Under the Silver Lake, si Aster ne prenait pas le contrepied de son collègue David Robert Mitchell. Le second cherchait à organiser un jeu de piste purement cinématographique, rayonnant et pop. Le premier passe son temps à changer de braquet sans explication, pour épouser la confusion de son héros, en permanence en train de se demander ce qu’il se passe. Comme lui, le spectateur est invité à revoir ses attentes toutes les dix minutes, au point de risquer sa frustration.
En désobéissant à la plupart des règles narratives traditionnellement affiliées au 7e art, le film refuse de lui fournir les points de repère de la quête initiatique habituelle. Non seulement il n’accorde aucun indice spatial, mais il rechigne à opérer un crescendo rythmique. La comédie franche du début est complètement désamorcée par une deuxième partie léthargique, puis par un délire animé psychotique qui éclate les dernières attaches de la suspension d’incrédulité. Enfin, la longue conclusion, ultime doigt d’honneur, jongle habilement entre la tension malaisante et le grotesque le plus radical. En résulte un ventre mou, mais aussi la certitude de voir le monde à travers les yeux de Beau.
Armen Nahapetian en Beau gosse
Quand Aster brise la temporalité à la Haneke, il ne cherche pas à rivaliser avec son cynisme. Il illustre le paradoxe au coeur du film : Beau suit une trajectoire complètement imprévue… et pourtant son destin était tout tracé. Une drôle de logique que le cinéaste, toujours soucieux de plonger le spectateur dans la même confusion que son protagoniste, applique à la forme même du long-métrage, et ce dès les logos des producteurs ! Il exprime le paradoxe qui conditionne toute la singularité de son épopée, le paradoxe qui nourrit le vrai sentiment pourrissant la vie de Beau : l’anxiété.
The age of anxiety
Il y a des personnes pour qui les péripéties de Beau ne seront pas si improbables : les anxieux, les stressés de la vie. Beau a peur. Il a peur de se faire voler ses clefs quand il attrape son fil dentaire. Il a peur de son quartier, de tomber nez à nez avec le maniaque des infos. Il a peur des gens trop bienveillants, des ados et des syndromes post-traumatiques. Il a peur de de l’introspection, de creuser son passé et son futur au détour d’une représentation théâtrale. Il a peur des retrouvailles avec son amour de jeunesse. Il a peur du gonflement suspect de ses testicules. Et bien entendu, il a peur de sa mère, spectre qui plane sur sa vie depuis sa tendre enfance, voire depuis sa naissance.
Et le film se charge de concrétiser et d’exacerber la moindre de ses peurs – des peurs très communes au demeurant – emportant le cinéphile consentant dans des abîmes anxiogènes. Chacune de ses mésaventures est la manifestation d’une nouvelle inquiétude plus ou moins existentielle. Avec comme fil rouge une culpabilité écrasante, à laquelle il sera directement confronté dans un final tour à tour absurde et glaçant.
Ari Aster nous balade dans le cerveau d’un névrosé sévère, victime de sa famille, qui déforme le monde autour de lui au gré de ses montées de stress. Et il entend bien, comble de la cruauté, le condamner à subir ça toute sa vie, comme l’annonce ce plan subjectif introductif lunaire et le confirme le segment animé.
Beau is Afraid est certes à cheval entre plusieurs genres parfois diamétralement opposés, mais son ambiance confinant au malaise en fait bel et bien un film de trouille, dans le sens premier du terme. Et par la même, il s’inscrit parfaitement dans la filmographie du réalisateur, aux côtés de ses courts et longs-métrages. Hérédité aussi générait sa peur à partir d’un traumatisme, puis d’une culpabilité familiale.
Le cas de Midsommar est plus évident encore : c’est en abandonnant toute angoisse et culpabilité qu’on y survit et qu’on s’intègre à la secte, qui finit par absorber les émotions négatives. À moins de représenter une forme de toxicité, ce qui revient à courir le risque de finir dans un ours empaillé, puis en cendres. Le personnage de Joaquin Phoenix suit la trajectoire inverse de celui de Florence Pugh : plutôt que de se délivrer de ses névroses, il s’y enfonce pendant trois heures. Le voyage hallucinogène solaire des champignons laisse place à la terreur paranoïaque d’un joint trop chargé.
Après trois (longs) films, le génie d’Ari Aster se précise : il est l’un des rares cinéastes contemporains à savoir encapsuler le mal du (XXIe) siècle.
Je trouve ce film génial quel performance pour Joaquim phénix
Très très bon quel acteur et metteur en
scène ! 5/5. Pour ce film
J’arrive en retard. Mais QUEL P** DE FILM !!! Même si je rejoins Geoffrey sur la 3eme heure, quelques démonstrations en trop.
Joaquim Phoenix tjs au top, une réalisation parfaite, des images superbes, un scénario dérangeants,… Super film, ça s’est du vrai cinéma !!!!
C’est bluffant, on sait mais on ne distingue pas la partie réelle et celle du schizophrène tellement elles sont imbriquées et amplifiées par cette mère super castratrice.
Super film 4,7/5 pour moi.
Du vrai cinéma tout y est travaillé comme d’habitude avec ari aster . Mais le problème c’est que c’est beaucoup trop long et c’est dommage. Sinon comme explication j’ai compris que la responsable de toutes ses angoisses et névrose n’est autre que sa mère qui l’a ultra protégé et la carrément émasculé pour le garder pour elle toute seul et le résultat c’est que celui-ci finit par la buté tellement elle l’a étouffé et rabaisser y’a de quoi elle lui a quand même dit que s’il avait des rapports sexuels il aller mourir comme son père . Le reste c’est HP sous acides à cause de son psy qui lui a refilé des mauvais médocs pas adapté à lui . Le film est dingue imparfait et il a sûrement foutu en l’air la carrière de son Real mais juste pour la proposition ça mérite bien les 4 étoiles sur 5 a l’aise
Le psy de Beau change son traitement, il fait de la merde en ville (nu et armé d’un couteau qu’il croit être une statuette) et finit en HP (le bracelet électronique) ou il va croiser du personnel hospitalier chelou (la famille d’accueil) et d’autres malades encore plus chelous (la jeune fille, Menochet, la troupe de théâtre). Beau finira par tuer symboliquement sa mère avec l’aide de son psy mais devra répondre de son agression au couteau devant un vrai tribunal. Le film est simple, c’est le cerveau de Beau qui est complexe et vu que l’on voit tout à travers son regard; le film paraît complexe. 3h dans les yeux d’un très grand névrosé; l’expérience est dingue! GG Ari.
Grosse attente, première moitié drôle et surprenante, 2e beaucoup trop longue pour ce qu’elle avait à dire, les 2h de fin auraient pu tenir en 1h plus efficace, et tout aussi compréhensible. J’avais beaucoup aimé Midsommar, là faire encore plus long avec pas mal de répétitions, ça étire tout trop inutilement. Et 35 millions de budget c’est chaud, pas sûr que ça parvienne à rentrer dans ses frais vu qu’une bonne majorité du public sera laissée au bord de la route.
Chef-d’œuvre absolue !
La partie animé est complètement dingue !
Le film est complètement fou, je me suis jamais autant maré au cinéma tout seul !
Moi qui m’attendais à un film de barré, j’ai été servi, même « Brazil » fait normal à côté, pour dire !
Le seul truc que j’ai peur, je ne sais pas si son suicide commercial va rentabiliser les 35 millions d’euros investi par A24, qui décidément a cru à Ari Aster de lui donner carte blanche, rien que ça je dis chapeau !
(Le film n’a même pas était traduit en français)
Bien d’accord avec les avis précédents. La première partie est folle, la 2e sympathique mais longuette. Puis c’est interminable et on décroche totalement. Il ne sait ni comment terminer son film – ce qui est étonnant car les 2 premiers avaient un fin bien écrite – ni trop quoi raconter. Première déception, mais je lui fais toujours confiance, le melon va dégonfler un peu et il se remettra en selle rapidement.
Le cinéma que j’aime c’est bien celui-ci :
Celui qui fait vivre une véritable expérience, de l’expérimentation, du wtf, du mix des genres, des histoires ultra personnelle et humaines en bref du vrai cinéma !
Après Everything Everywhere All at Once l’année dernière
La super mega pépite de l’année les amigos !
Un film beaucoup trop long pour ce qu’il a à raconter. Après la vision cauchemardesque de Ari Aster fait encore mouche, avec des idées visuelles marquantes, même si c’est parfois grotesque à l’excès. Mais le métrage devient lassant à force de multiplier les thématiques et les couches de lecture sur la dernière heure, cela complexifie inutilement le récit.