boîte noire et vol de nuit
Le film avec lequel Gozlan s’était mis la critique et le public dans la poche, Boîte Noire, parlait du mystère entourant un crash d’avion, aussi l’habitacle était-il utilisé comme décor et disséqué comme scène de crime. Mais Gozlan n’en avait pas fini avec l’esthétique aéronautique, puisque Visions commence lui aussi dans un avion. Cette fois-ci, tout se passe bien : Estelle, grande blonde bien propre sur elle et au chignon serré, prend sa place au poste de pilotage et assure un vol sans encombre à ses passagers. Pas un nuage dans le ciel.
Mais cette première scène n’est que l’amorce d’un leitmotiv du film, qui utilisera l’habitacle comme décor régulier pour faire le point sur l’état psychologique d’Estelle, un état qui se reflètera directement sur son pilotage et le déroulé du vol. Un procédé habile qui n’est pas le seul inspiré des précédents films du réalisateur : on retrouve aussi dans Visions des plans qui rappellent de manière troublante la manière dont le personnage de Pierre Niney cachait un corps dans Un Homme Idéal, par exemple. Le cadre d’une villa cossue en bord de mer est aussi de retour.
Des ressemblances frappantes et assumées qui semblent tisser habilement un lien entre ces films et approfondir l’étude que le réalisateur fait du sentiment de culpabilité et de ses conséquences. À chaque fois, la lorgnette par laquelle le metteur en scène aborde ce thème est différente, et c’est dans Visions qu’elle est la plus fantastique. Mais au-delà des motifs visuels, Gozlan réutilise et transforme l’une de ses techniques de narration : dans Boîte Noire, l’ouïe du héros était un quasi-personnage du film, qui jouait un rôle crucial dans le déroulé de l’intrigue, et l’oreille en tant qu’organe était un refrain de la mise en scène.
Dans Visions, c’est évidemment la vue et l’œil qui prennent cette place et qui, en tant qu’organe et sens (à la fois traître et guide, entre images prémonitoires et fausses interprétations) structurent la narration. Et si l’idée, bien que réussie, semble très classique (les thrillers psychologiques où un personnage se perd entre rêve et réalité et ne sait plus s’il doit croire ce qu’il voit, on connaît archi-par cœur), c’est qu’alors que Gozlan opère une bascule subtile dans le fantastique, il se réfère beaucoup aux maîtres du genre et ne se prive pas pour les citer.
La référence ultime : Alerte à Malibu
brian De pal… mal du tout
Ce sont peut-être les limites du film : si maîtrisé soit-il, et empreint du style personnel du réalisateur, il ressemble parfois à un test de culture cinématographique tant on y reconnaît l’influence des maîtres de Gozlan. Dans Un Homme Idéal déjà, le réalisateur ne cachait pas ses inspirations en faisant référence à Plein Soleil ou Match Point, et ce nouveau film n’est pas non plus avare de clins d’œil.
Répondant parfaitement aux critères du thriller hitchcockien moderne (un genre dont l’épidémie ne tarit pas), jusque dans son héroïne blonde et froide qui fond comme neige au soleil face à la tentation, Visions fleure aussi bon le Brian De Palma. Autant par les thèmes du voyeurisme que dans la division des cadres par la géométrie de l’architecture, on pense fortement à Body Double et Blow Out, tout comme la narration et la plongée dans l’enfer psychologique du personnage ne sont pas sans rappeler fortement Le Locataire de Roman Polanski.
Là où beaucoup de réalisateurs disparaîtraient complètement derrière de telles références et souffriraient terriblement de la comparaison, Gozlan a le mérite de leur faire si bien honneur, sans en oublier sa propre patte, que le plaisir prend globalement le pas sur le jeu des sept différences. En revanche, il est tout de même difficile de ne pas soupirer parfois un peu devant certains retournements trop attendus de l’intrigue, ainsi que devant l’utilisation tellement galvaudée du motif de l’œil comme parallèle avec tout ce qui peut être vaguement rond dans un décor naturel.
Le suspens est joliment présent, oui, mais reste en partie insatisfait parce que le film ne renverse jamais ses codes et finit par mener à la fin à laquelle le spectateur s’attend. Et si, en termes de casting, Kruger et Kassovitz ont toute la latitude nécessaire pour incarner avec talent la duplicité et les subtilités de leurs personnages, c’est moins le cas de Marta Nieto. Absolument formidable dans le Madre de Rodrigo Sorogoyen sorti en 2019, Nieto est ici à l’étroit dans ce rôle hyper formaté d’amante rebelle et muy caliente qui n’existe qu’à travers son roulement de hanches et son sourire enjôleur.
Let’s Gozlan
Néanmoins, si ces quelques défauts sont si regrettables, c’est bien parce que, par ailleurs, le film assure comme une bête. Et si Gozlan s’autocite et répète ses obsessions, il le fait avec une évolution évidente dans son style qui change tout. Visions assume complètement, et c’est un pur plaisir, de faire du genre et de flirter avec l’horreur.
La photographie du film, assurée par Antoine Sanier qui collabore ici pour la première fois avec Gozlan, est d’une étonnante beauté, en particulier dans les séquences où s’installe une atmosphère fantastique. Mention spéciale – entre autres – à la scène où Estelle pique une tête dans sa piscine en pleine nuit, et où les vagues d’un bleu lumineux font contraste avec la nuit noire.
Et, au-delà de cette beauté étrange, Gozlan ne lésine pas sur les images saisissantes et parfois sanglantes pour créer l’angoisse chez son spectateur. Une nouveauté dans son cinéma, mais qui semble être la continuation logique et naturelle de ses films précédents, où la tentation d’un style plus sombre se faisait sentir.
Le réalisateur réussit son baptême du feu, entre humilité admirative devant ses références et affirmation de son propre talent. Malgré les quelques regrets que peut laisser le film, il est une bonne surprise évidente et donne envie, plus encore que Boîte Noire, de voir ce que fera Gozlan par la suite. En espérant qu’il prendra encore un peu plus son envol en lâchant le tuteur de ses maîtres.
De l’incohérence magistrale (je drogue ma femme enceinte, parce que je suis certain qu’elle va tout oublier, ça va forcément marcher, c’est pas grave, elle a un métier où on peut tout à fait se permettre d’être à l’ouest) et l’utilisation de musiques de suspense dans n’importe quelle scène, même les plus anodines.
Arf, quel ennui, quelle platitude.
Heureusement, c’est très beau, et heureusement les cinéphiles pourront jouir à dénicher les références.
L’ennui total et absolu…désolée pour moi,qui espérait passer un bon moment.
Avec le recul j’ai très moyennement aimé ce film.
Vous citez beaucoup de De Palma mais pour moi c’est une forte inspiration de Lynch et Aronofsky pour son Black Swan.
La réalisation et le jeu des acteurs sont très bons (Diane Kruger est phénoménale comme à son habitude) mais le scénario ne cherchant qu’à laisser libre court à l’interprétation du spectateur est assez mal écrit et ne finit surtout qu’à apporter une seule conclusion sur la psyché de l’héroïne: elle a un sérieux pet au casque.
Bien aimé le film par contre si quelqu’un peut m expliquer la scène finale. Je n ai pas compris ce retour sur les 1eres images avec la vision d Estelle en haut de la plage
Je me suis ennuyée
Plein de déjà vu
Peut-être dû à mon âge !?!?
Rien à redire sur le résumé très juste du film, sauf:
Un bémol: une incohérence que j’ai relevée : le fait que le mari protecteur laisse partir sa femme à Tokyo, piloter un avion tout en l’ayant drogué.
Je pense qu’il aurait été nécessaire d’avoir ce type d’information dans la bande-annonce
La bisexualité n’est pas banale à ce que je sache donc autant savoir si le film en parle
Sinon on risque de choquer …
Si j’étais allé voir le film sans avoir cette information j’aurais eu le sentiment de me faire avoir d’être manipulé
C’est mon avis
Cher Ethan,
La cible c’est important.
Je suis gay, du coup j’ai détesté Titanic.
Je n’ai pas le permis de conduire, j’ai détesté Drive.
Je suis un mec, j’ai détesté la Reine des Neiges.
Je ne suis pas une poule, j’ai vomi devant Chicken Little.
Je suis bebete, j’ai adoré votre commentaire.
Bref, tout vous tente, vous voulez le voir même après la bande annonce, mais il y a une histoire de bisexualité du coup, non vous ne voulez plus ? Car vous n’êtes pas la cible ? Sans que vous sachiez comment ou pourquoi cela va être amené ?
N’importe quoi.
Autant, même en tant que gay je commence à saturer qu’ils nous foutent dans tous leurs films, séries et documentaires, juste pour faire presence la plupart du temps ou pour attirer notre audience (et ça commence à faire l’effet inverse), mais là quand même vous y aller fort de café. Si touuuuut vous tente dans ce film et que d’apprendre cela vous bloque, je pense qu’il y a des démons intérieurs que vous n’avez pas encore dompté.
Bref j’avais adoré Boîte Noire donc j’irai voir ce film.
@Ethan Phoque, quand la simple présence d’une romance bi ou homosexuelle t’empêche d’aller voir un film qui pourtant à la base te tentait, c’est quand même sacrément problématique, à mon avis. Mais bon, on n’en est pas au premier pseudo-rebel qui boycott un film pour une telle raison. J’ai encore souvenir de tout le bruit fait autour de ce détail d’une demie-seconde dans le film « Buzz l’éclair »…
L’affiche avec l’oeil est juste magnifique !!