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Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) : critique pleine de douceur

Par Déborah Lechner
15 juin 2023
MAJ : 17 juin 2023
6 commentaires

Après son succès aux États-Unis et sa nomination aux Oscars du meilleur film d’animation, le phénomène Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) est enfin distribué dans les salles françaises sous la houlette du studio A24. Ce premier long-métrage réalisé par Dean Fleischer-Camp mélange animation en stop-motion et prises de vues réelles, mais surtout innocence et mélancolie. Sous ses airs faussement simplistes, le film est autant une sucrerie attendrissante qu’une belle réflexion sur la collectivité et l’individualisme.

critique pleine de douceur

HOMECOMING

À mi-chemin entre Arrietty : le petit monde des chapardeurs et Wall-E, Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) suit le quotidien bien rempli de Marcel, un minuscule coquillage forcé de se débrouiller seul depuis que lui et sa grand-mère Connie ont été séparés du reste de leur famille. Étant donné qu’il vit dans une maison à échelle humaine, ce personnage de quelques centimètres seulement réinvente constamment son environnement, forçant également le film à faire preuve de créativité pour détourner les objets de notre quotidien afin de les adapter au sien : une boîte à bijoux fait office de chambre à coucher ; une balle de tennis se transforme en 4X4 presque tout terrain ; un poudrier devient un lit douillet et le muselet d’une bouteille de vin un déambulateur pour mamie.

Le film fourmille ainsi de détournements amusants et astucieux qu’on imagine aussi très chronophages et méticuleux pour les animateurs. En plus de recréer tout un univers à partir de nos bricoles, Marcel sait aussi innover, comme lorsqu’il grimpe sur des murs après avoir englué ses chaussures de sirop d’érable ou qu’il fait tomber les fruits d’un arbre à l’aide d’un ingénieux système reposant sur un batteur électrique. Marcel est donc un jeune protagoniste d’apparence fragile et insouciante qui doit se responsabiliser, découvrir le monde au-delà de son jardin, trouver sa force et son indépendance en dépassant ses peurs. 

 

Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) : photoUn plan, dix idées

 

Le film a donc tout d’une autre quête initiatique qui se veut tendre, mais pas seulement. L’espièglerie du personnage, sa philosophie simple (qui lui confère une étonnante sagesse) et le ton léger du film cachent en réalité de la mélancolie et surtout la grande détresse émotionnelle de son tout-petit héros. 

L’histoire de Marcel, ou plutôt ce qui l’a contraint à la solitude, se trouve dans la dispute qui a éclaté entre les anciens propriétaires de la maison, ce qui renvoie l’image d’un enfant perdu qui cherche de nouveaux repères après le divorce ou la séparation de ses parents. Transformée en Airbnb, c’est-à-dire ce qu’on fait de plus impersonnel comme logement, cette maison dépeuplée peut ainsi symboliser la destruction du foyer et l’attente, tout aussi symbolique, d’un nouveau départ plus apaisé. 

  

Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) : photoJustice pour mamie Connie 

 

SORTIR DE SA COQUILLE 

S’il impressionne par sa technique, le film est surtout un puits thématique sans fond. Au-delà de la quête initiatique, plusieurs autres interprétations de cette histoire d’apparence banale sont possibles, comme les nombreux parallèles avec la guerre, l’immigration et sa descendance, mais surtout sa dimension méta. Après quelques courts-métrages viraux prenants Marcel pour vedette, la suite logique pour Dean Fleischer-Camp était de réaliser un long-métrage, celui-ci lui permettant de poursuivre les facéties du coquillage, de dresser le constat de notre époque et d’interroger son rôle au sein de son oeuvre. 

En une phrase toute simple, Marcel expose avec candeur une réalité crève-coeur : « Ce n’est pas une communauté, c’est un public« . En découvrant YouTube et les réseaux sociaux, il se rend compte que les gens sont plus connectés les uns aux autres que jamais, mais paradoxalement plus individualistes. L’histoire de Marcel qui se demande comment retrouver sa famille torpille le coeur (surtout quand il pose naïvement la question sur Google), mais parce que notre rôle en tant que spectateur est au coeur du récit

 

Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) : photoD’objet du spectacle à spectateur

En apprenant à connaître Marcel, en nous préoccupant de lui et en versant une larme quand il chante, nous quittons le public pour devenir à notre tour les membres d’une sorte de communauté aimante, à l’inverse des internautes et téléspectateurs fictifs pour qui Marcel n’est qu’un amusement et passe-temps entre deux autres recommandations YouTube. Les gens manquent d’empathie envers lui, se fichent de lui venir en aide, se moquent de son physique et de sa voix fluette, et ne sont intéressés que par la possibilité de faire une story Instagram.

Plus globalement, le film raconte en substance la déshumanisation des écrans, la médiatisation lucrative des drames humains (en l’occurrence d’invertébrés). Il faut que l’histoire soit triste pour faire cliquer ou dans le cas d’émission 60 minutes, pour ne pas changer de chaîne. Et c’est là que Dean, à travers son évolution, nous tend un miroir autant qu’il s’auto-analyse en tant que créateur.

 

Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) : photoUn film en forme de poupée russe

En portant une double casquette de réalisateur, dans la réalité et dans la fiction, il change de perspective. Son personnage a d’abord une approche froide et intéressée. Il ne souhaite ni apparaître dans son documentaire ni aider Marcel ou avoir d’interactions trop franches avec lui et Connie, à l’image d’un documentariste de National Geographic qui voudrait rester un simple témoin, distant et impartial.

À mesure qu’il côtoie son petit héros, il se montre plus amical et serviable, puis finit par s’investir émotionnellement envers son sujet d’étude et enfin se reconnecter au monde. Il passe progressivement de l’autre côté de la caméra jusqu’à disparaître du cadre avec son nouvel ami Marcel (et quelques-unes de nos larmes). Preuve une fois de plus que si les superproductions de Disney ou Pixar sont en baisse de régime, le cinéma d’animation lui se porte à merveille, qu’il est toujours plus créatif, chaleureux et surprenant.

 

Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) : affiche

Rédacteurs :
Résumé

Marcel le Coquillage (avec ses chaussures) est aussi inventif et attendrissant que son personnage principal le laisse deviner, mais surtout philosophique, aimant et profondément lacrymal.

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Sanchez

Très mignon ce petit film , esthétiquement irréprochable . Pas inoubliable mais les mirettes passent un super moment

Ano

Un film très plaisant, et esthétiquement original. Mais si le métrage fonctionne à merveille lors de la découverte du monde à l’échelle de Marcel, les enjeux du récit et leurs résolutions restent assez classique au final.

Gui

Mes attentes n’ont eu d’égal que mon ennui malheureusement

Antoine Doisnel

J’appelle ca un court metrage qui à mal tourner , la premiere demi heure et interessante de par l’interaction que Marcelle à avec son environnement, ses habitudes.
Tout voir à cette echelle j’ai eu l’impression d’une adaptation du jeu Grounded.

Mais l’heure qui suis , j’ai pleurer de fatigue tellement c’etait vu et revus comme thematique et maniere de faire, la mise en scene s’arrete a l’aspect documentaire et 1h30 de voix d’enfant naisillarde ma reelement fait prendre du recul sur mon envie d’etre parent.

Cidjay

« sous la houlette du studio A24 » :
Un seul argument qui confirme la qualité du métrage.
A24 ne font pas dans le mainstream et se sont spécialisés dans les objets cinématographiques atypiques… Toutes mes dernières claques en films, c’est eux.

@tlantis

J’ai décrocher au bout de 10 min sur ce film