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Hypnotic : critique du plus drôle des sous-Inception

Par Mathieu Jaborska
23 août 2023
MAJ : 25 novembre 2023
26 commentaires

Après une incursion plutôt réussie (artistiquement du moins) dans le blockbuster hollywoodien sous la férule de James Cameron, avec Alita : Battle AngelRobert Rodriguez est revenu à ses premières amours : la série B hyper fauchée (Red 11) et le divertissement pour enfants aveugles (C’est Nous les héros). Ce qui ne l’a pas empêché de gravir les marches cannoises pour la présentation en séance de minuit de son dernier film : Hypnotic avec Ben Affleck, en salles le 23 août en France à la suite d’une carrière américaine catastrophique. Est-ce que ça vaut le détour ? Oui, mais pas pour les bonnes raisons.

Critique

Robert utilise hypnose

À la lecture du pitch d’Hypnotic, on pourrait croire que Robert Rodriguez et son coscénariste Max Borenstein (Godzilla, Kong : Skull Island) ont voulu rendre hommage aux techniques mentales Jedi. Chronologiquement, ça tient la route puisque le réalisateur des Aventures de Shark Boy et Lava Girl aurait commencé à plancher sur le scénario en 2002, soit à l’apogée de la période L’Amour est dans le pré de George Lucas (oui, L’Attaque des clones).

Jugez plutôt : traumatisé par la disparition de sa fille, un détective tombe, au cours d’une enquête, sur un conflit entre super-hypnotiseurs (les… « hypnotiques », oui oui) capables de persuader quiconque de faire ce qu’ils veulent d’une simple phrase.

 

 

 

Si vous vous dites que c’est la porte ouverte à tout et n’importe quoi, vous ne savez pas à quel point. Passé 25 minutes de métrage et au détour d’un dialogue explicatif lunaire mené par une Alice Braga à peu près aussi paumée que son personnage, le film part complètement en vrille, parfois même au sens propre. Les twists s’enchainent à un rythme métronomique, en dépit du bon sens voire des règles instaurées par le scénario trois scènes auparavant. Peu à peu les pouvoirs des « hypnotiques » égalent ceux de Doctor Strange, le serrage de mâchoire de Ben Affleck atteint les 3 tonnes/cm et le thriller télévisuel ridicule tourne au gros délire absurde.

 

Hypnotic : Photo Ben Affleck« Ce ne sont pas les droïdes que vous recherchez »

 

Les antagonistes peuvent façonner la perception des héros à leur guise (qu’ils soient réceptifs ou pas, apparemment…), quitte à enchainer les incohérences. Donc chaque rencontre, chaque dialogue, chaque séquence s’achève avec une révélation pseudo-fracassante qui vient tout remettre en question… mais rien en perspective. Car dans un monde où chaque personnage est capable de transformer la réalité à sa guise, ou à la guise du scénario, plus rien n’a de sens et toute forme de suspense ou même de surprise est annihilée. Jusqu’à une scène post-générique tenant plus de l’ultime doigt d’honneur puéril que du cliffhanger haletant.

Un gigantesque foutoir qui en ferait presque une déclinaison bis du trop vite oublié Trance de Danny Boyle, lequel prenait justement soin de diluer la santé mentale et la morale de ses personnages dans un sac de noeuds narratif. Toutefois, le gros twist survenant après une heure dresse plutôt un parallèle peu original avec l’artifice du cinéma populaire, lui-même un leurre usant de décors et de fonds verts pour tromper sa victime. 

 

Hypnotic : photo, Ben Affleck « Tu ne vends pas de bâtons de la mort »

 

Incepcon

Sauf que les inspirations de l’illustre metteur en scène de Spy Kids: Armageddon (patience, ça arrive) ne sont pas à chercher chez George Lucas, mais bien chez… Alfred Hitchcock. Ce n’est évidemment pas la critique qui le dit, mais l’intéressé lui-même, qui qualifiait chez Collider son oeuvre, fruit d’une longue maturation parait-il, de « Hitchcock sous stéroïdes« , rien que ça. Et c’est justement parce qu’il se prend autant au sérieux qu’il évite d’ajouter un navet à sa très aléatoire filmographie.

Hypnotic est un pastiche involontaire, non pas du style Hitchcock ou même du film noir (dont il tente pourtant d’émuler l’esthétique à coups d’étalonnage maronnasse et de néons verts) mais bien du techno-thriller des années 2000 qui se la pète et convoque des références un peu au pif.

Des personnages-fonction unilatéraux qui se perdent dans des rouages scénaristiques improbables avec pour objectif d’épater le spectateur plutôt que de le divertir, des poursuites motorisées bâclées, une BO synthétique qui agrémente chaque réplique-révélation d’un bourdonnement grave, le tout dans un laps de temps aussi serré que le muscle ptérygoïdien médial de Ben Affleck (1h32 générique compris !) : c’est un bingo.

 

Hypnotic : photo« Ton truc mental ça marche pas avec moi »

 

Bien évidemment, personne ne s’est gêné pour le comparer avec les plus gros succès d’un des seuls réalisateurs à vraiment maitriser l’exercice : Christopher Nolan. Difficile de ne pas repérer l’approche méta, la mise en scène, les visions familiales baignées de soleil, la surenchère narrative, le jeu sur la perception et surtout les visions de sol pliées (ici en version « j’ai bu trop de tequila ») d’Inception. Sous couvert de rendre hommage au maître du suspens, Rodriguez braconne impunément sur les terres de Nolan.

En tant que parodie de ses imitateurs, Hypnotic est efficace malgré lui, et c’est ce qui le rend étrangement regardable, a fortiori avec quelques amis sous la main. Nolan lui-même étant passé à autre chose, sa sortie n’en est que délicieusement anachronique et son bide monumental (moins de 10 millions de dollars de recettes dans le monde à l’heure où ces lignes sont écrites, pour un budget improbable de 60-80 millions) plus drôle. Au pays de l’Oncle Sam, Warner n’a pas encore le monopole des sorties de route.

 

Hypnotic : Affiche

Rédacteurs :
Résumé

Hypnotic tente de singer la filmographie de Christopher Nolan, mais ne parvient qu'à parodier ses gros succès. Et c'est ce qui le rend étrangement divertissant.

Autres avis
  • Alexandre Janowiak

    Robert Rodriguez en fait beaucoup trop avec Hypnotic et finit par se perdre dans ce grand labyrinthe mental. Sans surprise, son thriller hitchcockien voulu se révèle surtout une grosse série B tendance Z assez idiote.

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Commentaires
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@tlantis

Rodriguez ou le réal qui as aucuns tallent , il doit sûrement être super sympa et a de bon potes qui le produisent

Hippy

Je viens de voir le film par curiosité au vu des critiques plutot et j ai apprécié, de part le casting mais aussi pour l’histoire,

Malik_Orne

Petit thriller/sci-fi/parano à l’ancienne (on pense bcp à tous ces « film à mystères » teintés de sf qui pullulaient dans les videos-clubs fin 90 – ou sur eMule début 2000 ;p – style Memento, Insomnia, Cypher, Equilibrium,…) où le manque d’épaisseur et de ressort des personnages est expliqué et légitimé par une intrigue, certes à doubles fonds et où les twists et les trompe l’œil s’enchaînent à un rythme aye caramba, mais qui va puiser tout de même dans le genre trop rarement exploité de films de pouvoirs psychiques ! Fatalement aussi épuisants pour les neurones et les synapses des personnages que pour ceux du spectateur mais on est bien devant une série b à budget intermédiaire (et ça, ça devient assez rare de nos jours pour ne pas faire la fine bouche !!) qui passe donc très bien sur un écran plat un dimanche soir de gueule de bois. Entre 6,5 et 7/10.

Tyrany50

Comme tout les films de Rodrigez soit on aime soit on déteste, perso j’ai apprécié même si il y a quelques endroits où Rodrigez veut imposer une cool attitude qui n’a aucun sens dans le contexte de la scène.
Mais encore un film où l’équipe d’écran large parle de plot hole alors que ce n’est pas le cas. La deuxième moitié du film est très claire sur l’étendu des pouvoirs, et même au niveau de la protection, c’est très explicite quand on a besoin d’une trentaine de personne pour imposer un monde à un personnage que celui-ci est résistant.
Il faut vraiment que les gens se sortent de la tête que les personnages ont toujours raison quand ils parlent, c’est le film qui impose la réalité pas les dialogues de personnes dont on expose clairement le mensonge.

Dateuss

Yen a, on se demande s’ils croient eux-mêmes à leur poste!

On peut aimer ce film, mais dire qu’il est mieux que Inception ?! Le gouffre est tellement immense qu’il n’y a pas de sujet. Cameron lui-même est convaincu du niveau ! Bref, chacun à droit à son avis après tout.

Bernus

J aime bien Rodriguez ( parfois) mais là on a affaire à une pure bouse série Z tournée et montée a l arrache. Quand on rigole alors que ce n’ est pas supposé être drôle, il faut commencer à s inquiéter …

sylvinception

@isac : comparer Rodriguez à Nolan fallait oser… bravo.

Grey Gargoyle

Hello,
Robert Rodriguez est constant dans son oeuvre. (^_^)
Bien cordialement

isac654

A Silvinception;
Hypnotic est plutôt un Surinception tant ce film était dénué de sens et ennuyeux en possible ! 2h28 de calvaire !
Quant à Robert Rodriguez sa filmographie parle pour lui « Une Nuit en Enfer », « Sin City », « Planet Terreur », »Machete »…
Nolan qui ne pond que des films incompréhensibles entre 2h30 et 3h00 devrait s’en inspirer et faire des choses plus éfficaces !

sylvinception

C’est pas seulement un sous-Inception, c’est aussi un énorme plagiat d’un des épisodes les plus appréciés de X-Files, Pusher, dans lequel un homme a le pouvoir de contrôler les actions des gens en implantant des suggestions dans leur esprit.
J’ai pensé à ça direct quand j’ai vu la BA avec le perso de Willam Fichtner!!
(non j’ai pas vu le film, un Rodriguez, faut pas déconner non plus…)