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La Petite Sirène : critique d’un Disney noyé

Par Déborah Lechner
24 mai 2023
MAJ : 29 janvier 2024
60 commentaires

La Petite Sirène, le nouveau remake en prises de vues réelles de Disney signé Rob Marshall s’est échoué en salles. Avant même sa sortie, le long-métrage sentait le poisson pas frais à des kilomètres et l’odeur n’était pas trompeuse : la réadaptation du film d’animation de 1989 est un autre échec pour la compagnie aux grandes oreilles, qui continue de sombrer. 

La Petite Sirène : Affiche

20 000 LIEUES SOUS LES MERDES

Qu’on parle d’un film tiré d’une bande-dessinée, d’un jeu vidéo, d’un roman ou d’un précédent long-métrage, il convient de le distinguer de son matériau d’origine et de le considérer comme une oeuvre à part entière. Le jeu des sept différences n’est pas vain ou interdit, mais une adaptation doit aussi exister indépendamment de ce qu’elle décalque.

Après tout, chaque réactualisation peut être l’occasion d’interpréter autrement, de raconter différemment, voire de bouleverser tout un imaginaire pour en imposer un autre, comme récemment encore avec le Pinocchio de Guillermo del Toro. Disney est également très fort à ce jeu, la firme s’étant approprié de nombreux contes et histoires depuis les années 1930, jusqu’à les supplanter dans l’imaginaire collectif. 

 


 

Mais si Disney ne s’est jamais embarrassé d’une quelconque fidélité par rapport aux matériaux d’origine, la plupart de ses remakes en prises de vues réelles restent enchaînés aux chefs-d’œuvre animés, sans chercher une quelconque singularité. Mis à part Mulan ou des spins offs comme Maléfique et Cruella, le but est de singer les anciens films en reprenant les mêmes scènes, les mêmes gags, les mêmes lignes de dialogues, les mêmes thèmes musicaux et la même charte graphique dans une bête logique d’autocitation. D’où l’impression de plus en plus rébarbative de voir un défilé de fans en cosplay rejouer et massacrer les films de notre enfance.

C’est d’ailleurs le plus gros piège dans lequel tombe la plupart des remakes : forcer en tout point la comparaison, et en souffrir inévitablement. La Petite Sirène ne fait pas exception, tant l’univers du film d’animation qu’il recrache ne se prête pas du tout au monde réel. 

 

La Petite Sirène : Photo Halle BaileyBah oui, sous l’eau on voit pas très bien

 

DE CONTE DE Fées à film d’horreur

On a déjà fait le reproche à Peter Pan & Wendy, Pinocchio ou Le Roi Lion, et rien n’a changé avec La Petite Sirène. La nouvelle version n’a plus rien de magique ou d’enchanteur. En essayant de recréer les moments cultes de La Petite Sirène en prises de vues réelles, tout ce qui était iconique est devenu terne et anémique, à commencer par les numéros musicaux. Tout est désespérément plat et ennuyeux, comme si la caméra traînait une enclume ; la mise en scène est figée et ne provoque jamais l’euphorie ou le lyrisme attendu. 

C’est l’autre limite de l’exercice : difficile de faire swinguer et chanter des poissons et crustacés tout en restant réaliste. Halle Bailey a beau se donner à fond, ses interactions avec un Sébastien et un Eureka photoréalistes manquent fatalement de substance et d’authenticité, ces derniers étant aussi inexpressifs qu’un crabe et un goéland lambdas. Leurs interactions physiques peuvent carrément paraître glauques, comme quand Ariel tient Polochon par les nageoires en donnant l’impression de vouloir les lui arracher. 

 

La Petite Sirène : photo, Halle BaileyManque plus qu’un crachin dans la gueule

 

D’autres scènes tournent à l’absurde, voire au pathétique. Lorsqu’Ariel chante sur son rocher, c’est avec autant de vraisemblance qu’un enfant qui imiterait la scène sur un rebord de piscine. Le sommet du ridicule reste cependant cette apparition en contrechamp de Javier Bardem dans le final, qui barbote dans son bassin, la barbe à moitié mouillée et le regard vide. Plus globalement, le film est repoussant, de sa photographie terne à sa direction artistique dépouillée, en passant par les effets numériques approximatifs (les cheveux secs qui ondulent sous l’eau, typiquement).

Le plus triste est certainement le manque d’immersion, au sens propre comme au figuré. Pour pleinement se projeter sous l’eau, le film d’animation avait nécessité un travail colossal, notamment pour les bulles, tellement nombreuses qu’il a fallu les sous-traiter en Chine. La version de 2023 a gommé la moindre bulle à l’écran, appauvrissant de fait l’environnement aquatique. 

 

La Petite Sirène : photo, Halle Bailey« On déambule, on fait des bulles sous l’océan » BAH NON JUSTEMENT

 

LA SEULE bulle d’air, C’est le scénario

Si on pouvait encore voir dans Le Roi Lion de 2019 une ambition purement technique, il est depuis difficile de trouver une réelle plus-value ou de vrais parti-pris dans les derniers remakes de la firme. Au-delà d’invoquer une nostalgie à double tranchant, le seul véritable intérêt de ces films produits à la chaîne est de pouvoir moderniser les classiques, de les dépoussiérer par endroits en corrigeant quelques maladresses, en particulier sur les questions de représentation et d’inclusivité. La Petite Sirène version Rob Marshall suit le même courant. 

Avec 50 minutes supplémentaires par rapport au film de 1989, Disney a donné à Ariel un caractère plus affirmé et des motivations moins superficielles. Éric est quant à lui un prince charmant moins effacé, tandis que le scénario prend le temps de développer leur relation au-delà de leur balade en calèche. Mais pour 200 millions de budget (apparemment), le public était en droit d’attendre un peu plus qu’une autre version détrempée et remâchée de Roméo et Juliette

 

La Petite Sirène : photo, Halle BaileyQuand Éric rencontre Ariel

 

La Petite Sirène étend légèrement le monde de la surface, y glissant même timidement quelques propos politiques, mais réduit à peau de chagrin tout ce qui se trouve sous l’océan. Alors que c’était le plus excitant visuellement, le royaume d’Atlantica n’est jamais montré, voire à peine mentionné, tout comme les sujets du Roi Triton, qui trône sur du vide pendant presque deux heures.

Les océans sont vides, davantage jonchés d’épaves de bateaux et d’objets perdus que de sirènes, avant que le final décide enfin de sortir de l’eau une dizaine de figurants. Le fait que Triton règne sur les sept océans et que ses sept filles veillent sur chacun d’entre eux n’est là encore jamais exploité, tout comme la mort de la mère d’Ariel qui est expédiée en deux phrases et ne sert qu’à renforcer la haine du souverain à l’égard des humains.

De quoi confirmer la paresse de Disney, qui ne cherche plus à émerveiller ou à relever le moindre défi. On peut même parier que cette critique s’appliquera en grande partie au prochain Blanche-Neige, puis à Lilo et Stich, Hercule, et ainsi de suite. 

 

La Petite Sirène : affiche

Rédacteurs :
Résumé

Sous l'océan, on se noie et on meurt d'asphyxie. La preuve avec La Petite Sirène

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Commentaires
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Fred & Ric

Entièrement d’accord avec votre descente en flamme d’un film qui prend l’eau. Disney devrait arrêter d’adapter ses films d’animation en « live » : cela pompe inutilement l’argent disponible, tout ça pour faire des remakes insipides, avec pour seul argument qu’il faut faire de « l’inclusif »… sauf que ce n’est pas un argument de vente. On veut du rêve et de la magie et pas des « quotas » à remplir.

tito

@Freezy
le film est nul donc même emballé dans un belle écrin une merde reste une merde et vu les critique sur les autres sites, le sien est plutôt objectif et suis la tendance
ha les gocho et leur refus de toute critique
je vous donne mon mail: ensenfoudetavie@gocho.com (mailto:ensenfoudetavie@gocho.com)

Freezy

20 000 LIEUES SOUS LES MERDES
Manque plus qu’un crachin dans la gueule

J’aimerai être mis en relation avec la personne qui a ecrit cet article. C’est un veritable torchon.
Critiquer est une chose. La manière en est une autre.
La vulgarité utilisée pour exprimer ses propos m’estomaquent.

Chère auteur de cet article,
Être exposé sur le net pour donner votre avis ne vous donne pas le droit de prolifirérer des inepties mais le devoir d’être correct dans vos propos
Si vous avez besoin de consultez.
Voici mon mail si besoin.
Cordialement,
Fenkary@gmail.com (mailto:Fenkary@gmail.com)

Xam

Aucune pédanterie ou condescendance ici. J’ai sûrement passé un de mes pires moments de cinéma. Les textes des chansons qui ne sont pas travaillés, le jeux d’acteur sur ces mêmes chansons et en général, tout est ridicule ou au mieux prête à sourire. Une poursuite façon dent de la mer, des effets spéciaux qui ne servent aucune crédibilité. Les seconds rôles animalier sont vide de toutes expressions, impossible de s’y attacher. Une scène de fin en mode Met Gala cheap. Bref ne perdez pas votre temps.

Bobigny

Comment peut-on être aussi mauvais ?
Je me pose la question tout les jours, je ne trouve pas la réponse à cette médiocrité.

bimbamboom

C’est incroyable d’écrire autant de bêtises dans une « critique ». Je ne vais pas perdre mon temps à argumenter mais ce qui est sur c’est que Ecran Large prend l’eau depuis quelque temps.

Birdy l'inquisiteur

Si demain, l’adaptation des 101 Dalmatiens propose un couple gay asiatique comme famille d’accueil des chiots, où sera le problème ?
Le vrai souci serait de faire les 101 labradors.

Birdy l'inquisiteur

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Aurelie : Que les films destinés au marché domestique castent leur propre population, c’est plutôt logique. Mais jusqu’à preuve du contraire, en Chine et en Corée, il y a surtout des… Chinois et des coréens d’apparence asiatique.
En France, si aucun film ne propose de 1ers rôles à la diversité, il y a forcément un souci.
La population américaine étant ce qu’elle est, cela impose selon toute logique que les personnages de temps en temps « colorés ».
Donc que la « ariel live » marque une rupture avec le dessin animé prouve que les lignes bougent. Que ça soit opportuniste ou pas. J’imagine bien les exécutifs de Disney se demander quel film serait propice à injecter un peu de couleur. Sachant qu’il n’y avait que des héroïnes blanches avant Pocahontas, n’importe quelle adaptation qui oserait franchir le pas serait forcément en décalage avec le dessin animé original. Et comme Blanche neige, bof… Ariel devient un choix plutôt logique.

Le débat sur ce film devrait se concentrer sur la nullité affligeante de la formule Disney. Surtout à 1 semaine de la sortie d’un autre (super) héros noir dans un chef d’œuvre d’animation qui va mettre une claque à tout le monde.

Aurélie

@Altaïr : quelle pédanterie… Et sinon, est-ce qu’il y a des Noirs dans les films chinois ou sud-coréens ? Ou des Japonnais dans tous les films occidentaux ? Non et pourtant les Japonnais ont le droit d’exister et se sentent sûrement exclus. Ah bas les films sans acteurs asiatiques !!!

alulu

Ce qui me turlupine c’est comment le traîneau de ce foutu Père Noël peut voler. Me sortez pas l’argument que c’est destiné aux enfants….surtout pas.