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Sisu – De l’Or et du sang : critique du gros massacre de nazis de l’année

Par Mathieu Jaborska
19 juin 2023
MAJ : 17 septembre 2023
22 commentaires

Et si Rambo ne défouraillait pas des communistes, mais des nazis ? Telle est peu ou prou la question à laquelle tente de répondre Sisu, réalisé par Jalmari Helander, déjà derrière l’improbable (et amusant) Père Noël Origines. Taillé pour les festivals conviviaux (il a d’ailleurs fait la clôture du BIFFF), le massacre perpétré par Jorma Tommila s’est frayé un chemin en salles en France. Et tant mieux : cette pure série B est hautement recommandable.

un massacre de nazis

How to punch a nazi 

Pour qui fréquente régulièrement les festivals spécialisés, la promesse d’un gros carnage de nazis incite à la méfiance. Depuis que le cinéma d’exploitation des années 1970 est redevenu à la mode, sous l’impulsion des Tarantino et autres Rodriguez, ils sont nombreux à exploiter le filon, pas toujours avec brio. Pour ce qui est de la nazisploitation et de ses dérivés contemporains, le diptyque Iron Sky et affiliés sont bien plus souvent des vastes blagues, qui n’ont pas grand-chose pour elles à part leur concept. Récemment, Mad Heidi était vaguement sauvé par ses jeux de mots douteux sur les Suisses. Pas de quoi casser trois pattes à un Reichsführer non plus.

Mais Sisu est tout sauf l’une de ces pantalonnades un poil cyniques qui s’entassent généralement dans les bacs de DVD. Toujours sous la férule du producteur Petri Jokiranta, le scénariste et metteur en scène finlandais Jalmari Helander met du coeur à l’ouvrage.

 

Sisu : photo, Jack DoolanMettre du coeur à l’ouvrage, définition

 

Il préfère à l’accumulation de vannes et de références un récit bien plus âpre, à savoir les mésaventures de Aatami, un chercheur d’or au passé trouble, accompagné de son fidèle toutou et de sa pioche. Près de la ligne de front où les forces allemandes commencent à battre en retraite, il tombe sur un gisement qui lui rapporte de quoi racheter son pays natal. Manque de pot, sur le retour, il va se faire enquiquiner par des SS qui ne seraient pas contre empochés le pactole à ses dépens. La suite, on la connait : papy ne va pas se laisser faire et envoyer la bande de nazis vérifier par eux-mêmes si leur dieu admet les Aryens au paradis.

Et miracle : le film reste en permanence sur la fine ligne entre premier et second degrés, avant de virer au délire total dans la dernière partie. Sisu aurait très bien pu faire la jonction entre le pastiche de cinéma d’exploitation bas du front et la vague de sous-John Wick qui a suivi le succès de la saga de Chad Stahelski. Il choisit néanmoins la voie de la série B bien troussée et soigne son crescendo, quitte à assumer sa structure hyper-épurée, presque ludique, avec un carton pour introduire chaque séquence.

 

Sisu : photoQu’est-ce qui a pu leur passer par la tête ?

 

Survival of the filthiest

Jorma Tommila, collaborateur régulier du cinéaste, excellent en vieux baroudeur à la tête dure, ne dessoude pas du nazi à tour de bras comme pourrait le faire Keanu Reeves. Helander laisse s’écouler plusieurs dizaines de minutes avant de faire gicler le sang, espace méticuleusement ses quelques scènes d’action, par ailleurs très bien chorégraphiées pour renforcer leur brutalité, puis accentue à chaque scène l’absurdité des affrontements, jusqu’à un climax à peu près aussi jouissif qu’improbable. La montagne russe finlandaise Sisu prend son temps pour démarrer, puis gagne sans cesse en vitesse.

Et ce pour une très bonne raison : il s’agit moins d’un actioner débridé que d’un authentique survival, genre dont il exacerbe les codes jusqu’aux limites de la caricature. La note d’intention est énoncée à l’orée du troisième acte : ce héros, proie devenue prédateur, est tout simplement invincible… parce qu’il « refuse de mourir ». C’est le survivant ultime, qui ferait passer Bear Grylls pour un boy-scout et défie purement et simplement la quasi-intégralité des lois de l’anatomie humaine.

 

Sisu : photo, Jorma TommilaC’était pas ma guerre

 

Encore une fois, pas question de se vautrer dans la parodie au rabais : clairement marqué par Rambo, Helander rend justice à ses références et s’appuie énormément sur ses splendides décors naturels, tirant le meilleur d’un tournage difficile – la faute aux conditions climatiques – en pleine Laponie finlandaise. Et le scénario fait également partie de cet héritage, sans bien évidemment se prendre au sérieux. Les techniques de survie plus qu’extrêmes du bonhomme (c’est clairement la meilleure manière de respirer sous l’eau) ne sont pas mises en scènes comme des gags, mais ce sont très clairement les attractions principales d’un film qui ne manque assurément pas de sincérité.

Avec en prime un casting de nazis mené par un Aksel Hennie parfaitement exploité, un personnage de rebelle rappelant succinctement (toutes proportions gardées) Fury Road et une jolie photographie signée Kjell Lagerroos, Helander a trouvé la bonne recette de la série B divertissante. Et ce n’est pas, contrairement à ce que certains producteurs opportunistes voudraient nous faire croire, une mince affaire.

 

Sisu : Affiche

Rédacteurs :
Résumé

Jalmari Helander pousse les codes du survival à leur paroxysme dans une série B débridée et sincère qui se termine dans le n'importe quoi le plus jouissif. Que demander de plus ?

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Minimax

Les incohérences, OK. La fin w*f, pourquoi pas…
Mais d’où sort le chien, à la fin ???

souleater34

Que l’Histoire soit respectée, on s’en tape tant qu’il y a du nazi qui de fait dessouder! La mise en scène est bonne, l’acteur charismatique, la photographie excellente, les effets gore convaincants: le tout fait un film plaisant et amusant à regarder. 🙂

Korki37

Dès la première phrase de cette critique à l’ouest nous avons un problème. Mais quel est diable le rapport avec Rambo ? Surement le faux souvenir que vous en avez. Quant à Sisu, si certes la première partie peut laisser espérer quelque chose (déjà les nazis qui parlent anglais en 2023, bon ok) ça part très vite dans le trip à la John Wick où le héros, jamais mis en difficulté, enchaine les meurtres sans aucune idée de mise en scène avec le coup du gars (puis la fille dans une scène tout cheap de dtv) qui nous explique que c’est un ancien fifou qui a tué plus de 300 russes et que bien sûr sa famille a été tuée. Et que dire du dernier acte complètement foireux à la fois en terme d’enjeux, de mise en scène et de fx (ils vont jusqu’à faire une incrustation du méchant dans le cockpit de l’avion, hein ?). Ca lorgne doucement du côté de Fury Road (plans empruntés, la caravane de femmes qui rebellent) et c’est un peu gênant.

Bezoard

Une premier partie solide, une deuxième très punchy et la troisième et dernière partie vraiment très (trop?) w*f !! Vers la fin, je suis sortie du film tellement le scénario s est affranchi des règles de la physique élémentaire.
Je regrette en outre le ratage total dans le traitement du char (un T-55 ex-soviétique au passage, affublé d une balkenkreuz). L engin sert juste de pot de fleurs alors que le potentiel action était extraordinaire avec un combat dantesque man versus tank nazi ! Vraiment dommage et ça aurait bien remplacé le climax de fin too Much

Lache Chat à ta Mère

OK, c’est marrant les zigoulles de Nazis, mais à quand un bon petit film avec du massacre de cocos à volonté ?

Marc

j’ai vu SISU c’est RAMBO en Finland qui trouve de l’OR qui croise dees NAZIS et c’est c’est un carnage pour les NAZIS un NANAR bien assumé .

Schtroumpfette

J’hésite à le voir depuis que j’ai lu dans un commentaire que le poney prenait cher. Je sais, c’est paradoxal: voir de vilains nazis se faire charcuter ne me pose pas problème, mais les animaux… Je n’ai jamais revu Danse avec les loups à cause de la mort de Socks.:(

Karlito

Isac654: la trame semble prendre à un moment particulier en Finlande. Les troupes allemandes ont été présentes depuis l’opération Barbarossa en Laponie en accord avec la Finlande qui menait sa « guerre de continuation » avec un but précis: prendre la base de Mourmansk ou couper sa ligne ferroviaire. Quand la Finlande passa un accord d’armistice avec l’URSS suite à une grande offensive en juin 1944, un des points stipulaient de chasser les divisions allemandes du pays, »sans délais ». Ce qui a obligé les finlandais à recourir à la force et a aboutit à la guerre de Laponie. La conséquence; la Wehrmacht détruisit tout durant sa retraite jusqu’en Norvège.

jubei-bzh

@Isac654
c’est plus compliqué que ça : il y avait bien des allemands en Finlande à cette époque, c’est justement leur retraite face à l’armée rouge qui est évoquée dans le film. A laquelle suit la guerre de Laponie fin 44 : alliance Sovieto-Finlandaise pour dégager les derniers nazis.

Alex styles 77

Oui c imparfait et w*f par moment. Mais la photo, les paysages et le côté Man VS Wild vénère font clairement la diff. Un bon moment de cinéma devant cette série B artisanal qui fait bien plaisir.