L’espion qui m’aimait
Adaptation du roman éponyme de Denis Johnson et co-scénarisé par Claire Denis, Andrew Litvack et Léa Mysius, Stars at Noon est un projet auquel la cinéaste française réfléchit depuis la fin des années 2000. Et si elle a longtemps hésité à le concrétiser, c’est finalement au moment de la mort de l’écrivain en 2017, alors qu’elle était en plein tournage de High Life, que Claire Denis s’est lancé dans l’aventure. Et afin de s’en libérer un maximum, la réalisatrice a déplacé le récit des années 80 à 2021 en pleine pandémie et transformé le personnage principal (Denis Johnson lui-même à l’origine) en femme.
Stars at Noon suit ainsi Trish, une jeune journaliste américaine (la magnétique Margaret Qualley) bloquée au Nicaragua alors que le pays est au coeur d’une crise politique majeure et subit aussi de plein fouet le Covid. Lors d’une de ses multiples soirées dans un bar d’hôtel vide, Trish fait la rencontre d’un mystérieux anglais (Joe Alwyn) qui pourrait bien l’aider à fuir le pays. Sauf que cette relation de plus en plus sensuelle va la mener dans une situation périlleuse.
En effet, le film repose théoriquement sur une intrigue d’espionnage politico-électorale où un agent anglais tente, a priori, de débusquer des infos. Claire Denis fait donc, en partie, son James Bond avec une touche hitchcockienne à travers l’aventure du duo incarné par Joe Alwyn et Margaret Qualley. Du moins, sur le papier, car finalement, tout le thriller n’est qu’une façade, Claire Denis préférant s’amuser à remodeler le genre à sa manière. La course-poursuite de la première heure, où le duo décide d’échapper aux flics qui surveillent l’Anglais, est peut-être la plus représentative du désir de la cinéaste.
Là où n’importe quel film d’action aurait accentué le rythme et le découpage afin de créer de la tension, Claire Denis choisit au contraire de garder le même tempo calme et nonchalant. Les deux amants sortent ainsi tranquillement de l’hôtel, montent dans un taxi qui met du temps à démarrer, regardent derrière eux en rigolant pour voir si les ennemis sont toujours là sans rien y voir et finissent par les semer dans un marché, bière à la main. Un geste de cinéma désarçonnant qui donne à Stars at Noon une vraie singularité plutôt intrigante.
james bandE girl
Ainsi, le simili-James Bond se révèle surtout peu à peu être un anti-James Bond. Car pendant 2h17, le long-métrage ne sortira jamais de ce faux-rythme, plongeant le spectateur au coeur de ce film d’espionnage au regard féminin puisqu’on ne suit l’intrigue quasiment uniquement à travers le personnage de Trish (simili-James Bond girl). Et à dire vrai, il y a quelque chose de profondément culotté à laisser reposer un tel film sur une dynamique aussi éteinte. En se refusant par tous les moyens à l’action, en résistant à l’envie inexorable de plonger ses personnages au coeur d’une intrigue véritablement tendue, Claire Denis impressionne, d’une certaine façon.
De fait, ce n’est jamais tant le récit qui fait l’intérêt du film, mais bien quasi-uniquement son atmosphère. Claire Denis enivre en filmant les corps dénudés de ses deux protagonistes, observant leurs ébats amoureux et ainsi, tentant de percer à jour l’évolution de leur relation au gré des verres de whisky engloutis, des balades nocturnes suintantes ou de slow mélancolique dans des boites vides au son du morceau Stars at Noon interprété par Stuart Staples (du groupe Tinderstricks).
Toutefois, bien que l’intention soit louable, difficile de ne pas trouver Stars at Noon globalement ennuyeux. Si le film est en parfait contre-courant, il subit justement sa radicalité tonale. La plongée atmosphérique au coeur de la chaleur moite du Nicaragua se mue inexorablement en exercice de style assez vain et fade. Passée la première heure, le temps devient terriblement long devant ce drame trop nébuleux et l’énième batifolage entre Margaret Qualley et Joe Alwyn achève d’endormir.
Il faut dire que l’alchimie des deux comédiens n’est pas franchement au rendez-vous. Et forcément quand, après plus de deux heures de regards insistants, d’échanges de salives et caresses délicates, on ne comprend toujours pas comment les deux personnages ont pu tomber sous le charme l’un de l’autre, l’ensemble en prend un coup. Bien sûr, Margaret Qualley se donne corps et âme dans la peau de cette journaliste paumée, mais tristement, c’est probablement la seule qui brille au milieu de ces fameuses étoiles du midi.
Non mais j’ ai jamais dit que c’était sa fille, hein. J’ai bien mentionné la filiation avec « The Limits of Control » car j’ai eu la réf en tête en lisant la critique (cadre exotique, rythme destructuré érotisme présent, concept de situation ) ca s’arrête sur ce film, pas sa carrière.
A voir quand je verrais le film.
Sinon, Claire Denis oui, « Trouble every day » m’avait bien marqué le reste moins… (contrairement à Jarmusch )
Et pis non Google n’est pas ton ami, voyez les films! 😉
@steve
Sympa le jeu des questions-réponses
Et effectivement, Claire Denis tourne depuis les années 60 alors que Jarmusch a commencé dans les années 80… Sinon plus qus que Jarmusch, j’aurais dit Wim Wenders avec qui elle a travaillé d’ailleurs… Comme on dit, Google est votre ami 😉
Sinon ça parle à personne Chocolat? Beau travail? Trouble Every Day?
Satan LaTeub, « disciple », ca vous va mieux? Non ? Mince alors
Ce film c’est trop un Banger en fait
A « Steve »: héritière de Jim Jarmush ?? Va falloir revoir vos connaissances cinématographiques mon petit. Claire Denis tourne depuis à peu près aussi longtemps que Jarmush, lequel Jarmush a plusieurs fois clamé son admiration pour Claire Denis.
J’ai vu les deux, très creux mal écrits et laids
Attention aux commentaires ! Le résumé a l’air d’être fait pour ceux qui apprécient les films les plus réalistes ! En plein Nicaragua , il ne vaut mieux pas se faire avoir . Comme pour les critiques sur Indiana Jones 4 , chacun son truc , moi je l’ai apprécié ! Attendons de voir le film , et mettons nous un peu dans la peau des personnages quant à l’intrigue …
Je n’ai vu qu’un film de cette réalisatrice, High Life. J’ai tellement détesté que je ne me pencherai plus jamais sur son oeuvre.
Un film d’action sans action ? Une héritière de Jarmusch alors genre « The Limits of Control ». Ca donne envie pour le coup mais il faudrait pour le coup une atmosphère qui embarque le spectateur ce que votre critique met alors un peu en doute. A voir