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Soudain seuls : critique d’un cauchemar blanc comme neige

Par Geoffrey Crété
6 décembre 2023
MAJ : 6 janvier 2024
16 commentaires

Dans Soudain seulsGilles Lellouche et Mélanie Thierry se retrouvent perdus et isolés sur une île glaciale et sauvage. Comment survivre ? Pour quoi survivre ? C’est l’idée très simple mais diablement efficace du livre d’Isabelle Autissier, ici adapté par Thomas Bidegain (connu comme scénariste fidèle de Jacques Audiard, et passé à la réalisation avec Les Cowboys en 2015) et sa co-scénariste Valentine Monteil.

photo critique gilles lellouche mélanie thierry

soudain seuls au monde

Gilles Lellouche et Mélanie Thierry sont dans un bateau. Sauf que le bateau disparaît après une tempête. Le couple se retrouve alors seul sur une île déserte certes parfaite pour Instagram, mais invivable dans la réalité. La petite escapade de quelques heures se transforme en CDI (cauchemar à durée indéterminée), sans aucune autre option que se battre pour survivre, attendre, et espérer.

Dans la catégorie survival en milieu hostile, Soudain seuls se place ainsi quelque part entre Seul au monde (Tom Hanks et son ballon sur une île) et All is Lost (Robert Redford solo et perdu en mer). Il n’y a qu’un homme, une femme, trois planches de bois et quelques manchots dans ce pur tableau de solitude, adapté du livre de la navigatrice Isabelle Autissier publié en 2015.

 

 

Et le cauchemar a presque eu lieu en coulisses. Annoncé en 2021, le projet devait se faire en anglais, avec l’acteur-producteur Jake Gyllenhaal et Vanessa Kirby, pour un budget de 25 millions. Toute l’équipe est arrivée en Islande pour préparer le tournage deux mois avant les prises de vue, mais au bout de quatre jours, tout a été arrêté. Thomas Bidegain expliquait chez Technikart que Jake Gyllenhaal « contestait maintenant chaque scène, la moindre ligne de dialogue, la moindre virgule. Et c’est devenu l’enfer« . L’acteur a essayé de racheter les droits pour faire le film à sa sauce, mais le producteur Alain Attal a refusé.

Suddenly avec Jake Gyllenhaal et Vanessa Kirby est devenu Soudain seuls avec Gilles Lellouche et Mélanie Thierry. Et sûrement pour le mieux puisque le film est porté par deux interprètes excellents, et une approche particulièrement simple, sobre et brute.

 

Soudain seuls : photo, Gilles Lellouche, Mélanie ThierryRira bien qui survivra bien le dernier

 

Mélanie Thierry l’ermite

Soudain seuls aurait pu tourner au simple film de couple, mais le vrai sujet va au-delà de ça. Ben et Laura sont amoureux mais ils auraient presque pu être autre chose puisque c’est avant tout l’histoire d’une relation mise à l’épreuve de toutes les épreuves, qu’elles soient physiques ou mentales. Face au froid et au désespoir, l’amour et donc l’humanité ne sont-ils pas les premiers à fondre et disparaître ? Que reste-t-il du petit paradis romantique (une escapade amoureuse à bord d’un voilier) quand tout devient un enfer ?

À partir de là, le film tiendra évidemment sur les épaules de ses interprètes, excellents. À moins de n’avoir jamais vu Gilles Lellouche ailleurs que dans des comédies basiques (et donc, pas chez Jeanne Herry ou Cédric Jimenez), et de n’avoir jamais vu Mélanie Thierry dans un film tout court, ce n’est pas vraiment une surprise.

Pourtant, c’est bel et bien la grande force : c’est un parfait duo. Particulièrement Mélanie Thierry, dont le personnage passe par toutes les nuances du cauchemar, aussi bien intime qu’épique. Dans les larmes et les hurlements, dans les silences et les vides, l’actrice est fantastique. Comme à peu près toujours.

 

Soudain seuls : photo, Mélanie ThierryQuand tu repenses à Babylon A.D.

 

BLEUE EST LA MER, BLANCHE EST LA MORT 

L’autre visage de Soudain seuls est encore plus blanc et sévère que ceux de Mélanie Thierry et Gilles Lellouche : c’est celui de l’immensité blanche, paisible et impitoyable. À mi-chemin, le film prend une tournure résolument spectaculaire vers le récit d’aventure et de survie, et c’est là que tout (l’écriture, la mise en scène, les personnages) devient beaucoup plus fort et intense. D’un coup, tout semble possible, surtout le pire. Et c’est exactement ce dont cette histoire avait besoin.

Soudain seuls mérite alors amplement son titre, tandis que la caméra de Thomas Bidegain s’attarde sur cet enfer blanc, alternant entre le grand (l’horizon gelé et sans fin) et le petit (quelques scènes de souffrance particulièrement extrêmes). Dans ces moments suspendus hors du temps, où l’humain n’est plus qu’une petite miette de chair perdue dans un monde qui semble alien, le film gagne une dimension sensationnelle.

 

Soudain seuls : photoCNews a raison : y’a pas de réchauffement climatique

 

À la bonne place, à la bonne distance, Thomas Bidegain suit ce périple sans sortir les violons ni forcer le trait sur les mésaventures. Car ce cauchemar est presque calme et doux, comme le prouve l’omniprésence des silences et du vide, et c’est précisément ça qui le rend si captivant.

Comment clore un tel récit ? Il y avait deux choix, évidents et extrêmes, avec l’inévitable risque de déception dans un sens ou dans l’autre. Soudain seuls va en tout cas jusqu’au bout de son idée première, pour retomber sur ses pieds avec la même simplicité, efficacité et émotion.

 

Soudain seuls : Affiche française

Rédacteurs :
Résumé

Grâce à Gilles Lellouche et surtout Mélanie Thierry, le récit de survie de Soudain seuls tient la route du début à la fin, en passant par toutes les nuances du blanc des enfers. Simple, classique, mais extrêmement efficace.

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Bo

J’ ai quitté la salle au bout de 30mn !

GD

Les avantages et les inconvénients de la notion de cliché – sauf dans la dernière minute.

Une séquence « dispute – chacun vide son sac de clichés en 3 minutes » comme pour cocher une case et évacuer le sujet.

Une fois les clichés évacués comme dans un film des Toledano, la deuxième partie du film est un autre film, mémorable pour le meilleur.

Pierrolilo

Superbe interprétation. Bravo. J’ai reconnu ces paysages de rêve islandais qui peuvent se transformer en cauchemar, mais aussi en souvenirs inoubliables .( Quelques aberrations tout de même quant à la survie des deux héros, l’un restant plusieurs jours sans boire ni manger dans un froid extrême, l’autre marchant sans eau vers une destination beaucoup trop lointaine et dormant le visage découvert dans la neige sans dévoiler aucunes gelures ! )

Myr

Trop bien trop top ces 2 acteurs ce réalisateur chapeau, on se met vraiment dans la tête des personnages, on a l’impression de vivre l’histoire avec eux… Que de beaux paysages, cela a du être dur pour le tournage pour toute l’équipe avec ces conditions extrêmes…. Encore merci pour cette belle réalisation

Clau39

Très beau film. Tout est magnifique, les paysages, le suspens, les acteurs et particulièrement Mélanie Thierry.

Patoche

J’ai aimé les images et le jeu des acteurs… mais l’histoire elle-même comment dire trop d’incohérence, j’ai trouvé long très long pour du vide… personnellement je m’attendais à mieux

Nantaise

Excellent film, j’ai vibré avec eux
J’ai passé un moment vraiment très prenant et les images sont incroyables.
Bref j’ai adoré, cela faisait de nombreux films que cela ne m’était pas arrivé… et cela permet de prendre de la hauteur sur nos (petites) vies humaines…

Blue

J’ai adoré ce film, les acteurs sont excellents, les passages étranges, grandioses, sublimes mais effrayants. Bref un beau moment hors du temps.

ninitvb

Excellent! superbe! les 3 acteurs (Mélanie, gilles et l’Islande) sont magnifiques!
j’ai souffert avec eux! bravo !

Sardinette

EXCELLENT