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Air : critique bien chaussée sur Amazon

Par arnold-petit
15 mai 2023
MAJ : 17 mai 2023
15 commentaires

Sept ans après l’échec de Live by Night, Ben Affleck revient à la réalisation avec Air, sorti en salles aux États-Unis en avril dernier et directement sur Amazon Prime Video en France. Et même s’il ne réinvente pas le genre du biopic ou du drame sportif en racontant l’histoire de l’accord historique entre Nike et Michael Jordan, le film porté par Matt Damon, Viola Davis, Jason Bateman, Chris Tucker, Marlon Wayans et Ben Affleck lui-même n’en est pas moins captivant.

Air : affiche

HIS AIRNESS

Air est un film étrange. À première vue, il n’y a pas vraiment d’intérêt à raconter comment Nike a réussi à convaincre Michael Jordan de signer chez eux. Michael Jordan a signé chez Nike et s’est illustré comme un des plus grands athlètes de tous les temps, Nike règne désormais sans partage sur le marché de la chaussure de sport, et Air Jordan a dépassé son nom de chaussure pour devenir une filiale de plusieurs milliards que n’importe qui reconnaît à son logo.

La création de la première paire d’Air Jordan a révolutionné le basket-ball, la mode, l’industrie sportive et vestimentaire et la culture pour toujours, mais si la fin de l’histoire est déjà écrite et célèbre, le début, lui, est beaucoup moins connu.

 

Air : photo, Matt DamonOui, attends, je te rappelle

 

Le film, qui a été réalisé avec l’accord de Michael Jordan, retrace de façon fidèle et assez juste l’histoire de la signature du joueur chez Nike à travers la figure de Sonny Vaccaro (Matt Damon) à l’époque où la société venait d’entrer en bourse et ne représentait que peu de paires (et de parts) à côté de Converse et Adidas. Employé comme découvreur de talents pour l’équipementier, le personnage est introduit comme un « gourou du basket-ball » qui repère le potentiel magnétique de Jordan et qui tente de convaincre les exécutifs de Nike, mais aussi la mère du joueur, Deloris (Viola Davis), de signer le jeune prodige coûte que coûte.

D’entrée de jeu, alors qu’il ne fait que présenter les différentes personnes de chez Nike impliquées dans l’affaire, Howard White (Chris Tucker), responsable des relations avec les athlètes, Rob Strasser (Jason Bateman), un des hauts cadres du marketing, ou Phil Knight (Ben Affleck), le fondateur et PDG de l’entreprise, le film livre pourtant une étonnante énergie. D’abord par son montage et sa bande-son composée de morceaux de pop rock des années 80, mais surtout par son écriture.

 

Air : photo, Jason BatemanDes noms pour monter aux arcs ?

 

Tandis que les magnifiques décors de François Audouy (Logan, Le Mans 66) et le travail de Robert Richardson (le directeur de la photographie de Shutter Island ou Once Upon A Time in Hollywood avec qui Ben Affleck a déjà travaillé sur Live By Night) donnent une texture rétro juste soignée, ni criante, ni effacée, le film enchaîne les scènes et dialogues vifs, plein d’esprit, en gérant parfaitement sa narration, son rythme ou son tempo comique.

Et alors que les personnages parlent de stratégie marketing en marchant et en se hurlant dessus au téléphone dans une atmosphère de drame sportif qui ressemblerait presque à du Aaron Sorkin, le scénario d’Alex Convery (dont c’est le premier film) dégage pourtant un charme irrésistible et sincère.

 

Air : photo, Chris TuckerOn n’est pas bien là ?

…AND I TOOK THAT PERSONNALLY

Au-delà de ses qualités narratives et visuelles, Air peut aussi compter sur son casting absolument parfait, Matt Damon et Viola Davis en tête. La complicité entre l’acteur et son vieil ami Ben Affleck se ressent dans chaque scène qu’ils partagent et leurs prises de tête apportent du dynamisme au récit en permettant de comprendre les deux visions opposées, mais complémentaires des deux hommes, qui doivent concilier l’inspiration et la folie créative des débuts aux ambitions économiques de la société.

Phil Knight doit rendre des comptes à un conseil d’administration depuis que son entreprise est entrée en bourse, alors que Sonny Vaccaro, poussé par son instinct de joueur compulsif, pense qu’il faut tout miser sur Michael Jordan.

 

Air : photoSeul chez Nike

 

Jason Bateman, Chris Tucker, Matthew Maher et Marlan Wayans sont tous excellents dans leurs rôles secondaires, et leurs personnages tentent chacun de dissuader Sonny d’aller jusqu’au bout de sa démarque. Mais contre l’avis de David Falk, l’agent de Jordan incarné par un Chris Messina intenable, Sonny décide d’aller directement voir la mère du joueur.

Dès que Viola Davis apparaît en Deloris Jordan, le film prend alors un ton, plus sensible, plus sentimental. Lorsque l’actrice et Matt Damon se font face dans le jardin de la maison des Jordan en Caroline du Nord ou dans l’immense salle de réunion au siège de Nike à Beaverton dans l’Oregon, la caméra de Ben Affleck se rapproche d’eux pour filmer leurs visages en gros plan. Un moyen d’évoquer le respect mutuel qui se développe entre eux à mesure qu’ils apprennent à faire connaissance, mais aussi la même foi qui les habite. Contrairement aux autres, tous les deux arrivent à percevoir le potentiel de Michael, son talent, son aura.

 

Air : photo, Viola DavisAllô, l’Académie des Oscars, encore ?

 

En restant focalisé sur Sonny Vaccaro et en changeant certains éléments de l’histoire (comme la paternité du nom « Air Jordan » qui n’est pas attribuée à David Falk, mais à Peter Moore, pour donner du crédit au célèbre designer disparu quelques mois avant la réalisation du film), le scénario ne permet malheureusement pas d’approfondir la mère et le père de Jordan, James (Julius Tennon, le vrai mari de Viola Davis) autant que les autres. Mais cela n’empêche pas que cette croyance que Deloris partage avec Sonny donne presque une dimension mythologique, voire mystique, au récit.

Le film en joue d’ailleurs intelligemment, en traitant quasiment Michael Jordan comme une figure divine (son visage n’apparaît jamais à l’écran et Deloris explique à Sonny qu’il n’a pas besoin de « le » voir lors de leur première rencontre), mais aussi dans une des dernières (et meilleures) scènes du film : lors d’un superbe discours durant la réunion entre Nike et la famille Jordan, Sonny prédit son avenir à Michael et l’élève au-dessus du commun des mortels tandis que des images de son futur défilent à l’écran.

Dans cet instant magique, Matt Damon se transforme alors en une sorte de devin capable de lire l’avenir grâce au cinéma, et l’ode à Michael Jordan que Ben Affleck compose dans son film devient encore plus belle et fascinante.

 

Air : photo, Matt Damon, Jason BatemanEt pour la couleur ?

 

JUST DO IT

Derrière la belle histoire de marketing et les bons sentiments réside une thématique qui représente finalement toute l’ambition de Ben Affleck avec Air : montrer comment des individus passionnés essayent de donner vie à leur vision et faire ce qu’ils aiment dans un système capitaliste régi par des statistiques, des comités d’actionnaires et des « décisions prudentes, stratégiques et mesurées« , comme le dicte une des règles de Phil Knight.

Cette croyance inébranlable de Sonny et Deloris dans la grandeur de Michael est précisément ce qui motive la mère et le joueur à demander un pourcentage sur les ventes des Air Jordan. Ainsi, le contrat entre Nike et Jordan est devenu historique parce que c’était un énorme pari de plusieurs millions qui était fait sur un Afro-Américain de 21 ans n’ayant jamais joué une seule minute en NBA, mais aussi parce qu’il a totalement bouleversé la façon dont les joueurs ont ensuite gagné de l’argent grâce aux sponsors.

 

Air : photo, Viola DavisMa famille d’abord

 

Après avoir raconté son rôle dans l’accord entre Nike et Jordan, le film explique que Sonny Vaccaro a continué de marquer l’histoire du sport en jouant un rôle essentiel dans une bataille juridique entre la N.C.A.A. (la ligue universitaire de basket-ball) et les joueurs pour l’utilisation de leur nom et de leur image.

Cette idée de redistribuer les profits du capitalisme à ceux qui le font s’enrichir se retrouve directement dans l’élaboration de Air, premier film produit par la société de production indépendante créée par Ben Affleck et Matt Damon, la bien nommée Artists Equity, fondée sur un modèle de partage des revenus pour offrir des conditions plus favorables aux artistes et techniciens.

Et à l’heure où les scénaristes font justement grève pour réclamer une hausse de leur rémunération et une part des bénéfices générés par le streaming, le propos est aussi pertinent que subversif, mais aussi ironique.

 

Air : photo, Ben AffleckQuentin Tarantino aime ça

 

C’est sans doute pour cette raison que Ben Affleck, conscient de livrer un tel message dans son film produit et distribué par Amazon, joue Phil Knight comme un imbécile contradictoire qui roule en Porsche et qui ne vit que pour les résultats, mais qui est un fervent adepte du bouddhisme zen choisissant, au final, de prendre tous les risques.

Le réalisateur illustre merveilleusement son propos avec la musique du film, qui s’ouvre sur Money for Nothing de Dire Straits et se termine sur Born in the U.S.A. de Bruce Springsteen. La hargne contre le capitalisme et l’illusion du rêve américain entre cette histoire vraie de légende et de millions.

Air est disponible depuis le 12 mai sur Amazon Prime Video.

 

Air : affiche

Rédacteurs :
Résumé

Avec son écriture qui virevolte sans se perdre, son magnifique casting qui porte le récit et ses nobles intentions qui l'élève encore plus en haut, Air est un film drôle, inspirant et bien plus intéressant qu'une simple histoire de marketing et de chaussures de sport.

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youl

Les droits TV des matchs c’est autre chose. Le fait que Jordan ne soit pas incarné est problématique quoi qu’en dise Mr Affleck.

D’ailleurs il n’y a aucun enjeux ds le film car on connait déja la fin de l’intrigue.

Dans le genre des success story, je préfère largement House of Gucci, qui se focalise sur le moment de la succession et l’environnement familial toxique, sans jouer la carte mélancolique de l’époque. les personnages étaient incarnés et ambigus comme tout être humain.

Loozap

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Cooper

Si Jordan n apparaît pas à l écran ce n est pas une question de droit, Affleck l a très bien expliqué en interview et a bien compris que ce n était pas l enjeu du film.

Birdy l'inquisiteur

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Youl : Jordan apparait à l’écran, à travers des images d’archive. Donc les droits…

andarioch1

Le « Quentin Tarantino aime ça », j’en ris encore^^

Loreas

Vu hier soir et aussitôt oublié. La reconstitution des 80’s on commence à avoir l’habitude, ça devient la tendance actuelle en terme de période sur laquelle les scénaristes aiment travailler, ça touche les quinquas comme moi, et ça fait rêver les plus jeunes aussi, qui y voient une sorte d’eldorado du bonheur et du cool. Le traitement de l’histoire est très « plat », c’est très classique et sans surprise du début à la fin, on ne ressent pas vraiment les enjeux, il n’y en a pas à vrai dire, on est sur un rail. Comme Gloups, je préfère nettement The founder dans le genre, mais bon, Michael Keaton y crève l’écran là ou Damon et Affleck jouent dans l’inexpressivité totale qui leur est propre.

youl

Film qui va ravir les quarantenaires en avec cette madeleine de Proust des années 80.
Il y a qq anecdotes sympas sur Nike et l’immersion dans ces années est bien mise en scène.

Après on reste sur un film qui glorifie le capitalisme avec des génies qui se reconnaissent et s’assemblent pour créer un produit qui va cartonner et marquer une génération.

Comme dans toute la mythologie capitaliste, ces génies sont là et on doit admettre leur génie que seul d’autres génies peuvent percevoir : ce sont des dieux modernes !!

M.Jordan n’apparait pas une seule fois à l’écran, une histoire de droits mais pour un film dont il est le personnage principal c’est très bizarre….

Au final, c’est un film qui se regarde bien mais qui s’oubliera aussi vite.

Leduk

Quelle drole d’idée pour un sujet de film. Jadore damon mais là, j’vais pas gaspiller 2h de la vie pour un film sur une basket de merde vendue par un gus juste bon à lancer la balle, c’est fou que ça intéresse des gens.

Brebiss

J’ai pas trouvé ça ouf non plus par faute d’enjeux, tu vas d’un point A à un point B c’est tout. C’est juste une reconstitution certes
bien faite des 80s et pour moi ça va pas plus loin

zetagundam

Chris Tucker le retour ?